COUCHARD : Sotyse S.C.A.R. (2019-2020, Artothèque, Lg)

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COUCHARD Roman, Sotyse S.C.A.R.

(pointe sèche sur plexiglas,  63 x 96 cm, 2019-2020)

Après une formation de bachelier en art plastique et de l’espace, section peinture, à l’institut supérieur Saint-Luc de Liège, Roman COUCHARD (né en 1994) poursuit sa formation à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles par un master en gravure à finalité didactique.

En 2020, il obtient le prix de la gravure et de l’image imprimée (La Louvière) avec mention du jury, et l’année suivante il est lauréat de la triennale internationale de la gravure de la Boverie (Liège) et de la Fondation Boghossian (Bruxelles).

“Dans un monde à bout de souffle, où l’illusion de l’invention est présente pour toujours plus de consommation. Où tout est jetable et périssable rapidement, pour les hommes comme pour les objets. Je suis un produit de la génération Y […].

Dans ce contexte en tant que plasticien, j’ai d’abord choisi de réaliser une série d’estampes sur le patrimoine architectural.

Actuellement, mes recherches s’orientent plus vers le patrimoine industriel. En utilisant du plastique comme support pour mes matrices. Je change la perception que nous avons de ce matériau. Celui-ci ne devient plus un rebus prématuré mais est réutilisé, classé et archivé” (Roman Couchard)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Roman Couchard | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

DADO : L’exposition Ars Mechanica à La Boverie (Liège, 2025)

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[LABOVERIE.COM, présentation officielle de l’expo] Ars Mechanica – La Force d’innover.Du 25 avril au 27 juillet 2025, La Boverie accueille une exposition unique qui met en lumière l’héritage industriel et artistique du Groupe FN Browning, à travers 135 ans d’innovation et de savoir-faire. En exposant des productions industrielles et artisanales dans un musée des Beaux-Arts, il s’agit de rappeler qu’à une période de l’histoire, les Beaux-Arts et la technique (technè) faisaient tous deux parties des arts mécaniques, avec comme point commun l’expression du génie humain. Les œuvres présentées ne sont pas seulement des pièces esthétiques, mais témoignent du travail des femmes et des hommes qui, grâce à des outils industriels performants et à des inventeurs de génie, ont façonné des productions de qualité, fiables et innovantes à l’origine de révolutions technologiques majeures.

© Stéphane Dado – FN Browing Group

Au fil d’une scénographique subtile et pertinente, le parcours révèlera un large éventail d’objets jamais exposés jusqu’ici, témoins des réalisations de l’entreprise dans les différents domaines qu’elle a explorés depuis sa création en 1889 : armes légères, véhicules, aéronautique, aérospatiale, sports… et bien d’autres encore. L’exposition présentera également des peintures, sculptures, affiches publicitaires créées par des artistes renommés, ainsi que des archives et photos qui illustrent l’industrialisation, la fabrication et les impacts sociaux de l’entreprise. Un voyage fascinant au croisement de l’art, de l’histoire et de la technique qui a fait des marques FN, Browning et Winchester des légendes vivantes.


DADO : 𝐀𝐑𝐒 𝐌𝐄𝐂𝐇𝐀𝐍𝐈𝐂𝐀

À l’heure où les politiques publiques militent activement pour la réduction de la place des voitures dans les centres urbains, et où la frénésie d’investissements dans l’armement soulève de profondes interrogations éthiques — en particulier dans un pays aussi fragilisé budgétairement que la Belgique —, l’exposition Ars Mechanica, actuellement présentée au musée de La Boverie (Liège), surprend par l’ostentation avec laquelle elle met en scène automobiles et fusils. Elle surprend surtout par l’absence de recul critique sur ces objets, exposés ici comme autant d’icônes techniques ou industrielles pas nécessairement appropriées dans un musée dédié à la création plastique. Le titre de l’exposition laissait pourtant espérer une réflexion subtile, à la croisée des arts, des techniques, de l’artisanat et des sciences. Il n’en est rien. Ce à quoi l’on assiste, c’est à une véritable célébration de la FN Browning — consortium regroupant la Fabrique Nationale d’Herstal (FN), la célèbre marque de fusils Browning, et l’entreprise américaine de carabines Winchester, fondée en 1855 dans le Connecticut. Fait peu connu mais non négligeable : l’unique actionnaire de la FN est la Région wallonne.

© Stéphane Dado – FN Browing Group

La FN s’inscrit dans une tradition armurière liégeoise qui remonte au XVIe siècle. Longtemps artisanale, cette production connaît un tournant décisif à la fin du XIXe siècle, portée par les avancées technologiques, les exigences croissantes du monde militaire et un besoin accru de précision, qui impose le passage à la production en série. En 1889, dix maisons d’armurerie liégeoises s’associent pour fonder la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre à Herstal. C’est un jalon fondamental dans l’histoire industrielle de la région : dès sa création, l’entreprise honore une commande de 150 000 fusils de type Mauser, la première arme produite dans ses usines.

À la fin du siècle, la FN diversifie ses activités : automobiles de luxe ou de gamme intermédiaire, camions, vélos, turboréacteurs… Elle excelle dans les savoir-faire de forge, fonderie et tôlerie, exploitant avec virtuosité les propriétés de l’acier et la diversité des alliages. Cette diversification, qui perdurera près d’un siècle, prend fin dans les années 1980, lorsque la crise sidérurgique frappe de plein fouet l’ensemble de la Wallonie.

© Stéphane Dado – FN Browing Group

Aussi riche et passionnante que soit cette histoire industrielle, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de son exposition dans un musée d’art tel que La Boverie — un musée du design ou d’histoire industrielle aurait sans doute offert un cadre plus cohérent.

L’un des écueils majeurs de l’exposition est l’effacement de la dimension artistique, réduite ici à sa plus simple expression. Elle est engloutie sous l’abondance d’armes et de véhicules, comme si la seule prouesse technique suffisait à leur conférer une valeur artistique. Pourtant, certaines armes de prestige ou de chasse produites par la FN témoignent d’un haut degré d’exigence tant technique qu’esthétique : précision mécanique irréprochable, utilisation de matériaux nobles comme le noyer pour les crosses, robustesse pensée pour traverser les générations, finitions exécutées à la main sur les pièces d’exception. Certaines sont gravées au burin ou à la pointe sèche par des maîtres graveurs, à l’intention d’une clientèle de collectionneurs et d’amateurs d’armes d’art.

Ce savoir-faire exceptionnel aurait pu constituer le cœur d’une réflexion esthétique approfondie. Or, c’est précisément ce qui fait défaut : les qualités artistiques remarquables de ces objets sont à peine évoquées. Plusieurs pièces présentent pourtant des techniques raffinées de marqueterie métallique et d’incrustations d’or, d’argent ou de nacre. Le décor mériterait une lecture plus approfondie : figuration naturaliste (scènes de chasse, cervidés et oiseaux rendus avec un grand réalisme), ornementations baroques ou rocaille (arabesques, feuillages stylisés à la manière des orfèvres), gravures géométriques inspirées de l’Art déco, ou encore motifs héraldiques personnalisés.

L’exposition tente néanmoins d’associer ces armes à des peintures de chasse, évoquant au passage le mimétisme de la bourgeoisie du XIXe siècle, qui, désireuse de singer l’aristocratie, partage avec elle ce goût détestable pour l’extermination animale à des fins récréatives.

HEINTZ Richard, La Roche Noire à Sy (1905) © La Boverie

Quelques œuvres picturales parviennent malgré tout à émerger du lot, offrant un contrepoint plus sensible : un superbe paysage de Richard Heintz (La Roche Noire à Sy, 1905), ou une toile expressive de l’illustrateur américain N. C. Wyeth (Hunters with Bear, vers 1911). Ces peintures contrastent vivement avec les sculptures animalières fades ou les représentations stéréotypées de cervidés signées Trucker Smith ou Kyle Sims, dont la qualité évoque davantage les toiles poussiéreuses des brocantes dominicales que le raffinement d’une collection muséale.

© Stéphane Dado – FN Browing Group

De superbes agrandissements photographiques en noir et blanc viennent rehausser certaines pièces (armes ou véhicules), en arrière-plan des objets originaux. L’idée est excellente et la présentation réussie. On regrettera toutefois que ni le nom du photographe, ni le lieu de conservation de ces clichés ne soient mentionnés. Quelques affiches publicitaires de la FN, réalisées par Auguste Bénard vers 1900 dans un style clairement influencé par l’Art nouveau, retiennent également l’attention.

Mais la véritable pièce maîtresse de l’exposition reste sans conteste la frise monumentale d’Émile Berchmans, Les Forgerons de Vulcain — une huile sur toile peinte en 1910 pour le pavillon de la FN à l’Exposition universelle de Bruxelles. Cette allégorie saisissante rappelle, avec force et lyrisme, que toute création mécanique repose sur la maîtrise du feu et le façonnage du métal. C’est sans doute la seule pièce du lieu à offrir une véritable dimension artistique, la seule qui fait un peu rêver dans un parcours partagé entre la technicité et le spectaculaire. Accueillir une exposition clé sur porte ne représente certes aucun coût, mais cela ne témoigne en rien d’une ambition artistique affirmée ni d’une vision imaginative. Une ville comme Liège mérite assurément mieux…

Stéphane DADO


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : © Stéphane Dado – FN Browing Group ; © La Boverie.


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REGO, Paula (1935-2022)

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[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 9 juin 2022] […] Née à Lisbonne en 1935, Paula Rego s’est installée à Londres au début des années 1960, où elle a poursuivi jusqu’à aujourd’hui son œuvre figurative tourmentée. Une grande artiste injustement méconnue en France, dont plusieurs grandes institutions ont mis en lumière le travail ces deux dernières années. C’est le cas de la Tate Britain (2021) à Londres, du Kunstmuseum (2021-2022) de La Haye et du Museo Picasso Málaga en Espagne qui présente jusqu’au 21 août la plus vaste rétrospective de son œuvre. Certains de ses travaux sont également montrés dans l’exposition internationale The Milk of Dreams à la 59e édition de la Biennale de Venise jusqu’au 27 novembre mais aussi Tout ce que je veux. Artistes portugaises de 1900 à 2020 au CCC OD de Tours jusqu’au 4 septembre à l’occasion de la saison France-Portugal. En 2015, Paula Rego nous a reçus dans son atelier à Londres. Pour lui rendre hommage, nous publions ci-dessous son portrait paru à cette occasion.

L’univers tourmenté de Paula Rego

D’inquiétants mannequins assis dans des fauteuils, des masques de carnaval, des poupées amoncelées sur un canapé, un singe en peluche abandonné dans l’angle de la pièce. Du mobilier de toutes les époques, un échafaudage, des accessoires, des portants où sont suspendus différents costumes. Autant d’éléments qui évoquent des coulisses, où seraient entreposés les éléments de décor d’une étrange pièce de théâtre. Mais ici, dans l’atelier de Paula Rego, le spectacle se déroule sur des toiles immenses, alignées sur des chevalets. De ces créatures, personnages ou animaux qu’elle crée, transforme ou déguise depuis les années 1970, naissent des scènes composées qui lui inspirent des tableaux d’une grande puissance, où se croisent la réalité et la fiction, les rêves et les cauchemars, l’enfance et la mort, entre passé et présent.

Un travail mystérieusement méconnu en France

Si l’artiste est célèbre dans son pays natal, le Portugal, où elle bénéficie de son propre musée, et en Angleterre où elle est installée depuis le début des années 1960 (la National Portrait Gallery de Londres conserve deux de ses tableaux), son travail demeure mystérieusement méconnu en France. Saluons donc l’initiative de la galerie Sophie Scheidecker, à Paris, qui lui a offert en 2012 sa première exposition monographique française (en parallèle à la superbe présentation d’œuvres du Centre Calouste Gulbenkian) et qui a présenté en 2015 un ensemble de dessins, de gravures rehaussées et de pastels récents.

L’occasion de découvrir cette œuvre figurative marquée par la littérature du XIXe siècle (les romans de José Maria de Eça de Queirós), la poésie d’Edgar Poe, les légendes portugaises (La soupe de pierres), le théâtre et, bien sûr, l’histoire de l’art. En regardant ses tableaux, comment ne pas penser à Goya et à Zurbarán, à Max Ernst et, surtout, à l’univers peuplé de figures macabres et grimaçantes de James Ensor ?

La vie telle qu’elle est

À bientôt 80 ans, l’artiste parle volontiers de sa vie et de tout ce qui a pu, consciemment ou non, venir nourrir et enrichir ses images. Au-delà de ses multiples influences littéraires ou artistiques, elle puise la matière de ses tableaux au plus profond d’elle-même, en exprimant sur la toile ce qu’elle a vécu, ce qu’elle vit et ce qu’elle voit. Avec sincérité et lucidité. « Ma peinture n’est pas un “ théâtre de la cruauté ”, c’est la vie telle qu’elle est, assure-t-elle. Le monde et les hommes sont comme ça, tout est vrai. »

Paula Rego a grandi dans une famille de la classe moyenne, durant l’une des périodes les plus sombres de l’histoire du Portugal. « La dictature de Salazar a duré très longtemps. Il était déjà dictateur quand je suis née, il l’était encore quand j’étais adolescente et l’était toujours quand j’ai eu mes propres enfants. Petite, mon père me disait que le Portugal n’était pas un pays fait pour une femme et qu’il allait me sortir de là. Il m’a envoyée à l’école en Angleterre à 16 ans. Mon père était très anglophile, tandis que ma mère adorait a France. Ils s’y rendaient chaque année, elle y achetait ses chapeaux… »

Londres, terre d’adoption

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Paula Rego a toujours aimé dessiner et a su très tôt qu’elle serait artiste. Soutenue par des parents aimants et compréhensifs, elle étudie à la Slade School of Fine Art, à Londres, où elle remporte le Premier Prix pour son œuvre intitulée Under Milkwood. « C’est là que tout a vraiment commencé », précise-t-elle. Sa première exposition est organisée aux Belas Artes, à Lisbonne, en 1963. L’artiste présente alors une série de collages inspirés par la situation politique de son pays, notamment l’éloquent Salazar vomiting the Motherland qui, comme tous les autres, sera censuré. Entre-temps, Paula a épousé le peintre Victor Willing, à Londres, en 1959.

Nous avons acheté une maison dans Albert Street House, en 1961. En Angleterre, il était très difficile d’organiser une exposition. Les galeries n’imaginaient pas une seconde que le travail d’une jeune femme pouvait valoir la peine d’être montré. Mais je ne cessais de peindre, c’est tout ce que je savais faire.

Loin d’être découragée, elle fait de Londres sa terre d’adoption. Et c’est dans le quartier de Camden qu’elle vit et travaille toujours aujourd’hui. « Mon atelier est l’endroit où je me sens le plus à l’aise », confie Paula Rego en parlant de ce vaste espace composé de deux pièces aux murs d’un blanc immaculé. Travailler est pour elle un plaisir, mais aussi un besoin. Elle se rend à l’atelier tous les jours de la semaine, sauf le dimanche. « Ce jour-là, je mets une jupe et je reçois ma famille qui vient prendre le thé à la maison ! »

Depuis plusieurs années, elle œuvre en collaboration avec son assistante Lila Nunes, qui l’aide à déplacer son matériel, à agencer ses mises en scène complexes, et qui pose volontiers pour elle, parmi les marionnettes, les masques, les jouets et autres figurines en papier mâché. « Elle est mon amie et ma muse. Je lui décris l’histoire que j’ai envie de raconter et, comme le ferait une actrice, elle l’incarne. »

De la chair et des tripes

Rien n’intéresse plus Paula Rego que l’être humain. Pas de natures mortes chez elle, encore moins de paysages. « Les paysages, c’est ce que l’on voit depuis les fenêtres des hôtels, affirme-t-elle. Pour qu’une histoire commence, il faut qu’il y ait des personnages. » Elle aime la narration, les récits et l’Histoire, comme en témoigne sa récente série La Mort du roi, en hommage à Manuel II, dernier roi du Portugal, couronné en 1908 et exilé deux ans plus tard en Angleterre après le coup d’État et la proclamation de la République. En revanche, elle déteste la simple illustration. Un tableau doit avoir de la chair, des tripes, et faire naître des émotions. Il y a quelque chose de Lucian Freud dans le réalisme froid de ses visages, dans sa manière frontale et sans concession de montrer le corps de ses personnages.

À travers ses peintures, ses pastels (sa technique de prédilection) ou ses gravures, Paula Rego évoque notre monde. Il y est fréquemment question de guerres, de souffrance, de domination, d’avortement, de viol et même d’excision. Une vision noire de l’humanité que viennent adoucir, ici ou là, quelques traits d’humour (Pregnant Rabbit telling her Parents) ou une pointe de tendresse, lorsque l’artiste représente sa mère en chou dans Weeping Cabbage.

Une histoire évolutive

Pour chacune de ses œuvres, Paula procède de la même manière. Elle part d’une idée qu’elle esquisse sur le papier, produisant parfois plusieurs dizaines de dessins et de croquis préparatoires. Puis vient le temps de la mise en scène dans l’atelier, en reprenant à l’infini les poses et les agencements des figures, jusqu’à ce que le ‘tableau’ définitif lui convienne. « Évidemment, au fil de la réalisation, l’histoire va évoluer et tout va changer, dit-elle. Sans compter que je peux finir par avoir de la compassion pour certains de mes personnages, aussi détestables soient-ils. Et si je commence à avoir de la compassion pour Salazar, il vaut mieux que j’arrête immédiatement de le peindre et que je passe à autre chose ! »


Paula Rego, “The Dance” © P. Rego

[FESTIVALDELHISTOIREDELART.FR] Au cours de sa longue carrière, Paula Rego, la grande peintre portugaise, a produit une œuvre qui interpelle. Qualifiées de ‘réalisme onirique’, ses compositions frappent par leur mise en scène recherchée et la présence physique des personnages. Dans un style direct et percutant, elles traitent des thèmes existentiels tels que la douleur, la sexualité, ou la violence.

Alors qu’aujourd’hui ces mêmes sujets sont souvent abordés par les artistes sur un mode documentaire en s’appuyant sur des documents d’archives et des images photographiques, Paula Rego tranche avec cette approche en privilégiant la fiction au-dessus du reportage.  Cela ne signifie toutefois pas un désintéressement pour la grande histoire, ni ne fait d’elle une artiste moins engagée. L’histoire du Portugal, son pays natal qu’elle quitte pour Londres à 17 ans, affecte autant l’œuvre de Paula Rego que la production des artistes portugais de la nouvelle génération, telle que Angela Ferreira ou Grada Kilomba, dont les installations dénoncent ouvertement le passé colonial du Portugal. Les allusions à l’histoire politique de l’empire portugais sont présentes : par exemple, dans O tempo-passado e presente, où le bateau à voile et l’hippopotame miniature renvoient discrètement aux missions du vieux marin sur les côtes africaines ; ou cette fois, plus explicitement, avec l’emboîtement d’un tableau dans le tableau du peintre brésilien Vítor Meirelles dans First Mass in Brazil, une œuvre peinte en 1993 par Rego à l’occasion de la célébration contestée de l’arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde.

La célèbre série de pastels et gravures sur le thème de l’avortement qu’elle dessine à la suite du refus du référendum sur la légalisation de l’IVG au Portugal, en 1998, montre de manière poignante comment son art révoque les injustices sociales qui continuent d’exister dans la société portugaise après la chute du régime dictatorial de Salazar. C’est d’ailleurs sous l’appellation d’artiste féministe engagée que le Kunstmuseum de La Haye, après la Tate Britain de Londres, lui dédie une grande rétrospective qui permettra au grand public de découvrir son œuvre du 15 janvier au 20 mars 2022.

Pour Rego, expériences et souvenirs personnels se greffent sur l’histoire collective. Contes populaires, légendes, faits réels et images se superposent et deviennent indissociables. Son œuvre majeure, The Dance, exemplifie peut-être plus que d’autres comment la ‘sédimentation’ structure le processus de création de l’artiste.  Destiné à devenir la pièce maîtresse de sa première rétrospective au Serpentine Gallery à Londres en octobre 1988, ce tableau aurait « tout lié ensemble, accroché au-dessus de tous les autres tableaux » selon les mots de Rego. Elle ne peut le finir que quelques mois plus tard, interrompue pas le décès de son mari, le peintre Victor Willing.  Une fois achevé, The Dance entre dans la collection de la Tate accompagné de onze dessins préparatoires au fusain et encre de chine.

Suivre l’évolution des premières études à la composition finale nous apprend beaucoup sur la pratique picturale de Paula Rego et l’extraordinaire maîtrise avec laquelle sa peinture fusionne histoire intime et histoire collective. Comme point de départ, elle choisit des scènes joyeuses. Un certain nombre de dessins représentent des familles de jeunes et plus âgés qui se sont donné rendez-vous en plein-air. Ils portent des paniers de vivres, le temps est dégagé, l’ambiance est gaie. D’autres esquisses évoquent les premiers pas d’une danse, des couples commencent à se former. D’autres encore expérimentent de manière étonnante la façon de rendre la force et l’énergie physique du saut de danse.

Ces images rappellent les illustrations de fêtes populaires, comme celles que Rego a connues dans son enfance ou qu’elle aime chercher dans des albums de folklore populaire. Elle dit aussi avoir puisé son inspiration dans une série de dessins sur le thème de Pulchinella (Polichinelle) du peintre italien Domenico Tiepolo, dont elle admire la dextérité et le mouvement. Plutôt que d’emprunter des motifs iconographiques, Rego compose des variations sur un thème. Puis peu à peu la composition se stabilise. Un paysage montagneux en bord de mer apparaît, avec en arrière-plan les contours pittoresques d’une ancienne forteresse militaire comme on en trouve fréquemment sur les côtes atlantiques portugaises près de Lisbonne où Rego est née.

Le contraste entre la légèreté initiale des dessins préparatoires et le ton grave de The Dance illustre la façon dont Rego cherche à condenser les formes jusqu’à trouver leur expression la plus forte. Transformée en paysage lunaire, la scène anecdotique s’est immobilisée.  Les silhouettes des deux couples et du trio de femmes et enfant jettent des ombres fantasques autour d’eux. Leurs pieds quittent à peine le sol, comme retenus par un pas de danse devenu à présent plus pesant. Dans un mouvement parallèle, la montagne surplombant le paysage et la forteresse sur son sommet sont prises dans une lumière sinistre. Le langage pictural a changé de registre. De scène narrative, la représentation a basculé en allégorie des trois âges. À gauche de la toile une figure féminine a fait son apparition. Sa valse n’est que danse macabre.  Sans partenaire, agitée, elle fixe son regard sur nous pour nous annoncer un message. L’expérience directe de la mort qui s’est produite dans la vie de l’artiste pendant qu’elle travaillait à The Dance est dorénavant inscrite dans l’œuvre.

The Dance raconte encore d’autres histoires qui ne se laissent pas immédiatement déchiffrer. Dans les dessins préparatoires, le motif de l’architecture militaire en arrière-plan ne semblait avoir d’autre rôle que de donner une touche locale au paysage. Or, la référence est plus précise. Identifié par l’historienne de l’art Maria Manuel Lisboa, le fort de Peniche, situé sur la côte d’Estoril, servait de lieu d’incarcération de militaires allemands pendant la Première Guerre mondiale, avant d’être transformé en prison politique de haute sécurité durant la dictature d’António de Oliveira Salazar. Il a ensuite accueilli les colons revenus au Portugal après la Révolution des œillets, qui venait mettre fin à l’empire portugais. Spectre de l’histoire, il plane sur la composition comme l’ombre d’un passé toujours présent.

Face aux événements de l’histoire, Paula Rego compose des fictions visuelles d’une densité picturale surprenante. Invention de scénarios, déguisement des personnages, jeux d’échelle, dramatisation de la couleur : Rego choisit résolument de déployer ses instruments de peintre.  L’artiste en tant qu’enquêteur : Paula Rego ne prend pas ce chemin. Son art revendique son propre langage.


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article :  © arthive.com


Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

CORVAISIER : Sans titre (s.d., Artothèque, Lg)

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CORVAISIER Laurent, Sans titre

(sérigraphie, 70 x 50 cm, s.d.)

Originaire du Havre, Laurent CORVAISIER (né en 1964), qui dessine depuis sa tendre enfance, s’installe à Paris pour se former à l’ENSAD, l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, à Paris.

Intéressé par l’illustration jeunesse, Laurent démarche les éditeurs avec ses carnets de voyage. Son style séduit, un premier livre voit le jour, puis un autre… Depuis Laurent est peintre mais aussi illustrateur, avec près d’une centaine d’ouvrages à son actif.

Voyageur dans l’âme, Laurent a visité de nombreux pays qui ne cessent de nourrir sa peinture. Ce qui l’inspire plus que tout, c’est la vie qui l’entoure : les animaux, la nature, la ville, sa femme, ses enfants, les gens en général…

Laurent Corvaisier est surtout connu pour ses peintures qui, comme ses artistes de référence – Matisse, Basquiat, Léger… – nous emmènent dans des mondes multicolores et foisonnants. Il fait danser les couleurs sur tous les supports : papier, toile, bois, murs.

On retrouve dans cette gravure noir et blanc ce monde foisonnant, rempli d’animaux. (d’après Galerie Robillard, Paris)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Laurent Corvaisier ; babelio.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

DEGUISLAGE : Poison (2015, Artothèque, Lg)

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DEGUISLAGE Delphine, Poison

(moulage en plâtre, 20 x 36 x 10 cm, 2015)

Née en 1980 à Namur, Delphine DEGUISLAGE est une plasticienne qui vit et travaille à Bruxelles. En 2005, elle a obtenu un Master en Métiers des Arts et Expositions à l’ENSAV de La Cambre, complété en 2021 par un Master spécialisé en études de genre (formation unique sur les questions liées au genre et à la sexualité).

Depuis 2007, elle expose plusieurs fois par an, principalement en Belgique et en France.

L’artiste exprime son art via tous les moyens mis à sa disposition : peinture, sérigraphie, sculpture, gravure, photographies, collages numériques, créations textiles

“Delphine Desguilage met en scène des morceaux de corps de femme en parallèle avec des objets utilitaires ou domestiques réinterprétés, souvent choisis pour leur fonction et/ou leur symbolique […] C’est le corps qui s’empare de l’art plutôt que l’art qui s’empare du corps. Le formalisme est physique, l’anthropomorphisme féminin, l’objet corporalisé, l’espace habité […]” (Fabienne Audéoud, in Fight, Fore, Free, To, One, 2017)

Les questions de genre, de représentation des corps, de pratiques sociales et des désirs sont abordés dans l’œuvre de cette artiste.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Delphine Deguislage ; radiopanik.org | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

DADO : L’exposition Bertholet FLEMAL (1614-1675) au trésor de la cathédrale de Liège (25 avril – 15 juin 2025)

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Nul n’est prophète en son pays. Bertholet Flémal (1614–1675), figure éminente de la peinture liégeoise du XVIIe siècle — également architecte et chantre à la cathédrale Saint-Lambert en qualité de ténor —, n’échappe guère à cet adage. Présent dans les collections du Prado, du Louvre, mais aussi à Vienne, Munich, Liverpool, Saint-Pétersbourg ou aux États-Unis, il demeure pourtant un inconnu dans sa ville natale, où il ne bénéficie même plus d’une rue portant son nom. Au XIXe siècle, une rue Bertholet reliait encore la rue Saint-Remy au boulevard d’Avroy — toponyme né d’un malentendu : les autorités françaises, ignorant la nature liégeoise de son prénom, l’avaient pris pour un patronyme. L’année 2025, marquant les 350 ans de sa disparition, constitue une occasion idéale pour rendre justice à cette figure oubliée. Le Trésor de la cathédrale de Liège, en étroite collaboration avec l’Institut archéologique liégeois, consacre à Flémal une exposition d’une belle tenue, à découvrir du 25 avril au 15 juin 2025.

Cette rétrospective propose un dialogue fécond entre les grandes compositions religieuses bien connues, conservées au second étage du Trésor de la cathédrale, et quelques œuvres païennes et mythologiques issues de la collection de feu l’antiquaire Albert Vandervelden. Ces petites peintures de cabinets, d’un format modeste mais d’une richesse remarquable, étaient destinées à une clientèle de collectionneurs éclairés. L’exposition révèle ainsi toute l’étendue du génie de Flémal, maître aussi bien du sacré que du profane, du monumental que de l’intime.

Ce pan méconnu de son œuvre — la peinture de cabinets — a été brillamment étudié par l’historien de l’art liégeois Pierre-Yves Kairis, chef de travaux principal honoraire à l’Institut royal du Patrimoine artistique et président de l’Institut archéologique liégeois. Que ces scènes mythologiques aient longtemps été négligées ne surprend guère : on imagine sans peine qu’évoquer des bacchanales pouvait sembler déplacé dans la carrière d’un artiste devenu chanoine à Saint-Paul, à l’époque simple collégiale. Ce genre aurait pu nuire à sa réputation, il était alors jugé incompatible avec le rang d’un homme d’Église.

Les scènes mythologiques et païennes de Flémal s’inscrivent dans la plus pure tradition du classicisme français du Grand Siècle, marquées par l’influence manifeste de Nicolas Poussin, dont il découvrit l’œuvre au cours de son séjour romain. On y retrouve une construction rigoureuse : une organisation géométrique de l’espace, une hiérarchisation claire des plans (la scène centrale servant de point de convergence du regard). L’arrière-plan, souvent occupé par une architecture antique faite de portiques, de frontons ou de colonnades, instaure un cadre solennel, hors du temps. Les personnages, disposés en frise ou en groupes mesurés, obéissent aux lois de la tragédie classique, leur gestuelle mesurée traduisant l’influence conjuguée de l’art et de la tragédie antiques.

La maîtrise anatomique des corps, la sobriété des gestes, la noblesse des poses et l’inhumanité dès expressions trahissent une héroïsation discrète des personnages. Les passions y sont stylisées, filtrées par la raison, comme chez Poussin, dans une intellectualisation de l’émotion qui privilégie la posture au visage. La palette, bien que classique, avec des arrières-fonds sombres, évite les lumières tranchées, les clairs-obscurs extrêmes chers aux caravagesques, jugés trop spectaculaires et baroques pour le tempérament mesuré de Flémal. La lumière, frontale ou zénithale, éclaire les formes avec franchise mais sans violence, servant davantage le dessin que la profondeur atmosphérique. Ici, bien que sobres et peu nombreuses, ce sont les couleurs qui dictent leur loi : des déclinaisons d’ocre, des rouges vifs, des oranges chatoyants, des jaunes lumineux ou des bleus profonds. Souvent, ces couleurs sont rehaussées de blanc, dans une orchestration chromatique d’une rare élégance où la répartition harmonieuse des teintes et les rappels de tons révèlent une maîtrise parfaite.

Les tableaux de Flémal ne visent pas seulement la délectation esthétique. Ils sont porteurs de sens, de morale, d’histoire. Inspirées d’épisodes antiques ou mythologiques — la mort de Lucrèce, l’histoire de Didon et Énée, les hommages rendus à Hercule ou des scènes de sacrifice —, ces compositions offrent au spectateur une méditation visuelle, un enseignement philosophique, voire politique. Chaque scène, choisie pour sa portée symbolique, est conçue comme une leçon. La solennité des corps, l’harmonie de la composition, la retenue expressive : tout concourt à une forme d’idéal classique. Ici, nulle surcharge, nulle effusion. La sobriété devient intensité, et la clarté de la pensée, beauté picturale.

Flémal ne cherche pas l’effet immédiat, mais la persuasion durable. Son art incarne une vision réfléchie et intellectuelle de la peinture, où l’ordre, la mesure et la raison prévalent sur l’épanchement. À l’instar de Poussin, il conçoit son art comme un discours visuel, une architecture mentale, une méditation plastique sur l’humanité. Ce classicisme exigeant, fait de retenue et d’équilibre, confère à son œuvre une dignité intemporelle. Si l’on a parfois qualifié Flémal de ‘Raphaël des Pays-Bas’, c’est pourtant davantage en Poussin septentrional qu’il s’impose à nos yeux — un rapprochement qui se fit pourtant plutôt avec son élève Gérard de Lairesse, dont le génie pictural mériterait à son tour une rétrospective d’envergure.

Stéphane Dado


Bertholet Flémal (1614-1675). Un tiers de l’œuvre peint du Raphaël des Pays-Bas au Trésor de Liège. Une confrontation interne.

En partenariat avec l’Institut archéologique liégeois à l’occasion de son 175e anniversaire, le Trésor de la cathédrale de Liège a mis sur pied l’exposition intitulée Bertholet Flémal (1614-1675). Un tiers de l’œuvre peint du Raphaël des Pays-Bas au Trésor de Liège. Une confrontation interne pour commémorer le 350e anniversaire du décès de ce grand peintre liégeois qui travailla, entre autres, pour Louis XIV au palais des Tuileries.

Au départ des deux plus grandes collections de tableaux de cet artiste, cette exposition se présente comme une sorte de confrontation interne à son œuvre peint avec, d’une part, les 9 tableaux religieux conservés à la cathédrale de Liège et, d’autre part, 11 tableaux pour l’essentiel profanes d’une importante collection privée de la région liégeoise. Le public pourra ainsi découvrir, à travers des toiles de grande qualité, le caractère protéiforme de l’art de celui que le peintre allemand Joachim von Sandrart – qui semble l’avoir rencontré à Rome – surnommait le Raphaël des Pays-Bas, rendant ainsi hommage à l’accent classicisant de ses tableaux, bien éloignés de la production rubénienne qui dominait alors les Pays-Bas méridionaux.

Exposition accessible du mardi au samedi de 10 à 17h, le dimanche de 13 à 17h, jusqu’au 15 juin 2025


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : © Stéphane Dado.


Plus d’arts visuels en Wallonie…

PORET : Souvenirs Audresselles 2 (2022, Artothèque, Lg)

Temps de lecture : 2 minutes >

PORET David, Souvenirs Audresselles 2

(impression sur porcelaine, 14.5 x  15.5 cm, 2022)

Né en 1987, David PORET vit et travaille à Liège. Après une formation en Illustration à l’ESA Saint-Luc Liège, il a développé une pratique de dessinateur durant plusieurs années. En 2021, il a obtenu un master en gravure aux Beaux-Arts de Liège (atelier de Maria Pace).

En 2021, il remporte le prix du jury dans le cadre du prix de la gravure au Centre de la gravure et de l’image imprimée (La Louvière). En 2022, il expose à L’espace jeune artiste du Musée de la Boverie (Liège)

Il est aujourd’hui professeur à Saint-Luc Liège.

“Le travail de David Poret témoigne d’une envie de conserver et de transmettre un souvenir – en dépit de son caractère irrévocablement éphémère – et de celle d’expérimenter l’érosion du temps et l’effacement qu’il provoque à travers la matière. […] des images imprimées au bleu de cobalt sur porcelaine, retraçant un voyage à la mer qui s’efface petit à petit. Référence aux scènes de genre et paysages illustrant les carreaux de Delft, l’œuvre tend, par son support, vers la persistance d’un instant volatil. […]”

(d’après Céline Eloy – Exposition à Espace jeune artiste, La Boverie, Liège)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : David Poret | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

Arpenter la forêt avec Anne Brouillard

Temps de lecture : 9 minutes >

[LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET, n°222] Entrer dans les livres d’Anne Brouillard, c’est pénétrer un univers palpable. Arpenter une forêt, faire un pique-nique au bord d’un lac quand il fait beau, ou boire son café dans un bon fauteuil quand il pleut dehors. C’est voyager, souvent en train, tenter l’aventure, mais pour mieux rentrer chez soi.

De ses illustrations, d’une grande délicatesse, se dégage une lumière unique, dont elle capte les variations, une profondeur poétique qu’elle fait évoluer avec cohérence d’un livre à l’autre.

Mise à l’honneur à Bologne

En avril 2024, en marge de la foire internationale de livres pour enfants de Bologne (Bologna Ragazzi), une double exposition mettait à l’honneur le travail d’Anne Brouillard dans la ville italienne. À la Fondazione del Monte, l’exposition monographique La terre tourne. Scivolare nel tempo di Anne Brouillard offrait une rétrospective de l’ensemble de son œuvre. Le public naviguait entre de très nombreux originaux et carnets de recherche, allant du début de sa carrière d’autrice-illustratrice pour enfants à ses travaux les plus récents. Ailleurs dans la ville, la fondation Hamelin, cachée dans le bâtiment d’une académie de musique, proposait pour sa part une plongée intimiste dans l’univers de Killiok, un personnage récurrent dans son œuvre. Ici, Anne Brouillard s’est amusée à reconstituer le décor de ses livres, soit en grandeur nature (fauteuil, cafetière, cadres, tablée de gouter automnal), soit en miniature (on y a admiré une minutieuse maquette de la maison de Killiok, parfaitement aménagée !).

Alors que l’Italie découvre depuis peu de temps les albums d’Anne Brouillard et la met aussitôt à l’honneur, il a semblé évident que la richesse autant graphique que narrative de son travail nécessitait une nouvelle mise en avant dans ces pages. En 2014, à l’occasion d’un article qu’elle lui consacrait dans cette même revue, Natacha Wallez soulignait “la consistance et la cohérence” de son œuvre. Depuis, de nouveaux livres d’Anne Brouillard ont paru, confirmant ces propos tant les thèmes et leur traitement reviennent, avec un talent pour capter l’intangible et l’infime, sans jamais se dire de la même manière.

© Michiel Devijver – iedereenleest.be

Anne Brouillard est née en 1967 à Louvain, d’une mère suédoise et d’un père belge. Si elle grandit ici, elle garde encore aujourd’hui de nombreux ancrages dans ses origines maternelles, et particulier les forêts de Suède qui, nous le verrons plus loin, influencent profondément son œuvre. Petite, comme bien des enfants, elle dessine et, contrairement à la plupart d’entre nous, ne s’arrête pas à l’adolescence. Tant et si bien qu’elle décide de se former comme illustratrice à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles. Et dès 1990, son premier livre, Trois chats, parait aux éditions du Sorbier. Un album sans texte, ou plutôt tout en images (elle en fera bien d’autres par la suite, maitrisant parfaitement cet exercice difficile de raconter sans le moindre mot), très pictural. Les parutions s’enchainent, et nous préférons, plutôt que de les citer, vous renvoyer à l’article mentionné plus haut, qui en parle avec beaucoup de justesse.

En 2015, Anne Brouillard a reçu le Grand prix triennal de littérature de jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles, saluant la qualité de son travail. Elle semble alors arrivée à une apogée de sa carrière. Et pourtant, elle réserve à ses lecteurs et lectrices encore bien des surprises…

Le pays des chintiens

Paru en 2016 aux éditions Pastel, La grande forêt marque un nouveau tournant dans l’œuvre d’Anne Brouillard. Graphiquement, narrativement, il confirme une nouvelle période créative, déjà perceptible dans de précédents albums. Elle confie d’ailleurs, dans une conférence organisée par le CNLJ, avoir eu le sentiment qu’il s’agissait de son premier livre.

© Pastel

La grande forêt est le premier album de la série Le pays des Chintiens, composé de trois tomes, avec Les îles et Les châteaux, et accompagné de deux albums plus courts, Pikkeli Mimou et Killiok. Une première particularité de ces trois grands albums est leur longueur, avec un nombre de pages plus conséquent qu’à l’habitude, et une place plus importante accordée au texte. Une deuxième particularité est l’aspect formel qu’ils prennent : ce sont des livres hybrides, entre album jeunesse et bande dessinée. Si certains des précédents ouvrages d’Anne Brouillard utilisaient déjà le système des cases pour décomposer une action, elle le développe ici davantage, recourant aussi aux phylactères pour faire dialoguer ses personnages. Dès qu’elle s’est lancée dans la création du premier de ces livres, La grande forêt, elle savait qu’il prendrait cette forme, bien en amont de sa réalisation propre. Elle avait également pensé à y insérer des cartes géographiques, que l’on retrouve au début de chaque tome. Loin d’être décoratives, elles permettent de s’orienter dans la Chintia, pays imaginaire composé de onze régions.

Cet ensemble de livres est un projet immense et ancien. “La grande forêt est un livre qui vient de loin et de longtemps. Il vient des choses de l’enfance, et de la vraie grande forêt en Suède. C’est plein de choses de ma vie et de mon imaginaire. Ça se passe dans un pays, la Chintia, où j’ai vécu quand j’étais enfant. Je parlais chintien, j’écrivain en chintien… J’ai envie de développer davantage des personnages que j’avais inventés dans d’autres histoires, et j’avais envie de leur créer un pays.” Cela lui a alors semblé tout naturel, lorsqu’il a fallu trouver un lieu où faire évoluer ses personnages, de choisir ce pays imaginé par ses sœurs, ce pays de l’enfance. Pendant des années, elle a assemblé des recherches dans des carnets. Elle y a mis des éléments de sa vie, de son imagination, toutes des choses accumulées au fil du temps. Ce livre semble être une condensation de tout ce qu’elle a pu faire auparavant. On y retrouve des lieux, des thèmes, mais aussi personnages qui étaient déjà apparus dans d’autres livres, et dont il sera question plus loin.

Un jour, j’ai décidé d’en faire un livre, mais il s’est passé presque dix ans entre le moment où j’ai commencé à essayer de rédiger une histoire et de mettre en place cet univers, et le moment ou le bouquin a pris forme comme il est. Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ? Car je m’y plaisais bien, et que je n’avais pas envie que cela finisse. Évidemment, j’ai fait d’autres bouquins en parallèle.” L’autrice-illustratrice a un rapport au temps particulier, qui se ressent d’ailleurs dans ses histoires. Il y a le temps des recherches, mais aussi celui de la mise en image, selon des techniques qui demandent un long processus.

Peinture à l’œuf ou à l’eau

Pendant longtemps, les livres d’Anne Brouillard étaient caractérisés par des illustrations très picturales, aux contours diffus. “Pendant toute une période, je voulais plutôt rendre des atmosphères, la lumière, le temps qui passe, et j’ai trouvé la technique de la peinture à l’œuf, qui me convenait et que j’ai utilisée dans de nombreux livres. Elle a ce rendu flou, c’est une peinture qui n’est pas cernée au préalable par le dessin. Celui-ci apparait au fur et à mesure avec la peinture, par touches successives, couleur par couleur.” Cette technique de la peinture, fabriquée maison avec des œufs et des pigments, elle y est restée fidèle dans de nombreux livres. Elle l’a aussi utilisée pour peindre le grand décor forestier du Wolf, la Maison de la littérature jeunesse située à Bruxelles, à deux pas de la Grand Place. Dans Le voyage d’hiver, elle a utilisé de la peinture à l’huile sur une longue bande de tissu à faire défiler. Plus tard, Anne Leloup, l’éditrice d’Esperluète, lui a proposé d’en faire un magnifique livre accordéon.

© ecoledesloisirs.fr

Mais Anne Brouillard évolue, et sa technique aussi. Plus jeune, elle avait dessiné à la plume. Elle y est revenue, par envie de renforcer son dessin. De ses nombreux essais sont sortis des livres comme Le voyageur et les oiseaux ou Le pêcheur et l’oie, publiés en 2006 au Seuil Jeunesse. Petit à petit, elle s’est dirigée vers l’usage de l’encre et de l’aquarelle, “mais aussi un peu de crayon de couleur par endroit, par exemple pour le pelage du chien noir, ou de certains habits. Mais il y a toujours de l’encre par-dessus. Il y a des couches et des couches d’encre. Je commence assez légèrement puis j’augmente les tons petit à petit. Je travaille d’abord au crayonné, puis au trait à la plume, puis je travaille les couleurs et je retravaille parfois encore à la plume au-dessus. C’est un processus un peu lent.” On l’aura compris, les livres d’Anne Brouillard prennent leur temps. “Le style graphique se décide par tâtonnements. Il ne s’agit pas d’une décision en amont. Il y a ce qui se passe sur la feuille, on le voit et on va dans cette direction. Il faut essayer, et en tirer parti pour continuer.

De la Suède et autres lieux

Dans les livres d’Anne Brouillard, les lieux ne sont pas de simples décors, supports à ses histoires. Ils sont un sujet en soi. En témoigne son Voyage d’hiver, cité plus haut, qui déroule un paysage vu à travers la fenêtre d’un train. Ce long panorama, époustouflant de finesse, est inspiré d’un trajet entre Dinant et Namur, qu’il rend presque tangible. L’album Le chemin bleu, tout en sensations et souvenirs, a été réalisé lors d’une résidence en Auvergne. Inspiré des coins qu’elle a visités là-bas, le livre évoque un même lieu à travers le temps, où passé et présent se confondent.

Mais au-delà de la Belgique ou de la France, une grande partie de l’œuvre d’Anne Brouillard est campée dans des endroits qu’elle a arpentés en Suède. Ses origines maternelles nordiques l’ont amenée à y séjourner souvent, bien qu’elle réside en Belgique. Ainsi, la forêt que l’on retrouve dans ses livres ‘chintiens’, mais également dans Mystère, Petit somme ou De l’autre côté du lac, est inspiré d’une forêt précise, celle où elle retourne encore et encore, au nord, dans le Kroppefjäll : un massif rocheux de la Dalie, au milieu des arbres et des lacs. C’est au bord de ce même lac qu’est installée la maison de Killiok, personnage principal de La grande forêt. “C’est un lieu où on a l’impression que toutes les choses qui paraissent bizarres dans le livre existent pour de vrai. Toutes ces choses qui semblent insolites pourraient y exister, voire existent pour de vrai. Il suffisait de prendre des notes et de tout agencer.” Anne Brouillard s’inspire donc du réel, dessine les endroits qu’elle connait, mais prend plaisir à les réinventer, essayant d’en faire une synthèse, de restituer son ressenti par rapport à ces lieux. Dans un article du journal Le Monde, elle explique que la cabane de Pikelli Mimou, la caravane ou le grand rocher de Monsieur Hysope, avec des écritures gravées, existent réellement. Ainsi, réel et imaginaire se mêlent, la frontière entre les deux devient floue, laissant au lecteur une impression de justesse, de véracité, tant l’atmosphère des lieux nous touche. C’est sa vision du monde qui l’entoure qu’elle donne à voir. “C’est toujours un aller-retour entre ce que je vois, ce que je découvre autour de moi, et ce qui existe d’une autre façon dans les images“, explique-t-elle.

Si elle accorde une grande place à la nature dans ses livres, Anne Brouillard aime aussi les maisons et les cabanes. Lieux de refuge, elles apparaissent comme un endroit où ses personnages aiment revenir aprs avoir vécu de grandes et petites aventures, comme celles que Gaspard, son doudou Lapinus et son chat Mimi vivent dans le jardin, en début de soirée, avant de retrouver le foyer et une tablée familiale dans Les aventuriers du soir (Éditions des éléphants). La maison est aussi le lieu d’accueil, chaleureux, où l’on retrouve des amis autour d’un gâteau. L’autrice-illustratrice aime tellement les maisons de ses personnages qu’elle les réalise en maquette en trois dimensions. Elle les meuble, les décore. Les maisons semblent être une prolongation de ceux qui les habitent, et en disent long sur eux, ce qu’ils aiment, la façon dont ils vivent. Elles sont habitées, pleines d’atmosphère, et donnent envie d’y passer un moment, en bonne compagnie.

La maison semble indissociable du voyage, offrant une perspective rassurante de retour au foyer après s’être aventuré dehors. Anne Brouillard joue souvent sur le rapport extérieur/intérieur notamment grâce aux fenêtres qui, de l’extérieur, laissent passer une lumière, comme une invitation au réconfort, et, de l’intérieur, laissent apparaitre un monde à découvrir, comme une promesse. Ainsi, plusieurs couvertures de ses livres présentent le protagoniste penché à la fenêtre, comme pour Rêve de lune, Pikeli Mimou ou Killiok. La fenêtre leur permet d’être dans un entre-deux, à la fois à l’abri et déjà un peu dehors, attirés vers les petites et grandes péripéties à venir.

Killiok et cie

Le monde des livres d’Anne Brouillard est peuplé de quantité de personnages plus ou moins étranges ou familiers. Enfants, adultes, animaux, bébés mousses, doudous animés, nuisibles… Elle fait vivre ce microcosme d’êtres délicieux là où elle aime vivre. Certains d’entre eux reviennent de livre en livre. Ainsi, Mystère, chat que l’on a découvert dans l’album éponyme, refait apparition dans La grande forêt. L’autrice-illustratrice retrouve ses personnages avec plaisir contagieux, comme des amis de longue date.

© Pastel

Parmi ceux-ci, le principal est sans doute Killiok, chien noir bipède qui apparait, presque sous cette forme, dès ses premiers livres. Il a un petit air de Moomin le troll, le célèbre personnage inventé par la Finlandaise Tove Jansson, et adoré par Anne Brouillard. Petit à petit, il revient régulièrement, s’installe dans ses albums, s’impose. “Il lit les journaux, il boit du café, il mange du gâteau, comme nous. Mais il peut être un peu grognon, quand même. Il aime bien son petit chez-lui, ne pas être trop dérangé, son fauteuil, son poêle, ses petites habitudes. C’est comme dans la vraie vie : on est nombreux à être partagés entre le fait de partir, faire sa valise et découvrir le monde, et puis rester chez soi.

Killiok, Mystère, Pikkeli Mimou, Véronica et les autres invitent les lecteurs et lectrices à les accompagner dans leurs voyages ou à partager les choses infimes du quotidien. À travers eux, Anne Brouillard interroge l’existence, le rapport aux autres, aux lieux, à l’enfance, avec une précision et une délicatesse infinie.

Fanny Deschamps

Pour prolonger la lecture : LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET, n°222


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage et iconographie | sources : Le carnet & les instants | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en en-tête, une planche de La grande forêt © Pastel ; © Michiel Devijver – iedereenleest.be ; © ecoledesloisirs.fr | Le carnet et les instants fait partie des magazines préférés pour notre revue de presse.


Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

YALTER, Nil (née en 1938)

Temps de lecture : 11 minutes >

[ARTSHEBDOMEDIAS, 22 novembre 2019] (…) Née en 1938 au Caire, d’un père alors fonctionnaire et d’une mère professeur de langues, Nil Yalter a grandi et étudié à Istanbul. Attirée très jeune par la peinture, elle se forme toute seule en s’appuyant sur la lecture de livres et de revues d’art, s’inspirant notamment des expressionnistes abstraits de la première moitié du XXesiècle.

Elle va aussi pratiquer la danse et, avec son premier compagnon, apprend le mime, précise Fabienne Dumont, historienne de l’art qui suit son travail depuis près de 25 ans et est l’auteur du premier ouvrage monographique d’envergure publié en français à l’occasion de l’exposition [TRANS/HUMANCE]. En 1965, elle quitte la Turquie avec son second mari, qui est médecin, et arrive en France, où elle découvre que sa pratique est déjà datée et ancienne. Elle circule, regarde ce qui est en train de se faire et elle passe à une seconde phase picturale.” Débute une période influencée par les constructivistes russes et l’abstraction géométrique, tandis que les utopies inhérentes aux avant-gardes historiques nourrissent sa réflexion et ses recherches. Les évènements de Mai 1968, le Mouvement de libération des femmes, un nouveau séjour en Turquie en 1971, où elle est marquée par la sédentarisation forcée des nomades et la rencontre avec l’ethnologue Bernard Dupaigne, sont autant de sources d’inspiration pour son œuvre”, explique Fabienne Dumont. En 1971, également, la condamnation à mort, à Ankara, du militant marxiste-léniniste turc Deniz Gezmis amène Nil Yalter à réaliser un premier projet sociocritique (Deniz Gezmis, 1972), prenant la forme d’un ensemble de dessins, de photos et de textes, qui va engendrer un basculement de sa pratique.

La peinture devient un médium parmi d’autres, la vidéo – elle est l’une des premières artistes femmes à utiliser une caméra vidéo – occupant une place de plus en plus grande. En 1974, dans le cadre de l’exposition internationale Art vidéo : confrontation 74, proposée par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, elle présente La Femme sans tête, ou la danse du ventre. Dans cette œuvre devenue emblématique, Nil Yalter filme en plan rapproché son ventre sur lequel elle vient écrire de manière circulaire, à l’encre noire et sur fond de musique orientale, des mots dénonçant l’excision et la négation du plaisir féminin – La femme véritable est à la fois convexe et concave, mais encore faut-il qu’on ne l’ait point privée, moralement ou physiquement, du centre principal de sa convexité : le clitoris.” – empruntés à l’ouvrage du poète, philosophe et historien René Nelli (1906-1982), Erotique et civilisations. Un geste qui fait par ailleurs référence à un rite ancestral anatolien lors duquel un imam vient écrire, à la demande du mari et dans un geste “guérisseur”, des versets du Coran sur le ventre d’une femme infertile ou désobéissante…

Trente-cinq ans plus tard, en 2009, l’artiste adresse dans une autre vidéo, bouleversante, le thème de la lapidation dont elle tient à rappeler l’actualité dans des pays tels que l’Arabie saoudite, le Nigeria, l’Afghanistan ou encore le Pakistan, pour ne citer qu’eux. Nil Yalter y imbrique des images d’elle-même, vue de dos, pierre en main, d’autres créées informatiquement, d’autres encore retravaillées après avoir été extraites d’une vidéo diffusée sur Internet montrant la mise à mort, à Bagdad, d’une jeune fille chiite de 17 ans tombée amoureuse d’un garçon sunnite (Lapidation, 2009).

Le numérique, Nil Yalter s’y est mise toute seule”. Comme pour la plupart des autres techniques”, glisse-t-elle. Dès les années 1987-1988, elle réalise ses premières images de synthèse en deux dimensions, et intervient sur la vidéo. Pendant une dizaine d’années, je me suis aussi servi de logiciels pour développer des formes simples d’interactivité.” En témoigne Histoire de peau (2003), où l’artiste filme et numérise son épiderme vieillissant, zoomant sur les marques et cicatrices qui sont autant de révélateurs d’une histoire et d’une identité singulières. Le visiteur est invité à saisir la souris posée en contrebas de l’écran pour interagir avec l’une des trois formes chargées de symboles apparaissant à l’activation de l’œuvre : le triangle – évocation de la femme dans certaines sociétés traditionnelles, ou de la revendication et de la lutte contre les répressions et les discriminations subies par les lesbiennes durant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle les nazis marquaient d’un triangle noir les gens jugés inaptes à la société –, le rond – qui fait écho à la maternité et symbolise tout autant le début cellulaire de quelque chose que sa progression – et la croix – évocation du corps enfermé, de la torture morale et, bien sûr, de signes religieux. Six thèmes permettent par ailleurs d’accéder à un environnement particulier : “peau”, “désir”, “abstraction”, “torture”, “feu”, “identité”.

Si les questions féministes sont centrales dans son travail, elles n’en forment pas moins un tout avec celles de la migration et des classes sociales, envisagées en même temps”, souligne Fabienne Dumont. On entend rarement les femmes évoquer leur situation d’immigrantes et la manière dont elles se sentent. Or dans ses vidéos, Nil Yalter interroge des hommes et des femmes, octroyant systématiquement à ces dernières une véritable place.” Son engagement, l’artiste le traduit non seulement par son propos, mais aussi par son action sur le terrain, s’immergeant dans des contextes urbains, sociaux et politiques inhérents à des communautés données, provoquant la rencontre, le témoignage, l’écoute, la collaboration à l’aide d’outils ethnologiques. En 1975, par exemple, Nil Yalter accompagnait Bernard Dupaigne dans les bidonvilles de Noisy-le-Grand et d’Aubervilliers, puis dans la cité d’urgence accueillant des Algériens à Nanterre. Des panneaux et installations rassemblant dessins, photographies et textes viendront rendre compte de ces diverses expériences (série Habitations provisoires, 1975). Il y a aussi toute la question des villes nouvelles qui est travaillée”, poursuit Fabienne Dumont. Avec une série d’éléments qui sont pour la première fois donnés à revoir parce qu’on voulait également avoir un point de vue sur l’histoire de la France et les migrations qui lui sont liées.  Chicago (1975), qui tient son titre du surnom donné par ses habitants à un quartier de Saint-Quentin-en-Yvelines, où étaient hébergés des ouvriers et leurs familles venus d’Algérie moyennant des loyers modérés, mais dans des conditions sanitaires lamentables, est une installation composée d’une vidéo, d’une cinquantaine de photos et de trois textes tamponnés, à travers laquelle l’artiste tente de percevoir, et de faire comprendre, comment les travailleurs et travailleuses dont l’Europe a besoin, mais qu’elle exploite, méprise et chasse à son gré vivent leur situation.

Dans le large couloir qu’emprunte le visiteur pour entrer et sortir de l’exposition, une immense œuvre murale : C’est un dur métier que l’exil. Jamais remontrée non plus en France depuis sa première présentation, en 1983, au Musée d’art moderne de Paris, la pièce n’a eu de cesse de se transformer selon le contexte et l’actualité de la ville et du pays l’ayant accueillie, le plus souvent sous forme d’affichages sauvages, au fil des trois dernières décennies. Nil Yalter y réunit notamment des témoignages de femmes et d’hommes employés dans des ateliers textiles clandestins du Faubourg Saint-Denis, à Paris. Son titre, extrait d’un poème du Turc Nâzim Hikmet (1902-1963), qui fut contraint à l’exil et déchu de sa nationalité – il est mort à Moscou après être devenu Polonais – du fait de son engagement communiste, résonne à travers toute l’exposition. Lui font écho, tel un point d’orgue, ces mots de Fabienne Dumont : Nil Yalter donne la parole à des individus qui expriment leur difficulté à vivre quotidiennement une situation d’exil dans un quartier, une ville, un pays, ou au sein de la société.” Une parole qu’il semble plus que jamais essentiel d’écouter.

Samantha Deman


Nil Yalter, “Histoire de peau” (2003) © radiofrance.fr

[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 29 novembre 2023] Rencontre avec une artiste pugnace dont le travail aborde les questions de l’exil, du féminisme ou encore de la culture.

Vous attendiez-vous à recevoir le Lion d’or de la Biennale de Venise ?

Non. Pas du tout. Je ne m’attendais même pas à être invitée à la Biennale de Venise [2024], où je n’avais encore jamais exposé. J’ai déjà eu l’occasion, cependant, de rencontrer Adriano Pedrosa, le commissaire général de la 60ème Biennale. Il m’avait invité à exposer, en 2014, dans une grande exposition qu’il avait organisée à Rio de Janeiro et une autre fois à Frieze masters. Le titre de cette édition 2024 de la Biennale étant “Foreigners Everywhere”, Adriano Pedrosa aurait dit, m’a-t-on rapporté, que cette édition ne pourrait pas se faire sans ma présence. À Venise, j’exposerai, à l’Arsenal dans l’espace le plus vaste situé à l’entrée des lieux.

J’y montrerai mon installation C’est un dur métier que l’exil dont le titre est emprunté à un vers du poète turc Nâzim Hikmet (1901-1963). C’est une œuvre que j’ai montrée pour la première fois, en 1983, à l’Arc-Musée d’art moderne de la Ville de Paris, à l’invitation de Suzanne Pagé, sa directrice. C’est la première fois que je la montrerai accompagnée des affichages de la phrase C’est un dur métier que l’exil” qui a été apposée, dans différentes langues, dans quinze villes, de par le monde.

Où avez-vous montré votre travail au cours de votre carrière ?

J’ai eu l’occasion d’exposer dans de nombreux musées et institutions culturelles. Mais, très peu dans des galeries d‘art. J’ai souvent été sollicitée par des collectivités locales qui me confiaient des travaux, sur le thème de l’immigration et de la situation de la femme notamment, pour les exposer dans des Maisons de la culture ou des Maisons des jeunes. C’est en 1973, à l’Arc que j’ai montré pour la première fois ma tente de nomade, une yourte : Topak Ev, la maison ronde en turque. Cette installation est inspirée d’une œuvre de Velimir Khlebnikov, le fondateur du mouvement futuriste russe. J’ai commencé, en 2012, à afficher dans les rues l’aphorisme, C’est un dur métier que l’exil”, accompagné d’images documentaires.

J’ai montré cette installation dans de nombreuses villes à travers le monde, à Mumbai en 2013 notamment. Et aussi dans des Biennales et des expositions, à la Biennale de Berlin en 2022 et au musée Ludwig, à Cologne en 2019, lors d’une grande rétrospective. Elle se présente sous la forme d’une installation composée de ma fameuse tente nomade, entourée, sur les panneaux extérieurs, de dessins et de textes expliquant les conditions de vie des populations nomades en Turquie. À l’occasion de la Biennale de Venise, sera publié un livre consacré à cette installation qui a voyagé dans quinze villes à travers le monde. Elle est, aujourd’hui, conservée au musée Arter à Istanbul.

Vous êtes une autodidacte. Par quel cheminement êtes-vous devenue artiste ?

Ma vocation est née très tôt (rires), à l’âge de cinq ans, en écoutant ma grand-mère paternelle, une circassienne très pieuse, qui me gardait souvent chez elle. Elle me racontait des histoires pour enfant. Un jour, elle a commencé à dessiner ses histoires, en les inscrivant dans des cases, un peu à la manière d’une bande dessinée. Elle m’a ensuite invitée à dessiner moi-même. Cela a été une révélation. Il n’y avait pas d’œuvres d’art dans mon environnement familial. Les représentations figurées d’êtres vivants étaient interdites dans le monde islamique. La Turquie moderne ne date que de 1923. Le pays sortait alors de sept siècles d’empire Ottoman. Ma famille appartenait à ce que l’on appellerait, aujourd’hui, la classe moyenne. Mon père était fonctionnaire, et ma mère professeure de langues étrangères. Je suis venue à Paris en 1965 parce que l’art contemporain était inexistant en Turquie. J’ai commencé par faire de la peinture abstraite. J’avais eu entre les mains un exemplaire du Dictionnaire de la peinture abstraite de Michel Seuphor. Le grand sculpteur Ilhan Koman (1921-1985), dont j’étais proche, m’avait fait connaître l’art constructiviste et le travail de Kasimir Malevitch. J’ai tout appris toute seule. Je n’ai pas fait d’école d’art.

Votre peinture était donc inspirée du constructivisme russe ?

Jusqu’en 1965 à Istanbul, j’ai peint avec beaucoup de matière, un peu à la manière de Poliakoff. À Paris, entre 1966 et 1970, j’ai réalisé des tableaux qui sont, aujourd’hui, très demandés. Ils étaient inspirés de la peinture américaine Hard Edge et de l’œuvre de Frank Stella et aussi, en effet, des constructivistes.

Nil Yalter, “Exile Is A Hard Job” © inferno-magazine.com

Votre installation à Paris s’est faite en 1965…

Oui, mais je suis venue, une première fois en France en 1956, à l’âge de 18 ans. J’étais bouleversée. J’ai visité le Louvre et rencontré Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre au Dôme. Ilhan Koman m’a amenée avec lui à la galerie Iris Clert. C’est là, que j’ai vu les premiers monochromes d’Yves Klein. Il m’a fallu quelque temps pour comprendre comment il en était arrivé là. J’ai pris conscience que c’était là, à Paris, qu’il fallait que je vienne m’installer. En Turquie, j’étais complètement coupée de tout, à l’écart de cette ébullition culturelle. Je me suis installée, en France en 1965, avec l’intention d’apprendre. J’étais devenue très amie avec Sarkis qui exposait, Quai des Grands Augustins, à la galerie Iléana Sonnabend. J’ai tout appris grâce à Iléana qui m’aimait beaucoup. C’est dans sa galerie que j’ai rencontré Rauschenberg. Puis Robert Morris chez Sarkis. J’ai fréquenté aussi Pierre Gaudibert, et vu toutes ses expositions à l’ARC, la section Animation Recherche Confrontation qu’il a créée, en 1967, au Musée d’Art Moderne.

Quand avez-vous commencé ce travail sur les migrants et les travailleurs immigrés, thématiques qui vous ont fait connaître à l’échelle internationale ?

Il m’a fallu sept ans pour digérer tout ce que j’ai appris à Paris dans ces années-là. En 1971, à Istanbul, j’ai assisté au procès de trois jeunes révolutionnaires qui ont été jugés puis pendus. J’ai fait un travail conceptuel qui évoque cet événement. C’est à ce moment-là, que j’ai rencontré l’ethnologue Bernard Dupaigne qui dirigera, par la suite, le Laboratoire d’ethnologie au Musée de l’Homme. Bernard m’avait dit que des yourtes étaient encore utilisées en Turquie, par des populations nomades, les Bektiks qui vivent dans les steppes d’Anatolie. Ces yourtes étaient construites par des jeunes femmes, dès l’âge de quinze ans, afin d’y vivre arrivées à l’âge adulte. En 1973, j’ai voulu faire ma propre yourte, créer moi-même une de ces maisons nomades en forme d’utérus. Par la suite, des membres de ces populations nomades sont parties s’installer dans des bidonvilles aux portes d’Istanbul et d’Ankara. Et d’autres vers la France et l’Allemagne, devenant ainsi des immigrés économiques. Suzanne Pagé, devenue directrice de l’Arc, a exposé ma tente, fin 1973, entourée de dessins expliquant ce qu’est le nomadisme. L’année suivante, j’ai exposé en Allemagne à Cologne dans une grande exposition collective.

Les thèmes de l’immigration et du déracinement ont toujours été présents, depuis lors, dans votre œuvre…

Je suis une citoyenne du monde. J’ai été interdite de séjour en Turquie pendant treize ans, de 1980, date du coup d’Etat militaire, à 1993. Je ne me sens, aujourd’hui, ni vraiment turque, ni française.

Comment êtes-vous parvenue à vous faire accepter par les travailleurs immigrés que vous montrez dans vos dessins, photographies argentiques et autres Polaroids ? À établir un climat de confiance avec eux, pour rendre compte de leurs conditions de vie ?

J’ai toujours travaillé avec des municipalités, avec celles de Corbeil-Essonnes, de Grigny et de Ris-Orangis notamment, avec des travailleurs sociaux et avec des sociologues, avec des gens qui prenaient en charge ces immigrés. Avant de les photographier ou de les filmer, il fallait les convaincre de l’intérêt du travail que j’allais faire.

Votre travail semble s’apparenter à celui d’un reporter…

Non. Je refuse ce terme. Ce n’est pas du reportage. C’est un travail d’archivage et de documentaire fait par une artiste.

Vous êtes connue et célébrée également pour vos vidéos. De laquelle êtes-vous la plus fière ?

De La Femme sans tête ou la Danse du ventre, une vidéo-performance de 24 minutes que j’ai réalisée, en une seule séquence, en 1974, en inscrivant sur mon ventre un texte de René Nelly extrait d’Érotique et civilisation, tout en me balançant au rythme d’une musique orientale. C’était une façon, pour moi, de revendiquer la réappropriation de ce corps dont les femmes ont été dessaisies. Le texte de René Nelly condamnait l’excision et célébrait la jouissance clitoridienne. En 1974, c’était un tabou de parler de clitoris. Les hommes étaient choqués. En fait, c’est toujours un tabou aujourd’hui.

C’est une vidéo que j’ai faite grâce à Dany Bloch, qui était en charge de la section vidéo de l’Arc-Musée d’art moderne de la ville de Paris. Elle a été montrée lors de la première manifestation dédiée à l’art vidéo en France, Art vidéo : confrontation 74 qui s’est tenue à l’Arc. Mes œuvres ont toujours été faites avec des bouts de ficelles. J’ai toujours tout fait moi-même. Je suis même arrivée, au début des années 2000, à me filmer moi-même dans des vidéos comme Lapidation. Mon engagement se traduisait aussi par des actions. Nous avions fondé, dans les années 1970, avec Mathilde et Esther Ferrer notamment, un groupe qui s’appelait Les femmes en lutte. Nous nous réunissons tous les quinze jours, en présence d’écrivaines, de peintres, d’intellectuelles, pour discuter de la situation de la femme artiste dans le milieu de l’art.

Continuez-vous de travailler aujourd’hui  ?

Aujourd’hui, je travaille beaucoup sur ordinateur. Je ne peins plus et ne dessine plus depuis cinq ans. Je vis une période difficile en ce moment. J’ai perdu, il y a un an, mon compagnon, l’homme avec lequel je vivais depuis 45 ans.

Eric Tariant


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article :  Topak Ev (1973) © artlyst.com


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ZURSTRASSEN par Zurstrassen (né en 1985) : Quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre…

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Faire autre chose que des oeuvres d’art : des tempêtes, des grâces et des orages, des cruautés et des silences, des bonheurs et des promesses.

Lucien Raphmaj, Contre-nuit

Hiver 2024, dialogue, 80×80, Acrylique

peindre sur le bout de la langue

Nous transportons avec nous le trouble de notre conception.

Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi

Tombée une première fois dans un hôpital, puis dans une rue, sombre, vint une enfance, la mienne. Enfance se poursuit, sous d’autres auspices, sur une terre qui crie et sous un ciel toujours changeant, et pourtant.

Hiver 2023, Phénomène, 60×40, Technique mixte

Klee soulignait l’impuissance des discours sur l’art, leurs bavardages savants, qui ne peuvent qu’épeler ana-ly-tiqu-e-ment ce qui se donne dans une unité insécable. Une sorte d’infirmité native du langage que les discours colmatent comme ils peuvent. Une mémoire incendiée par un temps sorti de ses gonds.

Il ne reste pas grand-chose. Quelques lambeaux rapiécés, hasardeuses reprises. Des fictions vraies qui s’envolent à la tombée de la nuit, des commotions qui insistent, et révèlent un recueil de notes.

La chair n’oublie rien. Le passé ne passe pas.
Ces chocs semblent plus proches – “comme si c’était hier” – que les événements les plus proches qui soient arrivés ; la ligne est brisée.

Soit : je me vois très précisément pleurer le pesant désespoir ressenti, tout à coup, à ne pas “savoir dessiner”, vers la septième année. Cette incapacité foncière à représenter quoique ce fût. A re-présenter des “choses concrètes”, “la réalité”, “le monde”, “les objets”, “les sujets”, “ce qui m’entourait” – sur une feuille de papier.

Ainsi de mon rapport avec les mots, qui ne semblaient jamais adéquats aux choses. Rien d’exceptionnel : c’était là signe d’idiotie simple, l’initiale fantasmée de la quête d’un idiome autre, d’une langue que je comprendrais et qui me semblerait plus intime avec les choses.

Fâché avec ce monstre froid et mécaniste qui contrevenait à mon expérience, à mes intuitions, à mes prémonitions. En désaccord avec ce monde de l’adéquation. Tout me semblait mensonge…

Du “raisonnable” comme d’une imposture…
De la “coïncidence” comme d’une machine morbide, par laquelle le même ne produit que du même.

***

Je suis seul dans le monde.
Je ne vois pas grand chose.
Je suis parmi. Je suis seul dans ce monde.
Aveuglé par dans un désert d’images molles et désincarnées.

Des images d’images, reproductibles, oubliables et oubliées. Contiguës, invasives, coloniales.
Des images industrielles comme vitrifiées, non habitées, lisses et consommées.

Il me fallait muer, faire muter cette rage de l’expression.
Cette terrible difficulté à articuler, à formaliser, à communiquer.
Je me pris de passion pour les langages cryptés, les paraboles, les codes, l’alchimie, le tarot, les langues sémitiques, l’iconographie, les graffitis, les symboles archétypaux, les glyphes ancestraux…

Le divin était une évidence, en ma relative aparlance (in-fantia).
Et les fées (fata) – les “mots” – extrêmement revêches, et farouches.

C’est l’histoire d’une incompréhension. Chance cruelle “face” à ce qu’on me (re)présentait comme réel. Ce contre quoi je me cognais n’avait pas sa place dans un cadre (quadrato), du moins dans le cadre qu’on semblait m’imposer, ou dans quelque mise en perspective dite objective.

Pour moi la géométrie n’existe pas, je suis un hors-la-loi. On ne voit que ce qu’on a déjà dans l’oeil. La symétrie est la sécurité, et cette dernière est très proche de la mort.

Eduardo Chillida

Il fallut que je fabrique une alternative, ou une fugue : j’ai fui, avec gourmandise, dans un monde plein comme un oeuf, empli de mots compliqués, et d’idées abstraites.

Tout contre la dite “réalité”, et les images qui la représentaient techniquement. Comme si un immense filet de camouflage avait été jeté sur le monde, sur les choses. Et un masque (persona) pontifiant sur le visage de l’Homme. Tenter de l’arracher ne peut se faire sans trouble, ni blessure. C’est à partir de là qu’il s’agissait de respirer.

Une sorte d’iconoclastie sauvage et inconsciente, une haine foncières des images a par la suite trouvé son acmé dans une adolescence “post-situ” fascinée par certains textes. Tout ce qui était directement vécu semblait s’être éloigné dans une représentation.

Tout était devenu Image, idoles, et marchandises. Image comme marchandise, marchandise comme image. Une vie spectrale, comme spectaculaire. Une Séparation à détruire, un dé-corps, un oubli de l’oubli, comme toute la métaphysique occidentale, abusivement assimilée à la Philosophie.

Survient ici, nettement, une question à mes parents, sur une route Andalouse : “Il fait quoi un philosophe ?”. La réponse était claire et distincte. Il pense, il réfléchit, il contemple. La réponse ne m’avait pas satisfait. Du tout. J’ai un tout petit peu compris ensuite d’où cela venait, tout cela, cette opposition sujet-objet, ce fétichisme de la représentation, ce réalisme morbide, cette haine de la matière, qui est aussi une haine de l’esprit, de la matière comme véhicule. Histoire barbare et torturée.

L’énigme de l’immatérialité de la matière, sa respiration et sa contemplation.

Joel Angel Valente

Un travail sur P. Sloterdijk fut réalisé. S’en sont suivis de nombreux articles “philosophiques” et des livres rangés en “poésie”, ainsi que de longs entretiens sonores dans lesquels et par lesquels il s’agissait d’oraliser la pensée, de tisser une matière sonore informée (Entre-là, La vie manifeste, Terrestres, Lundi matin…).

J’ai adoré cela. Puis il y eut un amour fatal, des enfants magnifiques, un exil périlleux dans les montagnes cévenoles, une catastrophe à fleur du mourir … et un retour liégeois, chez une artiste accueillante. Là, je me suis mis à peindre. Pulsion irrépressible, qui ne m’a plus lâché depuis. Elle se rejoue à chaque entrée dans mon minuscule atelier.

Irrépressiblement. Nécessairement.
Caverne, et précipice.

Provenirs et projections. Lieu de la dérobée.
Équilibre précaire entre du revenant et du devenant.
J’y retourne presque tous les jours.
L’exiguïté de la pièce surdétermine bien évidemment les gestes.
Je ne dirais pas les contraint, mais les circonscrit.

Les toiles sont mises par terre. Les matières de la toile sont mises à terre. L’immersion est forte. Plié, je tourne en rond. Là sont des surface, et déjà des volumes. Une trame. J’y rentre peu à peu, avec acharnement parfois, tremblé intense, toujours. Je n’avance pas tout droit, mais je tourne. Je tourne en rond et fais des pieds et des mains. Le sol est vraiment touché, hors-sujet, la terre est appuyée. Éprouver et pratiquer, intimement. Une peau, sensuelle, une peau frémissante, un monde, hypersensible, ma propre peau que je sens et que je vois partiellement, toujours partiellement. Elle est dehors et elle est dedans, elle est passage, elle est seuil. Relève le défi ! Accueille les accidents ! Toute une physique, des textures, une récolte du dehors. La matière décide, élucide, abrupte : pigments déposés à même la toile, médiums et liants, colles et sables mouvants, poudres et granules alimentaires apposés et accompagnés, dé-placés, agencés, laissés.

Se fabrique, peu à peu ou très rapidement, quelque espace intérieur, une consistance, jamais assurée, dans un rapport sans frein avec la catastrophe. Laquelle se joue de plus en plus dans l’épaisseur comme un nerf vital. Dans le plissement et la cassure, dans la coulée, l’étirement, l’amoncellement et le gonflement.

Être : au présent, c’est-à-dire au plus vulnérable. Laisser-être, surtout, ce qui prend. Sans concept ni visée stricte. Jamais préparé, guetter le surgissant. Strates insues, magma bouillonnant, forces impromptues… et le retrait. Ah ! Le retrait. Énergie vitale, et univers autonome. Comme temps suspendu. Spéculer- alors, être aux aguets.Intervenir… un peu.

Espace libre, l’unique, il était une fois ; à l’imparfait. L’espace blanc – noir de clichés encombrants. Et de bruit. Vie des ombres, maillées serré. Une énigme qui nous étrange. Comprendre l’espace, alors, l’entendre ? S’entendre avec lui. L’écoute du monde-de-tous-les-langages. Rivée à l’obscur. Aurais-je opposé les ombres aux images ? Et la voix à la lettre ?

***

Entendre, plutôt que vouloir dire. Tendre l’ouïe.
L’imprononçable. L’invisible. Les invisibles.
Mais l’air est rempli d’hommes. De clôtures, de murs, et de pivots.

Se faire tympan, et donner résonance à ce qui n’a pas de mot. Ma surdité. Je ne suis bien entendu pas à l’origine de moi-même. C’est le misérable miracle de la conception transportée. Absurdes, les corps sont toujours signés. La langue, elle, perle plus qu’elle ne parle. Et me raconter m’est compliqué.

Tout cela est un doigt qui le montre, mais le doigt qui le montre n’est pas le doigt qui le montre
(i.e. N’est pas le doigt, et n’est pas ce qu’a montré le doigt)

Kong-souen Long

Il s’agit davantage d’une manière d’exister – au sens le plus fort – que d’une manière de faire. Une décision vitale – bien malgré moi – plutôt qu’une attitude esthétique.

Ça n’a plus rien à voir avec le mental, mais avec le toucher, l’éprouvé le sentir, le respire, le tout du corpsychique. Et c’est vertigineux.

Ce quelque chose, ce quelque part qui permet d’être, dans toute sa force, et dans tout son besoin. De manifester quelque chose, dans une matière, par une matière, des matériaux. Et c’est déjà trop dire…

D’un presque-rien. Faire arriver -…, le lointain. Je ne sais avant de commencer. Et encore moins lorsqu’il s’agit de lâcher. Je ne “représente pas”, disons que ça questionne comme ça peut. Et la peinture n’est pas une solution…Ni une résolution (la soustraction fait partie de l’attaque). Quant à élaborer un discours-sur… Ce serait bien mal à-propos.
Un discours-dans ? A peu près.

Fort heureusement – et pour notre plus grand malheur – nos peaux sont parcourues de lettres, et trouées de langage. Le “sensible pour le sensible” laisse tranquille les coquilles vides, renforce le monde dit “réel” ou “objectif” d’une physique dite moderne, surannée, d’un partage du sensible à bout du souffle : des objets dans le monde et des idées dans des subjectivités.

Entre les deux ? Des machines à calculer. Et à suicider. Or, c’était bien entre qu’il s’agissait d’explorer, pour agir autrement. Pas forcément faire.

Avant la mort de l’art, il y a mort d’hommes qui auraient pu.

De plus en plus, ce sont les idéogrammes qui m’ont passionné, plutôt que l’éthérique des idées. Le dessin des lettres et ce qu’ils suggèrent, les étymons, l’ouverture des mots, les signes criants, la vie derrière et dans les mots.

Et les manières de taire, comme les façons alambiquées de les faire redescendre en apocryphes. Pour de nouveaux mouvements ascensionnels.

Sens, en ces trois acceptions. Sensation, signification, orientation. Tout cela est-il vraiment mort ? M’approcher de ce que j’ignore…

***

La lettre, vivifiée, charrie une certaine brutalité. Une densité brute du vivre. Du vivre comme expression. Voire une certaine sauvagerie (solus + vagus dit l’errance solitaire et l’imprévisibilité). Le sauvage défie l’idée même de “cause” dans l’extériorité. L’ancien n’est pas le passé : à nouveau, rien ne passe. Cause toujours.

Tempêtes, grâces et orages, cruautés et silences, des bonheurs et des promesses. Ça se peint ? Le bleu intense, le jaune dans le blanc, la confiance, et le vent violent ? La gravité, un suspens, un frémir, une fugue, un possible, le Soudain, un désir ? Le spasme, le sanglot, la rudesse, le vibré, le battement, l’Ouvert ?

Je n’oppose pas violence à enfance. Au contraire, l’enfance est le pays de la violence, abandonné par paresse et par discipline. Les gens ont peur de leur violence et, brusquement, vous faites surgir une violence non canalisée.

Georges Raillard

Je ne suis donc pas soucieux d’illustrer quoi que soit. Je ne sais pas ce que je fais, j’explore. C’est la fin de quelque chose, et le début d’une autre. Un début bien entamé. Un grondement de fond. Comme ce qui commence se quitte sans fin.

Enfance nouvelle, pour laquelle, à l’évidence, je manque de mots. Grandir enfin ? Un texte à paraître aux Éditions du Sapin se dénommera Enfance&toi.

Tout cela a résolument à faire avec la nuit, ou le nocturne. Le refuge, le terrier, l’obscur. Ob-scursus. Ce qui se tient là, toujours déjà : devant. Gratter la terre pour trouver la source, les sources, fouiller. Re-fuir pour trouver un centre. Refuser les complaisances. Rater, réussir, rater, rater mieux. [Beckett] Creuser le ciel – la terre est tissée de ciel – car c’est bien là que nous logeons. Dans cette autre lumière (le noir est non seulement une couleur, mais aussi une lumière).

Des cendres de la lumière, chacun.e part du manque d’amour. Ce que je cherche dans l’enfance, c’est de ne plus la faire rimer avec innocence. Le haut c’est le bas. Sans commencement. Désapprendre. Ensemencer, encommencer.

Quel est le trait qui dit : ”je t’aime” sans qu’on puisse en douter ?

Eluard

Le mot “abstrait” est ici très pratique. Il rassure tous les pouvoirs.

Tàpies

Trifouiller, frapper, gratter, perforer, balafrer, maculer, tracer, inciser, éponger, couler, caresser… est-ce abstrait ?

Tout cela est un voici.
(quelque part, dans l’inachevé)

Je redeviens un idiot, parce que je comprend de moins en moins, disait je ne sais plus qui. Il va falloir poursuivre l’enquête ou l’investigation. Ouverte, insatisfaite. Qu’est-ce que ferait un “tableau qui pense” ? Ou plutôt : comment agirait-il ? Et en deçà de la pensée, laisserait passer la rêvée : rêves de pierres et d’air, de lunes et d’ombres, d’aubes farouches, de terres ensevelies ou d’impressions éphémères…

Essai qui s’éloigne de la peinture-peinture, en expérimentant la peinture. Oui, encore et malgré tout.

Une expression plastique qui atteigne des zones plus émouvantes et profondes.

Miró

Matière-pensée, qui n’associe plus artificiellement ce qui fut d’abord séparé. Des porte-silences ? Et l’humain, non comme démiurge “créateur”, mais comme simple accompagnateur.

La peinture a peut-être bien, encore, quelque chose à montrer, dans son retrait même.

La peinture habitée par sa dévastation historique, comme une trace toujours neuve de ce qui émeut au plus profond nos grottes traversées. Nos superficies comme profondeurs.

Frayer la voie à la merveille.

Une force d’interruption. Pour l’unique question.
Inactuelle.

Une pensée opératoire, bricoleuse et généreuse, qui n’aie plus peur du noir,
ni des ruines.

Ou un naître faillible parmi les décombres…

Or c’est de cela qu’il est question : du poids qui continue à s’exercer à notre insu sur notre pensée, sur notre langage, et même sur notre perception – et qui nous oblige à voir, à penser et à dire le monde d’une certaine façon.

Jean-Marie Pontévia, Tout a peut-être commencé par la Beauté

Automne 2023, Sans titre, 80×60, Technique mixte

Irrépressiblement. Nécessairement.
Caverne, et précipice.

Provenirs et projections. Lieu de la dérobée.
Équilibre précaire entre du revenant et du devenant.

Hiver 2024, Percée, 80×80, Technique mixte

Entendre, plutôt que vouloir dire. Tendre l’ouïe.
L’imprononçable. L’invisible. Les invisibles.
Mais l’air est rempli d’hommes. De clôtures, de murs, et de pivots.
Se faire tympan, et donner résonance à ce qui n’a pas de mot.

Automne 2023, Sans titre, 60×80, Technique mixte

Ce ne sont pas tellement les peintures qui sont illusionnistes, c’est déjà la perception, qui s’abuse comme un trompe-l’oeil et qui attend de la peinture une confirmation tautologique ou spéculaire de ses propres projections.

Michel Thévoz, Dubuffet ou la révolution permanente

Hiver 2024, ils l’ont raconté, 80X80, Technique mixte

Au centre, je discernais quelque chose qui ressemblait à quatre êtres vivants
(Ez 1, 5)

Automne 2023, enfantine I, 40×60, Technique mixte

La vie ne passe pas de la naissance à la mort,
mais de l’enfance à l’enfant.

Nicolas Zurstrassen, Enfance&toi

Hiver 2024, Sans titre, 60×40, Technique mixte

Tout cela a résolument à faire avec la nuit, ou le nocturne. Le refuge, le terrier, l’obscur. Ob-scursus. Ce qui se tient là, toujours déjà : devant. Gratter la terre pour trouver la source, les sources, fouiller. Re-fuir pour trouver un centre. Refuser les complaisances. Rater, réussir, rater, rater mieux. Creuser le ciel – la terre est tissée de ciel – car c’est bien là que nous logeons. Dans cette autre lumière (le noir est non seulement une couleur, mais aussi une lumière.)

Automne 2023, Sans titre, 70×70, Acrylique

Le mot “abstrait” est ici très pratique. Il rassure tous les pouvoirs. (Tàpies) Trifouiller, frapper, gratter, perforer, balafrer, maculer, tracer, inciser, éponger, couler, caresser… est-ce abstrait ?

Printemps 2024, volcaniques I, 30×80, Huile sur toile

Être : au présent, c’est-à-dire au plus vulnérable. Laisser-être, surtout, ce qui prend. Sans concept ni visée stricte. Jamais préparé, guetter le surgissant. Strates insues, magma bouillonnant, forces impromptues… et le retrait. Ah ! Le retrait. Énergie vitale, et univers autonome. Comme temps suspendu. Spéculer ; alors : être aux aguets. Intervenir, … un peu.

Automne 2023, La maison brûle, 80×100, Technique mixte

Nous sommes devenus très pauvres en expériences de seuil (à distinguer soigneusement de la frontière) : le seuil devient un espace dans lequel peuvent survenir des changements, des passages et mêmes des phénomènes de flux et de reflux, comme pour les marées.

Giorgio Agamben, Quand la maison brûle

Printemps 2024, Sans titre, 80×80, Technique mixte

C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : le monde des Esprits s’ouvre pour nous.

Gérard de Nerval, Aurélia ou Le Rêve De La Vie

Printemps 2024, Sans titre, 60×50, Huile sur toile

La mutation des normes et leurs frontières ça se fait par le milieu, comme les traditions j’imagine. C’est aussi une affaire de zones de contact, de lisières de points de basculement, de diffusion lente comme l’huile de ricin au fond des cuisses, de transmissions partielles et impalpables, répétées, détournées, ratées, rempotées, déformées, re-formées, c’est des anti-discours.

Léa Rivière, L’odeur des pierres mouillées

Automne 2023, Sans titre, 17×30 et 13×22, Huile sur cuivre et bois

Tempêtes, grâces et orages, cruautés et silences, des bonheurs et des promesses. Ça se peint ? Le bleu intense, le jaune dans le blanc, la confiance, et le vent violent ? La gravité, un suspens, un frémir, le désir ? Le spasme, le sanglot, la rudesse, le vibré, le battement, l’Ouvert ?

Automne 2023, enfantine II, 70×70, Acrylique

Nous avons envers l’enfant mort qui est nous la même responsabilité qu’envers les espérances toujours en souffrance du passé. Manière de vivre selon le rappel des possibles, à même l’impossible. Opacités retranscrites. Menues ténèbres comme bouquet, réserves monstrueuses de beauté où puiser, offrir de l’ombre à l’abri du dit-à, du fait-pour, du voulu-par…

Nicolas Zurstrassen, Enfance&toi

Hiver 2022, Hâvel, 116×81, Huile sur toile

Buée de buées – dit Qohélet – buée de buées, tout n’est que buée ! Quel profit y-a-t-il pour l’homme dans toute la peine qu’il peine sous le soleil ? (Qo 1, 2-3)

Hiver 2022, Sans titre, 61×46, Huile sur toile

Des cendres de la lumière, chacun.e part du manque d’amour. Ce que je cherche dans l’enfance, c’est de ne plus la faire rimer avec innocence. Le haut c’est le bas. Sans commencement. Désapprendre. Ensemencer, encommencer.

Printemps 2024, ressac, Atelier du Pèrî

But tell me, where do the children play ?

Yusuf Islam

La mémoire que j’affectionne, loin d’être la dépositaire du disparu, est pour moi le lieu inépuisable des apparitions, d’un nouveau qui n’a pas d’âge.

Jean- Bertrand Pontalis, L’enfant des limbes


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : Nicolas Zurstrassen | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Nicolas Zurstrassen | Précisons que Nicolas Zurstrassen n’est pas l’autre Zurstrassen : son oncle Pirli est compositeur, pianiste et accordéoniste ; ils ne travaillent donc pas la même matière. En cela, Pirli Zurstrassen est à nos yeux le Mitsuko Ushida du piano (à bretelles). A découvrir sur son site officiel : pirlizurstrassen.be.


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STEVENS : Un cache-misère impérial

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[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 11 avril 2025Où l’on découvre comment un artiste est devenu le porte-parole des opprimés. Paris, 1855. Dans l’Exposition universelle, la foule se presse devant un tableau de l’artiste belge Alfred Stevens [1823-1906]. Sa dernière toile, loin des habituels portraits de bourgeois du temps, fait sensation ! Mais c’est surtout la venue de l’empereur Napoléon III que l’on attend avec impatience : tout le monde désire voir sa réaction face à l’œuvre…

Il faut dire que cette toile montre une réalité choquante : une mendiante en haillons est conduite en prison par des gendarmes, avec ses enfants. Au 19e siècle, en France, les vagabonds sont en effet surveillés de près et privés de nombreux droits. Errer dans les rues constitue même un délit pour lequel ils peuvent être arrêtés. C’est cette répression de la misère que Stevens cherche à dénoncer dans ce tableau engagé.

Pour cela, il prend clairement le parti de la pauvre mendiante. La tête baissée, résignée, celle-ci semble presque devoir se rendre à son exécution, ainsi entourée d’hommes en armes. Quant aux affiches derrière elle, elles font la réclame pour des “bals” et des “terrains à vendre”… autant de choses auxquelles la jeune mère n’aura jamais accès.

L’artiste en profite aussi pour mettre en avant la bonté des dames bien nées – celles qui constituent sa clientèle. On voit donc l’une d’entre elles tendre sa bourse à la mendiante, mais un gendarme la repousse sans pitié.

C’est précisément pour ce détail que le public épie l’arrivée de Napoléon III : en soulignant le manque de cœur des autorités, le tableau de Stevens semble faire une critique acerbe du régime de l’empereur, incapable de s’occuper des démunis ! Napoléon III finit bien par visiter l’Exposition et par s’arrêter devant le tableau de Stevens. Choqué, il aurait alors déclaré que “cela n’aurait plus lieu“. Et en effet, peu de temps après, il donne l’ordre que les vagabonds soient désormais… menés en prison avec discrétion : en voiture close et non plus à pied. Et Victor Hugo de déclarer :

Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée.

Adeline Pavie


STEVENS Alfred, Marine, Le Tréport (1890) © CP

Alfred STEVENS

[CINECLUBDECAEN.COM] Élève d’Ingres à École nationale supérieure des beaux-arts de Paris à partir de 1844, la carrière d’Alfred Stevens connait une ascension fulgurante tant en Belgique qu’en France où il passe la plus grande partie de sa vie. Très introduit dans les milieux artistiques et mondains de la capitale, il est l’ami d’Édouard Manet, Berthe Morisot, Alexandre Dumas tandis que son frère, Arthur Stevens, marchand d’art installé à Paris et à Bruxelles, œuvre pour faire connaître les peintres français. D’abord en retrait du courant impressionniste, aimé pour ses scènes de genre dont le sujet est en majorité de jeunes élégantes, ses tableaux se vendent à des prix très élevés. Mais à partir de 1883, saisi d’un doute devant la montée de l’impressionnisme, Stevens reconsidére sa peinture et réalise des paysages impressionnistes. Pour l’Exposition universelle de 1889, il reçoit la commande d’une fresque panoramique, aujourd’hui propriété des musées des beaux arts de Bruxelles : Le Panorama du siècle.

Alfred Stevens, naît le 11 mai 1823 à Bruxelles. Il est le fils de Léopold Stevens (mort en 1837) ancien officier passionné de peinture et collectionneur en particulier des œuvres de Théodore Géricault et Eugène Delacroix, Alfred Stevens est le frère du peintre animalier Joseph Stevens et du marchand de tableaux Arthur Stevens (1825-1890).

Après une formation dans l’atelier de François-Joseph Navez, il est très vite lancé à Paris où il s’installe en 1844 sur les conseils de Camille Roqueplan, dont il a fréquenté l’atelier. Il devient l’ami d’Édouard Manet, Charles Baudelaire, Aurélien Scholl. Il est admis à l’École nationale supérieure des beaux-arts, dans l’atelier d’Ingres. Stevens paraît dans le registre des copistes du Louvre en tant qu’élève du peintre d’histoire Joseph-Nicolas Robert-Fleury. Il fréquente ensuite l’atelier du peintre de genre Florent Willems, chez qui il trouve ses premiers modèles. Il retourne ensuite à à Bruxelles où il expose en 1851 des tableaux parmi lesquels Le Soldat blessé, première esquisse d’un genre qu’il approfondit avec des œuvres témoignant de la misère urbaine.

De retour à Paris, il présente à l’Exposition universelle de 1855 quatre tableaux : La Sieste, Le Premier jour du dévouement, La Mendiante, et aussi Les Chasseurs de Vincennes dit aussi Ce qu’on appelle le vagabondage, que Émilien de Nieuwerkerke voulait faire retirer car le sujet déconsidérait l’armée impériale, l’œuvre présentant des soldats arrêtant des vagabonds. Le tableau attire l’attention de Napoléon III, qui ordonne que les soldats ne soient plus employés à chasser les pauvres dans les rues, et que les pauvres soient transportés en voiture à la Conciergerie.

Le peintre abandonne bientôt les miséreux comme veine d’inspiration pour se consacrer aux représentations de la femme contemporaine, alternant encore avec des scènes militaires. Au Salon d’Anvers, la même année, l’artiste est décoré par le roi Léopold Ier pour son tableau Chez soi, représentant une jeune femme se chauffant. En 1858, il épouse Marie Blanc. Il a pour témoins Alexandre Dumas (fils), Eugène Delacroix et un grand nombre de personnalités des arts.

© Musées royaux des beaux-arts de Belgique (Bruxelles)

À partir de 1860, il connaît un énorme succès grâce à ses tableaux de jeunes femmes habillées à la dernière mode posant dans des intérieurs élégants, à la fois intimistes et mondains. Ceux exposés au Salon de peinture et de sculpture de 1861 lui valent un grand nombre d’admirateurs. Il présente entre autres : Tous les bonheurs ayant pour sujet une femme allaitant, Une Veuve et ses enfants, Mauvaise nouvelle, encore intitulée La Lettre de rupture, Le Bouquet surprise, Une mère, Le convalescent

En 1862, Édouard Manet peint dans l’atelier du peintre belge – 18, rue Taitbout – plus spacieux que le sien. L’huile sur toile Le ballet espagnol est exposée à Washington (The Phillips Collection).

Le 10 mai 1863, Stevens rencontre Whistler à Londres, quelques jours après l’ouverture du Salon de peinture et de sculpture de Paris où Stevens expose plusieurs toiles ; tandis que Whister présente sa Femme en blanc au salon des refusés, ouvert le 15 mai 1863.

Dans les années qui suivent, Alfred Stevens est non seulement un peintre reconnu, mais c’est aussi le plus parisien des Belges, qui tente avec son frère Arthur d’introduire les artistes français en Belgique. Arthur propose d’ailleurs un contrat à Edgar Degas pour 12 000 francs par an, Alfred pousse Manet à envoyer un tableau au Salon des beaux arts de Bruxelles de 1869, Clair de lune sur le port de Boulogne. Dans les années 1860, Arthur Stevens est le propagandiste de l’école de Barbizon dont le succès ne se révèlera pleinement qu’à partir de 1870 avec la présence à Bruxelles d’une succursale de la Galerie Durand-Ruel.

Il rencontre Baudelaire et Eugène Delacroix, qui le cite dans son Journal du 13 mars 1855 pour le prêt d’une tunique turque. Il influence James Whistler avec qui il partage un enthousiasme pour les estampes japonaises.

Dès 1867, Alfred Stevens triomphe à l’Exposition universelle où il présente 18 toiles, qui lui valent l’obtention de la médaille d’or et la promotion au grade d’officier de la Légion d’honneur, parmi lesquelles : Le Bain et L’Inde à Paris (dit aussi Le Bibelot exotique), que le critique d’art Robert de Montesquiou salue ainsi dans la Gazette des beaux-arts : “Le portrait est celui de Cachemire. Il l’a peint comme son maître Vermeer aurait fait d’une de ces cartes de géographie qu’il donnait pour fond à des femmes pensives.

Stevens devient un ami de Bazille et un habitué du café Guerbois et du café Tortoni. Avec la vogue du japonisme, il est aussi l’un des tout premiers peintres de l’époque, avec James Tissot, James Whistler ou Édouard Manet, à s’intéresser aux objets d’Extrême-Orient qu’il trouve notamment dans le magasin de La Porte chinoise, rue Vivienne à Paris, fréquenté aussi par ses amis Charles Baudelaire et Félix Bracquemond. Parmi ses premiers tableaux japonisants on trouve La Dame en rose de 1866, suivi par Le Bibelot exotique de 1867, La collectionneuse de porcelaines en 1868, puis une série de plusieurs toiles de jeunes femmes en kimono réalisées vers 1872. Confirmé par Claude Pichois, Adolphe Tabarant révèle aussi que sous le pseudonyme de J. Graham il a donné au journal Le Figaro plusieurs chroniques vantant le talent de Manet, dont Le Déjeuner sur l’herbe qui figure au Salon des refusés.

Sa carrière encouragée par Mathilde Bonaparte et la princesse de Metternich connait une ascension fulgurante. Mais en dépit du confort que procure la célébrité, Stevens demande à Étienne Arago, maire de Paris, l’autorisation de s’engager dans la Garde nationale pour combattre aux côtés de ses amis lors du Siège de Paris (1870). “Je suis à Paris depuis vingt ans, j’ai épousé une Parisienne, mes enfants sont nés à Paris, mon talent, si j’en ai, je le dois en grande partie à la France.

C’est encore par l’intermédiaire d’Alfred Stevens que Manet va faire la connaissance du marchand de tableaux Paul Durand-Ruel, et de son cercle de relations : Degas, Morisot. Tout-Paris fréquente désormais l’atelier de Stevens situé d’abord au 12, rue Laval qui deviendra, le 10 juin 1885, le second cabaret du Chat Noir de Rodolphe Salis dans les locaux du peintre, et où sont jouées des pièces pour un théâtre d’ombres imaginé par Henri Rivière, puis rue des Martyrs et, à partir de 1880, rue de Calais. Goncourt qui lui rend souvent visite décrit le luxe dans lequel il vit.

À cette même époque, Stevens crée un atelier de peinture pour femmes avenue Frochot, fréquenté par Sarah Bernhardt dont le peintre fait le portrait. Parmi les élèves les plus assidues de cette école, qui selon l’auteur belge Camille Lemonnier “avait été en son temps la plus belle école de Paris…” certaines se consacreront entièrement à la peinture et seront des artistes reconnues de leur temps comme Louise Desbordes, Alix d’Anethan, Georgette Meunier, Clémence Roth ou Berthe Art. Cette école de peinture pour femmes fut le seul lieu ou s’exerça à proprement dit le professorat de Stevens qui n’avait pas de collaborateurs et ne forma pas de continuateurs. Outre Sarah Bernhardt qui fut une de ses premières élèves et dont le peintre réalise plusieurs portraits, il est probable que certaines de ses élèves lui ont servi de modèle en même temps qu’il leur rendait hommage en les immortalisant sur la toile, telle Louise Desbordes pour le portrait en pied de la jeune artiste lyrique dans le tableau Un chant passionné ou Clémence Roth représentant la parisienne amatrice d’art vêtue de noir en allusion à son veuvage dans le tableau Dans l’atelier.

La mort de Manet, en 1883, va beaucoup l’affecter. Stevens traverse une période de doute devant l’arrivée de l’impressionnisme. Commence alors une période de recherche dans laquelle Berthe Morisot joue un rôle prépondérant dont La Jeune mère rappelle le style de la peintre. Ses peintures s’arrachent, le roi des Belges Léopold II lui commande Les Quatre saisons, les Vanderbilt lui achètent des toiles au prix fort, et pourtant, vers 1883, saisi à la fois d’une grande fatigue physique et d’un doute sur son travail, Stevens part à Menton sur les conseils de son médecin. Et là, il se livre à des expérimentations : des paysages impressionnistes.

Il peint aussi des marines et des scènes côtières dans un style plus libre, presque impressionniste, proche d’Eugène Boudin ou de Johan Barthold Jongkind. Vers la fin de sa vie, son style n’est pas sans similitude avec celui de son contemporain John Singer Sargent.Il publie en 1886 Impressions sur la peinture, qui connaît un grand succès.Il arrête de peindre à partir des années 1890 à la suite de problèmes de santé. C’est, en 1900, le premier artiste vivant à obtenir une exposition individuelle à l’École des beaux-arts de Paris. Il meurt au no 17 avenue Trudaine à Paris en 1906 et est est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, adaptation, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : STEVENS Alfred, Ce que l’on appelle le vagabondage (détail, 1854) © Musée d’Orsay, Paris ; © CP.


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GOUDAL, Noémie (née en 1984)

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[CENTREPOMPIDOU.FR, 25 septembre 2024] Au 20e siècle, le niveau de la mer Méditerranée est monté de près de vingt centimètres. En seulement deux ans, le sommet du mont Blanc a diminué de deux centimètres. Quant à la forêt de Fontainebleau, sa surface a augmenté de manière importante depuis le milieu du 19siècle : autant de changements géologiques recensés par des mesures précises qui restent cependant difficilement observables à l’œil nu. Pourrait-on alors passer par l’art pour représenter ces transformations de notre planète qui dépassent la temporalité humaine ?

Telle est l’ambition de Noémie Goudal pour le prix Marcel Duchamp 2024, dont elle est cette année l’une des quatre finalistes. À travers deux films inédits, l’artiste visuelle française née en 1984 mettra en scène la destruction autonome d’un paysage. Dans le premier, les roches d’une grotte sombre explosent en mille morceaux au ralenti pour révéler des trous de lumière. Dans le second, des arbres se liquéfient, dépouillant la forêt qu’ils constituaient jusqu’alors. En quelques minutes, la photographe et vidéaste déroute la perception du public, qui peu à peu comprend le subterfuge : ici, nous n’assistons pas au délitement de la nature elle-même, mais à celui de prises de vues à grande échelle, soumises à des phénomènes orchestrés par l’artiste – un nouvel exemple percutant de l’art du trompe-l’œil, qu’elle perfectionne depuis une dizaine d’années dans la photographie d’abord et, plus récemment, la vidéo.

Dans mes œuvres, on ne voit pas seulement des paysages, mais aussi l’expérience et l’effort qu’a demandé leur fabrication.

Noémie Goudal

Les prémisses de l’œuvre de Noémie Goudal remontent à ses études et plus précisément à un voyage en Écosse. Frustrée de ne pouvoir retranscrire avec son appareil photo la force du paysage qui l’entoure, l’artiste a l’idée d’imprimer en grand, dans son atelier, le cliché d’un chemin de la région. Dès lors, en plaçant des objets ou des personnes devant ce tirage, la photographe obtient l’effet d’immersion qu’elle recherche. Deux aspects deviennent alors rapidement fondamentaux dans son travail : la matérialité de l’image, à travers son impression et sa recomposition devant l’objectif, et la mise en abyme du paysage par ces décors frontaux montés de toutes pièces, qu’elle intègre la plupart du temps dans des environnements réels.

Là où nombre d’artistes de sa génération s’empareraient de Photoshop pour réaliser des montages similaires, la quadragénaire préfère sa méthode plus artisanale, décomposant les différentes strates de l’image pour les recomposer avec des jeux de perspective et d’anamorphose. Généralement, elle imprime ses photographies au format A3, les coupe et les recolle entre elles pour constituer ses fonds, avant de les fixer sur des structures en bois ou les suspendre grâce à des échafaudages. Tout part de la position de l’appareil photo, qui détermine le placement de son décor dans l’espace. Ainsi, dans la série Southern Light Stations (2015), des astres semblent flotter au-dessus d’étendues marines ou de vallées montagneuses. Remplie de nuages, de fumée ou de la couleur du ciel, leur surface – d’apparence sphérique, mais en réalité plane – se fait le reflet de leur environnement, conférant à l’ensemble une dimension surréaliste.

Mais en regardant plus attentivement ces images, les traces du montage apparaissent, entre les fils et pinces à linge qui maintiennent le collage, et les extrémités des feuilles de papier qui le composent. Simple oubli ou parti pris ? “Dans mes œuvres, on ne voit pas seulement des paysages, mais aussi l’expérience et l’effort qu’a demandé leur fabrication”, explique Noémie Goudal. “En laissant ces failles, je souhaite justement que le public comprenne que ces paysages sont factices et se demande où se situe le “vrai”. Est-il dans l’ensemble qui constitue la photographie ou simplement dans le décor réel où j’installe mes impressions ?” Aujourd’hui, Noémie Goudal n’hésite pas à dévoiler les coulisses de ce travail méticuleux sur son compte Instagram, montrant littéralement l’envers des décors bidimensionnels qui se fondent dans ses œuvres.

Telle l’héritière des peintres romantiques, Noémie Goudal n’a pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour dépayser notre regard et inviter à la contemplation.

Au-delà d’une réflexion sur l’image, l’artiste installée à Paris développe surtout “une réflexion sur le paysage et comment celui-ci a été interprété différemment au fil des époques et des contextes, de l’Antiquité à l’ère industrielle, en passant par le Moyen Âge”. Telle l’héritière des peintres romantiques, elle n’a pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour dépayser notre regard et inviter à la contemplation. Le plus souvent, elle déniche ses forêts, grottes et massifs rocheux en France, à quelques exceptions près, telles qu’une palmeraie en Espagne – qui ressemble davantage à une jungle tropicale – ou encore des bâtiments brutalistes indiens, que l’on situerait volontiers plutôt en Europe de l’Est. “Je cherche avant tout à ce que la localisation et la temporalité de ces décors soient difficilement identifiables, pour que chacun·e puisse s’y projeter“, souligne-t-elle.

Noémie Goudal s’intéresse aussi bien à Copernic et aux décryptages du ciel précédant l’invention du télescope qu’à la théorie de Buffon, qui retraçait l’histoire de la Terre au 18siècle. Mais c’est surtout la paléoclimatologie, soit l’étude des climats anciens, qui l’obsède depuis plusieurs années : à travers cette discipline, l’artiste cherche à retracer l’évolution du paysage sans l’humain. En 2022, elle commence à transcrire ces évolutions par la vidéo. Lors du festival Les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, elle dévoile deux films dans l’église des Trinitaires : celui d’une jungle consumée par le feu, qui révèle derrière elle un autre décor, et celui d’une forêt se transformant à mesure que ses arbres s’immergent dans un ruisseau. Pour la première fois, l’artiste anime ses décors devant l’objectif tout en les livrant à l’aléatoire des actions qu’elle provoque. Désormais entourée d’une équipe de professionnels comme sur un plateau de cinéma, Noémie Goudal continue d’explorer de nouveaux territoires dans son projet pour le prix Marcel Duchamp, imprimant ses paysages sur du verre qu’elle fait exploser à l’aide de pétards ou sur du polystyrène que les flammes font couler avec une viscosité saisissante […].

Matthieu Jacquet


Noémie Goudal, “Les Amants (Cascade)” © saatchigallery.com

[FABRIQUEDESRECITS.COM, 28 novembre 2022] Des créations inspirées de la paléoclimatologie, c’est l’œuvre de Noémie Goudal, photographe et plasticienne, réalisant des installations immersives dans des espaces naturels, et dont la pratique nous invite à (re)trouver la mesure du temps long en opposition au “temps de l’Homme”.

Les vastes étendues, espaces industriels, océans, ou encore déserts sont ses sujets de prédilection. Inspirée par le travail de chorégraphes contemporains comme Sidi Larbi Cherkaoui et Pina Bausch mais aussi par des auteurs tels que Haruki Murakami et Yoko Ogawa, la pratique de l’artiste consiste en la construction d’installations et de mises en scène au sein même de paysages, véritables scénographies intégrant structures architecturales, films et photographies. Une certaine matérialité se dégage de ses créations. En créant des décors en papier, l’artiste s’éloigne d’une esthétique parfaite qui serait issue de logiciels de retouche numérique, pour une poétique émanant d’effets spéciaux artisanaux.

La démarche artistique de Noémie Goudal s’inspire de travaux paléoclimatologiques qui étudient les climats passés et leurs variations. L’artiste travaille avec des chercheurs et des scientifiques comme point de départ de réalisation de ses œuvres. Grâce à des installations mouvantes qui évoluent au fil du temps, l’artiste cherche à incarner les mouvements perpétuels des paysages dans le temps. Les différentes étapes de l’évolution du paysage sont visibles, comme autant de  strates géologiques marqueurs du passé. L’artiste réalise ainsi des œuvres d’art que l’on pourrait qualifier de performatives. Pour signifier le passage d’un temps insaisissable et fugace, elle travaille aussi désormais  avec des éléments plus fragiles comme la sculpture et la porcelaine. Son art se situe ainsi dans le va-et-vient constant entre la géographie réelle et le voyage dans le temps, passé et/ou futur. Dans son exposition Post Atlantica, l’artiste part ainsi à l’exploration de notre planète et tente d’illustrer diverses théories scientifiques et leurs répercussions sur notre environnement.

Par une réalisation à mi-chemin entre réalité scientifique et fiction créative, l’art de Noémie Goudal vient dépasser la connaissance purement scientifique pour faire voyager son public vers de multiples interprétations imaginaires. Elle l’invite ainsi à se repenser lui-même à travers ces paysages et à s’interroger sur le rapport qu’il entretient à son environnement. La présence de l’être humain n’est qu’une trace dans le paysage et Noémie Goudal en saisit toute sa fragilité. Le corps du spectateur s’interpose comme médium interprétatif, il est invité physiquement à prendre position face aux images qui l’entourent.

Dans ses créations Phoenix et Below the Deep South, Noémie Goudal a volontairement laissé les éléments de construction de son installation artistique visibles pour que l’œil du spectateur puisse entrer dans la réalité de la construction du paysage. Immersives et enchanteresses, ces œuvres jouent par ailleurs avec les sens du public en se métamorphosant sous l’irruption du feu. L’artiste laisse ainsi libre court au mouvement imprévisible de cet élément, son œuvre doit composer avec son environnement et ses contraintes naturelles. Face aux flammes qui se propagent et au bouleversement qu’elles répandent, le public ne peut que se rappeler de sa fragilité, de son impuissance au cœur des cycles de notre planète,  face à l’avancement inexorable du temps. L’appellation Phoenix est symbolique pour l’artiste. Issu de la mythologie grecque, cet oiseau renaît de ses cendres. Si ces dernières sont généralement associées à la « fin », c’est ce qui vient après les cendres qui intéresse l’artiste, et dont parle la paléoclimatologie, il s’agit de la transformation d’une chose en une autre.

Sans que l’artiste ne revendique des créations engagées écologiquement, ses œuvres proposent finalement au public de reprendre la mesure du temps long. En nous invitant à considérer les strates de la composition de son œuvre comme celles des périodes passés, Noémie Goudal nous propose indirectement de (re)prendre conscience des temps historiques de la planète.

Mes réalisations sont un moyen de parler du temps long, en opposition au « temps de l’Homme ». Je souhaite faire le lien entre la Terre dans son entièreté et ce que les non-scientifiques perçoivent de cette planète. Car l’être humain ne voit pas le mouvement des choses, et croit donc être une entité fixe

Noémie Goudal © Lou Tsatsas

Le temps long, c’est celui de la croissance naturelle des forêts, de l’autoépuration des lacs, de l’auto renouvellement des nappes phréatiques, de l’auto-fertilisation des sols, qui dépassent souvent notre expérience directe et sont pourtant essentielles à notre monde. L’artiste nous invite ainsi à penser ce temps long, comme une véritable prise de conscience écologique, mais avec immédiateté, car ne nous y trompons pas, c’est dans le présent que se jouent les enjeux environnementaux.


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Noémie Goudal, “Phoenix VI et II” & “Below The Deep South”, Rencontres d’Arles 2022 © enrevenantdelexpo.com | Pour consulter le site de Noémie Goudal


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RENARDY : Sans titre (2022, Artothèque, Lg)

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RENARDY Lisbeth, Sans titre

(digigraphie, 40 x  30 cm, 2022)

Née à Liège en 1980, Lisbeth RENARDY a effectué ses études d’illustration à l’ESA Saint-Luc, dans sa ville d’origine. En 2010, lauréate du concours de la FWB, elle effectue un séjour de recherche graphique au Canada.

Dès 2003, elle publie son premier album pour la jeunesse chez Alice Éditions. Elle compte aujourd’hui une dizaine de livres à son actif et est reconnue comme une valeur montante de l’illustration jeunesse en Belgique.

Cette illustration est issue de la série “La collection”.

L’univers de Lisbeth Renardy est marqué par la rêverie et la nature. L’artiste met volontiers en scène des animaux, anthropomorphisés ou non, exposés à des univers sauvages a priori inconnus, à différentes émotions et à des situations inédites dont ils doivent se dépêtrer. 

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Lisbeth Renardy ; poissonsoluble.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

ARTIPS : La guerre des caleçons

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[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 7 mars 2025] Où l’on dit à des modèles d’aller se rhabiller. 1901. Il y a du rififi à l’École des Beaux-Arts de Paris ! Le conseil supérieur vient de recevoir une pétition adressée par plusieurs étudiantes. Celles-ci réclament l’égalité complète avec leurs camarades masculins lors des concours…

À cette date, cela fait seulement quatre ans que la vénérable institution a ouvert ses portes aux femmes. Et on compte veiller sur la moralité des élèves, masculins comme féminines, en les séparant ! Les nouvelles étudiantes se forment donc dans deux ateliers, de peinture et de sculpture, qui leur sont réservés. Au programme, étude de l’art antique et surtout dessin sur modèle vivant, alors considéré comme la base de la formation. Cela permet d’apprendre l’anatomie et de mieux comprendre le mouvement des muscles avant de passer à de grandes compositions.

GOLTZIUS, Hendrick (1558-1617) : Hercule (1617) © BnF

Voilà justement le souci. Pour des raisons de ‘décence’, l’école a décidé que les modèles masculins exposés aux yeux des jeunes femmes seraient couverts d’un caleçon, c’est-à-dire d’un pagne. Lors des concours mixtes, cela les défavorise : les professeurs, qui doivent juger et récompenser les meilleurs dessins présentés anonymement, savent d’un coup d’œil quel est le sexe de l’auteur ! Les artistes en herbe réclament donc de dessiner des modèles entièrement nus.

Le conseil voit les choses autrement : pourquoi ne pas plutôt vêtir les modèles pour tous les élèves ? La première entrée à l’école, Marguerite Jamin, plaide pour cette solution “qui ne détruit en rien l’harmonie du corps.” Mais loin de calmer les esprits, cette idée, qui rompt avec la tradition, cause une protestation générale. Bientôt, les hommes eux-mêmes manifestent pour que les modèles soient nus pour tous et toutes !

La nudité c’est la vérité, c’est la beauté, c’est l’art.

Isadora Duncan

C’est finalement la solution retenue. Grâce à cette absence de distinction, les femmes peuvent briller dans tous les concours. En 1911, Lucienne Heuvelmans est ainsi la première lauréate du prestigieux prix de Rome.

Adeline Pavie


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : CAILLEBOTTE, Gustave (1848-1894), Homme s’essuyant la jambe (vers 1884) © Collection particulière Lea Gryze ; © BnF – Gallica.


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HAUGOMAT : L’architecte (s.d., Artothèque, Lg)

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HAUGOMAT Tom, L’architecte

(digigraphie, 40×60 cm, s.d.)

Né à Paris en 1985, Tom HAUGOMAT s’intéresse rapidement au dessin et à son potentiel narratif. Après une année d’études en histoire de l’art et archéologie, il s’oriente vers une préparation artistique. C’est à l’Ecole des Gobelins en section “Conception et réalisation de films d’animation” qu’il se découvre une passion pour l’image en mouvement. Il y rencontre Bruno Mangyoku, un jeune dessinateur avec qui la conception du projet de court-métrage Jean-François (Arte, 2009) se fait naturellement. Il espère pouvoir continuer à développer un univers en illustration et à réaliser des films d’animation en mixant les techniques.

Il a participé à de nombreux livres pour enfants et adolescents, avec des illustrations sont très simples, très graphiques, un peu dans l’esprit des années 1950-1960.

Le style de Tom Haugomat est assez minimaliste. Il concentre généralement l’intention sur un détail et laisse ensuite le vide jouer son rôle de mise en exergue. Tout en utilisant une gamme de couleurs très réduite, il parvient à donner de la profondeur à son dessin. Ses formes en masses et ses jeux de superpositions, bien que travaillées digitalement, invoquent presque intentionnellement la technique de la sérigraphie qu’il apprécie énormément et qu’il utilise même dans son livre Hors-Pistes (Thierry Magnier, 2011).

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Tom Haugomat ; galerierobillard.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

COLLIGNON, Georges (1923-2002)

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[MUSEEPLA.ULIEGE.BE] Georges COLLIGNON (Flémalle-Haute, 26 août 1923 – Liège, 5 février 2002). Formé à Liège, à l’Ecole du Livre et dans une imprimerie, Collignon est d’abord ouvrier typographe. Il entre aux cristalleries du Val Saint-Lambert comme dessinateur exécutant et, parallèlement, suit les cours de dessin à l’Académie de Liège en soirée. Afin d’échapper au travail obligatoire en Allemagne, il s’inscrit aux cours de jour de 1942 à 1945. C’est grâce à Auguste Mambour, son professeur, qu’il sent naître sa vocation d’artiste. Dès l’immédiat Après-guerre, il est actif dans des groupes d’avant-garde : Réalité-Cobra (1949), la Jeune Peinture Belge (1945-1948) et Art abstrait (1952-1956). Il obtient le Prix de la Jeune Peinture Belge (1950) et le Prix Hélène Jacquet (1952). Collignon participe à la plupart des expositions de l’APIAW, de 1946 à 1964, il présente aussi des expositions personnelles et collectives tant en Belgique qu’à l’étranger dont les Biennales de Sao Paulo (1961) et de Venise (1962, 1970).

Georges Collignon séjourne lontemps à Paris. En 1948, grâce à la bourse du Gouvernement français, il y reste 6 mois. Puis il y habite de 1950 à 1969 et fréquente régulièrement les abstraits Hartung, Jacobsen, Magnelli et Vasarely. Malgré cet éloignement, Collignon reste en contact avec Liège et la Belgique : il est sollicité à plusieurs reprises pour diverses interventions à Liège (immeuble à Droixhe, restaurant de la gare des Guillemins – l’oeuvre est aujourd’hui disparue – Service des Constructions de l’ULg au Sart-Tilman), à Ougrée (hôtel de ville) et à Bruxelles (halls de la RTB-BRT au boulevard Reyers).

Il est difficile de définir la manière de Collignon tant la diversité de l’expression est grande. Le meilleur dénominateur commun à toutes ses expériences serait sans doute la qualité proprement picturale du travail. Qu’il s’agisse d’abstraction ou de figuration à laquelle il revient au milieu des années 1960, ses recherches témoignent d’une sensibilité de la ligne, du rythme et de la couleur qui le place parmi les peintres belges les plus remarquables de son temps.


[HOMMAGE A GEORGES COLLIGNON] Avec Georges Collignon un évènement qui allait être historique s’est déroulé à Flémalle (Liège, Belgique). Nous étions fin des années 40. Dans le monde, une révolution picturale se préparait, mais il était difficile d’en prendre conscience et d’en mesurer toute l’étendue de façon objective. Une sorte de pulsion animait intellectuellement certains artistes en quête de recherche en matière d’art plastique, et elle semblait nécessaire dans le contexte de notre évolution.

Plus rien ne s’était affirmé depuis les obscurs moments de guerre que l’humanité venait de traverser et un manque de contenu intellectuel et spirituel se faisait sentir.

Les plus lucides des artistes cherchèrent une voie nouvelle dans des concepts d’ordre plastique où ils pourraient s’exprimer, tout en restant dans une lignée historique qui faisait suite à l’évolution de l’art moderne.

Par raisonnement et par esprit de synthèse, l’art abstrait, qui avait déjà connu quelques obscurs pionniers (devenus célèbres aujourd’hui) allait s’étendre à travers le monde, telle une vague de fond.

Jamais une telle révolution picturale s’étendant d’un continent à l’autre ne s’était vue auparavant. Georges Collignon était de ceux-là, qui dans son atelier de Flémalle allait produire les premières oeuvres abstraites de notre communauté avant de partir pour Paris. De ce mouvement d’après guerre, Georges Collignon allait être l’égal des plus grands peintres abstraits de ce siècle.

Né créateur, son imagination en a les pleins pouvoirs, il su de rien imaginer un univers de forme et de couleur d’une grande valeur plastique ; il su aussi inventer son langage pictural avec grande clarté. Ses dons de coloriste lui firent découvrir des harmonies chromatiques d’une richesse exceptionnelle qui lui est personnelle.

L’abstraction est sans doute une des plus nobles conquêtes de l’art, elle est, peut-être, la démarche extrême de l’aventure spirituelle, non pour autant vue de manière exclusive, métaphysique ou prophétique, mais pleinement humaine.

Cette réflexion sur l’art abstrait est de monsieur Philippe Roberts-Jones, Secrétaire Perpétuel de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Je tenais à la citer car elle est toute à l’honneur de Georges Collignon. Il fallait un certain courage intellectuel dans la recherche, fin des années 40, et une intuition particulièrement sensible pour aller à la découverte d’une esthétique nouvelle et surtout d’une nouvelle façon de penser la peinture. Je me souviens d’une phrase qu’il me disait à l’époque et qui semblait l’inquiéter : “L’on peut être sincère et se tromper.” Il fut sincère et ne se trompa pas.

Depuis quelques années déjà, Georges Collignon a changé de voie ; il est revenu à la peinture figurative l’enrichissant de ses expériences dues à l’art abstrait.

Son oeuvre est imposante et ne peut s’oublier; elle tient une place de première importace dans l’évolution historique de l’art de peindre. Le contenu humaniste de cette oeuvre ne peut s’effacer dans le temps.

Léopold Plomteux, Centre Wallon d’ Art Contemporain
de la communauté Française de Belgique


Georges Collignon né en 1923 à Flémalle-Haute (LIEGE) en Belgique. Elève de l’Académie des Beaux-Arts de Liège de 1939 à 1945. Première exposition à la galerie Apollo à Bruxelles en 1946. Membre de l’association Jeune Apollo à Bruxelles en 1946. Membre de l’association Jeune peinture belge et du mouvement CoBrA fondé en 1948. Partage en 1950 avec Alechinsky et Dubosc le prix de la jeune peinture belge décerné pour la première fois, il fait partie du groupe des mains éblouies, à la galerie Maeght de Paris, dans lequel se trouvaient : Alechinsky, Corneille et Doucet.

Georges Collignon créa avec Pol Bury le groupe Réalité CoBrA qui était la première tentative pour défendre et promouvoir l’art abstrait en Belgique. En 1951 il participa à la première exposition du groupe CoBrA à Paris, organisée par Ch. Dotremont et M. Ragon. En 1952, il obtint le prix Hélène Jacquet. En 1955, il fut sélectionné pour le prix Lisbonne et en 1960 pour le prix Marzotto.

Au milieu des années soixante, délivré de l’obscurité et du mystère, Collignon va se déployer dans un luxe de couleurs qu’il n’abandonnera plus ; sûr de lui, il va suivre sa voie avec conviction. Le monde des images qu’il a découvert personnellement, son savoir-faire technique, sa connaissance des couleurs, son sens et son expérience de l’ordonnance spatiale, sont devenus des valeurs sûres, les jalons qui vont baliser son itinéraire.

A partir de 1967, Georges Collignon est revenu à une peinture figurative, cette figuration continuera de s’imposer et débouchera sur une peinture quelque peu mystérieuse, sensuelle, richement décorée de couleurs profondes, d’argent et de feuilles d’or, une peinture au caractère byzantin et surréaliste, la période abstraite (1946-1966) avait pris fin.

La reconnaissance internationale de sa peinture suivait avec sa désignation pour la Biennale de Sâo-Paulo, en 1958 et celle de Venise en 1970. Il a été élu membre de l’académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique en 1975. En 1977, il entre au Grand Orient de Belgique. Il est décédé à Liège le 5 février 2002, à 78 ans.


QUI ÊTES-VOUS GEORGES COLLIGNON ?

Un fort belle histoire… de l’Art qui a commencé en 1939 à l’Académie des beaux-Arts de Liège et qui se poursuit inlassablement. Comment évoquer l’œuvre d’un de nos plus grands peintres belges, alors que les plumes les plus distinguées l’ont fouillée, analysée, aimée – ce qui constitue par ailleurs une bibliographie très intéressante ? En rappelant le plus simplement possible les temps forts de sa carrière. La rencontre avec Paul KLEE, lors d’une visite à la biennale de Venise en 1948, paraît avoir été décisive dans l’engagement du peintre vers l’art non figuratif. Dès ce moment, il commence une oeuvre importante où son exceptionnel don de coloriste est mis en évidence. Sa probité et son amour du beau travail ne l’abandonneront jamais. Sa participation au mouvement CoBrA va le confirmer dans cette discipline et le faire connaître dans le circuit international de l’art. En 1951, Il part pour Paris ety séjournera jusqu’en 1969. Il va tout naturellement avoir sa place dans les plus importants salons d’art abstrait de l’époque, aux côté d’un MAGNELLI, d’un ALECHINSKY, d’un DELAHAUT, d’un BURY… c’est une époque importante.


Du 9 février au 1er mars 1951, se tiendra à Paris, dans la librairie 73, boulevard Saint Michel, une exposition qui groupera des dessins, gouaches et sculptures de Gilbert, Alechinsky, Bury, Claus, Collignon, Jacobsen, Corneille, Osterlin et Tajiri. C’est la première manifestation de CoBrA à Paris ; ce n’est pas la dernière.

Le Petit Cobra N °4 Hiver 50/51

Bazaine pourtant dans son petit livre sur l’art abstrait, a pu, avec une intelligence tres nuancée, situer quelques uns des points de repère de la peinture aujourd’hui.
Aussi bien, si nous avons à CoBrA choisi l’étiquette expérimentale est-ce parce qu’elle ne suppose aucun programme, pas plus qu’elle ne nous en remet simplement à l’aventure. “L’essentiel, dit encore Ragon, c’est d’aller.” Nous sommes allés, nous allons, nous n’avons pas attendu d’êtres arrivés pour partir. Et l’exposition des Mains éblouies a révélé que nous avions ensemble, déja gagné un pas. Ragon ne s’y est pas trompé qui saluait la participation de quatre peintres de CoBrA : Pierre Alechinsky (qui a fait pour Derriere le Miroir des lithographies significatives) ; Georges Collignon, Corneille, Doucet. Ces quatre peintres étaient rassemblés là par hasard : la galerie Maeght s’était adressée à chacun d’eux ; mais ce n’est pas un hasard qu’ils soient rassemblés dans CoBrA, et qu’ils formaient dans une exposition parfois heurtée, un ensemble frappant (notamment dans la salle de la librairie). Nous voulons rappeler l’intérêt que présentaient les envois de Laurent de Brunhojf, Pierre Humbert et Néjad.

C.D., CoBrA n°7, page 26

Il a eu des activités abstrait-constructivistes et aussi des activités CoBrA. Dotremont songe certainement au petit livre Le Crayon et l’Objet, qu’il ne trouva pas sans qualités et dont le texte repris dans le dernier numéro de CoBrA, est signé par Brian Martinoir. Cet auteur wallon traite dans un élan lyrique de l’art abstrait. Faut-il relever l’influence de Bachelard dans ces raisonnements ? La plaquette est rehaussée de gravures de Collignon ; on relève également la présence d’une gouache du même artiste dans le numéro 10 de CoBrA.
Après avoir débuté comme figuratif abstrait, Georges Collignon (né en 1923) opte à partir de la fin des anées quarante pour une abstraction que l’on pourrait qualifier d’esthétique et de poétique. Il est le seul membre du groupe Réalité à s’être manifesté à quelques reprises au sein de CoBrA. Ainsi est-il présent à l’exposition de Liège avec deux peintures, deux gouaches et un monotype. Selon Geirlandt, l’aventure CoBrA aurait permis à l’art abstrait de mieux s’enraciner en Belgique, on assiste par exemple en 1952 à la fondation du groupe Art abstrait que rejoignirent nombre d’anciens membres de la Jeune Peinture belge, dont Collignon.

IIe EXPOSITION INTERNATIONALE D’ART EXPERIMENTAL
Palais des Beaux-Arts de Liège du 6 octobre au 6 novembre 1951
ORGANISÉE PAR LA SOCIÉTÉ ROYALE DES BEAUX-ARTS DE LIÈGE
ET PAR
L’INTERNATIONALE DES ARTISTES EXPÉRIMENTAUX (CoBrA)

Georges Collignon fils a publié un mini-florilège de l’oeuvre de son père et l’intégrale du document est disponible dans notre DOCUMENTA. Cliquez sur l’image pour le télécharger…

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : Hommage à Georges Collignon (collection privée) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Georges Collignon fils.


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BELOOUSSOVITCH, Léa (née en 1989)

Temps de lecture : 7 minutes >

[CARREFOURDESARTS.BE, 2022] Léa Belooussovitch (Paris, 1989) s’intéresse au pouvoir des images, qu’elle puise dans le vaste univers de la presse et qui lui dictent ses sujets d’inspiration. Au départ d’images et de documents d’archive qui composent l’histoire collective et sauvegardent la mémoire d’évènements souvent tragiques, elle réalise des dessins aux crayons de couleurs sur un support inhabituel, le feutre de laine. Les caractéristiques de ce matériau influencent inéluctablement le rendu des scènes de guerre, de deuils, de fusillades, d’attentats ou de processions dont elle ne retient que les teintes et la symbolique lourde de sens. Les titres de ses œuvres demeurent tels des reliquats de ces sujets dont le spectateur ne reconnaîtra que formes et couleurs. À chaque dessin son agencement de tons inspirés du réel mais revisité pour basculer dans l’abstraction. Léa joue du contraste entre ces scènes de souffrance et le caractère séduisant et envoûtant de ses dessins.

Une opposition également présente entre la violence des sujets et la douceur du médium textile, traditionnellement associé à la sphère domestique et féminine. C’est particulièrement vrai lorsque la plasticienne utilise des supports comme le velours, la soie ou le satin, dont la brillance et la finesse ne dissimulent pourtant pas les scènes percutantes représentées. La série Facepalm montre des femmes accusées de crimes ou de complicité lors de la prohibition dans les années 1930 à Chicago, dont le geste connu sous le nom de Face (visage) Palm (paume de la main) incarne leur humiliation face aux journalistes à la sortie de leurs procès. Ici encore, Léa gomme le contexte historique et la temporalité des événements par un recadrage en close-up et des retouches. Car l’artiste aime laisser au spectateur un espace pour convier son imaginaire et redonner à ces images leur humanité. Elle porte néanmoins un regard critique sur le voyeurisme des médias et des réseaux sociaux, qui amplifient la position de vulnérabilité des victimes. Elle questionne dans le même temps notre rapport de répulsion/attraction à ces images et vis-à-vis de la violence. Si c’est généralement le vécu d’autrui qui intéresse Léa, au Carrefour des Arts elle avait au contraire réinterprété des images d’archives familiales révélant, comme à son habitude, sa vision personnelle du monde.


[MAMC.SAINT-ETIENNE.FR,2020] Les dessins de Léa Belooussovitch répondent à un même protocole. Elle commence par sélectionner dans la presse ou sur Internet des images qui nous assaillent quotidiennement, liées à des faits d’actualités dramatiques : attentats au Pakistan, scènes de guerre en Syrie… L’artiste se concentre sur la représentation de victimes anonymes blessées ou vulnérables. Léa Belooussovitch soumet ces images-sources à diverses manipulations (recadrage, agrandissement) avant d’entamer leur transfert sur le support du feutre. Ce travail lent et répétitif d’accumulation des traits du crayon de couleur altère l’aspect lisse de la matière et lui confère un volume duveteux.

Les formes qui émergent sont des halos colorés brouillant la reconnaissance de la scène. Dans ce passage du pixel au pigment, la netteté de l’image initiale se mue ainsi en un dessin flou qui semble contenir et atténuer sous sa surface la douleur de la représentation. Le titre de chaque œuvre ancre néanmoins le dessin dans le réel en situant la ville, le pays et la date de l’événement tragique. La bande blanche de feutre laissée vierge en haut du dessin suggère, quant à elle, le recadrage effectué à partir de la photographie d’origine.

Par ce brouillage des repères et cette mise à distance de la violence, Léa Belooussovitch nous interpelle autant sur notre rapport à l’information que sur le voyeurisme, tout en activant notre imaginaire. Le caractère esthétique et sensible, voire sensuel, de ses dessins dissimule sous un voile pudique de douceur la présence/absence de l’humain confronté aux atrocités et aux soubresauts du monde contemporain. Cette démarche vise à démontrer combien, selon les mots de l’artiste, “la violence de l’information a pris le dessus sur l’humanité que l’événement contient”.


Léa Belooussovitch, “Jodhpur, Inde, 23 mai 2018” (2019) © Gilles Ribero

[DANSLESYEUXDELSA.COM, 26 avril 2020] Léa Belooussovitch (…), une artiste dont le travail s’empare d’images médiatiques qui envahissent notre quotidien: celles de faits divers, d’images tragiques ou touchantes. Léa sélectionne des événements où l’humain est vulnérable, central et photographié sur le vif. Elle cherche à questionner notre rapport avec la violence, souvent banalisé par les médias. Son processus de création est fondé sur la recherche et la documentation d’images, qu’elle déconstruit ensuite par une multitude de techniques picturales associées à des supports textiles inattendus. Feutre, velours marbré, satin duchesse autant de matériaux qui accueillent et donnent corps à l’image tout en la modifiant chacune à leur manière. Le sujet cru et violent de ces images s’efface au profit de silhouettes humaines qui frôlent l’abstraction. Un véritable jeu du visible et de l’invisible se crée dans notre regard. Tout au long de la semaine, Léa Belooussovitch nous décrypte ce processus artistique à travers une sélection de ses œuvres !

Pourriez-vous nous faire une petite présentation de vous ?
Je suis née à Paris en 1989. J’ai commencé des ateliers de dessin et peinture vers l’âge de 8 ans, et après mon bac, j’ai fait deux années de prépa artistique (Ecole Estienne et Atelier de Sèvres), à l’issues desquelles j’ai réussi le concours de l’école de La Cambre à Bruxelles. J’y ai étudié dans l’option Dessin pendant 5 ans, et suis sortie avec mon master en 2014. En sortant de l’école, j’ai eu la chance d’être sélectionnée pour plusieurs résidences annuelles d’artiste à Bruxelles : La fondation Moonens, la Fondation Carrefour des Arts, la MAAC. Cela m’a permis de développer mon travail et mon réseau d’une manière très professionnelle. J’ai exposé dans plusieurs lieux d’art en Belgique et en France, et je suis représentée à Paris par la Galerie Paris-Beijing depuis 2017.
Pourriez-vous nous parler de votre travail ?
Je travaille sur la relation que nous entretenons avec les images, par le lien entre violence, humain et imagerie, à travers des questions ou faits sociétaux, des événements. Je travaille principalement avec le dessin, la photographie, la vidéo.
Dans mes dessins au crayons de couleur sur feutre, les images utilisées comme source sont des photographies où l’humain est capturé contre son gré, vulnérable, en situation de souffrance. Scènes de guerres, d’attaques, de sauvetages, d’embrassades… autant d’images où l’émotion est mise en avant dans les médias, pour documenter certains événements.
La recherche d’images et la documentation semblent être un travail conséquent avant l’élaboration de vos œuvres. Comment procédez-vous à ce travail ? Le processus est-il toujours le même ?
Il y a cet attrait pour l’image qui serait allée “trop loin”. Trop loin dans le voyeurisme ou dans la cruauté… Mais aussi dans le rapport physique du photographe au photographié. Car les images que je choisis, dans l’actualité, respectent une certaine logique : il y a toujours une proximité avec le sujet. Ce sont des images de l’ordre du vulnérable, des images volées – les personnes sont photographiées sous la contrainte, elles n’ont pas choisi d’être photographiées. Ce sont des images de l’ordre de la douleur. Je choisis des images qui franchissent un seuil que je définis selon un certain nombre de critères et les transposer sur le feutre, c’est les transposer sur une matière sensible qui est organique, physique. Il s’agit de textile, donc quelque chose proche de nos corps. Et puis, dans le sens où ce sont des images de victimes, de personnes blessées, vulnérables, il y a cette idée de les transposer sur un support qui recevrait cette image de manière protectrice, qui envelopperait la nature de l’image. Enfin, il y a le processus de flou. Le flou est à la fois mental et en même temps il vient d’une technique : le crayon sur le feutre ne fait pas un trait précis et net comme sur du papier.
Le dessin sur textile (feutre, velours) prend une part importante dans vos oeuvres. D’où vient cette envie de travailler ce support, ce textile et qu’apporte-t-il à votre travail ? Comment le travaillez-vous ?
En effet je choisis souvent des matières textiles, en fibres non tissées principalement. Je récolte à l’atelier beaucoup de serpillières, des essuies, des tissus divers, des serviettes en coton, des échantillons de feutrine, des torchons, des lavettes très bas de gamme, que je trouve un peu partout. Il y a l’aspect “nettoyage” que je trouve intéressant, tout comme le fait que ce sont des textiles le plus souvent à usage unique, destinés à être salis puis jetés. J’aime en particulier les fibres non tissées car ce sont des fibres accumulées les unes avec les autres, qui s’agglomèrent, qui proviennent parfois d’un animal, parfois de restes d’autres tissus que l’on jette, et qui ont des propriétés d’absorption intéressantes. L’encre pénètre bien dedans, et quant au crayon de couleur sur le feutre, la réaction est immédiate et plastiquement fascinante.
J’ai aussi travaillé avec du satin et du velours, qui sont choisis pour leurs aspect “noble”. À un niveau plus conceptuel, les tissus que j’utilise sont à envisager comme des récepteurs d’une image ou d’une donnée : ils les reçoivent et leur confère un caractère sensible, sensuel, que l’on a envie de toucher dans certains cas. Ils leurs donnent un “corps”. Il y a aussi cet aspect d’étouffement, d’enveloppement, dans les pièces qui parlent de victimes : les tissus leurs confèrent une sensibilité, un silence et une fragilité. Lorsque je choisis un papier, c’est le même fonctionnement, il doit avoir une raison de servir de support à telle ou telle idée, jusqu’au choix du format, du grammage, du grain, du blanc du papier.
Donnez-nous 5 mots qui définissent votre travail.
Suspend, feutre, couleur, humain, dessin.
Quelles sont vos inspirations ?
Je suis plutôt inspirée par des matières, des tissus, des papiers, les livres que je lis, des écrits ou essais sur le statut de l’image, les rapports à la violence, les sujets qui m’intéressent. Je suis inspirée par toutes les recherches que je fais dans les médias et l’actualité, les articles que je lis, ce que j’entends, ce qu’il se passe dans le monde. Je suis aussi bien sûr inspirée par des artistes et des expositions, parfois des films, des spectacles de danse.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans cette voie ?
J’ai naturellement été vers des études artistiques, et je pense que ma formation à La Cambre a été très bonne.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Léa Belooussevitch, Perp Walk (Hair) – detail (2019) © Gilles Ribero | Pour consulter le site de Léa Belooussovitch


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CONTI : Genesi (2016, Artothèque, Lg)

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CONTI Sara, Genesi

(sérigraphie, 44 x cm, 2016) 

Artiste belge d’origine italienne, Sara Conti (née en 1971) est diplômée de l’Ecole supérieure des Arts plastiques et visuels, à Mons.

Elle s’est fait connaître par ses collages urbains de matriochka, distribués de façon métronomique. Titanesque travail esthétique que celui qui va l’occuper plus de dix années durant. L’artiste, méticuleusement, prépare en atelier, réalisés au dessin vectoriel puis découpés avec soin, plusieurs centaines de collages-papier, qu’elle affiche chaque semaine avec une régularité sans défaut, souvent le dimanche matin.

Ses œuvres nous parlent principalement de la condition féminine. (d’après SARACONTI.NET)

Les œuvres de Sara Conti vont à l’essentiel. Elles se caractérisent par l’emploi de la ligne claire et l’esprit de synthèse, c’est-à-dire un fait et une idée par dessin.

Cette œuvre fait partie d’une exposition collective Dendromorphies – Créer avec l’arbre, organisée en 2016-2017 à Paris sous la direction de Paul Ardenne. Sara Conti avait choisi de revisiter le concept de l’arbre de vie, en représentant une femme accouchant d’un arbre.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

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ERRÓ : Sans titre (2012, Artothèque, Lg)

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ERRÓ, Sans titre

(sérigraphie, 65 x 50 cm, 2012)

Né en 1932, ERRÓ, pseudonyme de Guðmundur Guðmundsson, est un peintre et graveur islandais Il étudie l’art en Islande, puis en Norvège et en Italie. Il s’installe à Paris en 1958 où il rencontre des artistes, des écrivains et des critiques liés au mouvement surréaliste. Il est le cofondateur du mouvement pictural de la figuration narrative en France.

En 1986, il représente l’Islande à la Biennale de Venise. En 1989, il fait une donation d’œuvres d’art et d’archives personnelles à sa ville de naissance, Reykjavik. De renommée internationale, il a exposé dans de nombreux pays dès les années ’60.

Depuis 2013, Erró travaille l’aquagravure, une technique d’estampe en bas-relief.

La figuration narrative est un mouvement artistique apparu, principalement dans la peinture au début des années 60 en France, en opposition à l’abstraction des années 50 et aux mouvements contemporains du nouveau réalisme et du pop art, auquel elle est néanmoins associée.

L’univers artistique d’Erró est inspiré par la bande dessinée. On voit dans cette sérigraphie une accumulation d’éléments figuratifs détachés de leur contexte jusqu’à la prolifération délirante.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

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BOUKHENAISSI, Djabril (né en 1993)

Temps de lecture : 7 minutes >

[LAREPUBLIQUEDELART.COM, 20 mars 2024] Encore peu connu il y a seulement quelques mois, le jeune peintre Djabril Boukhenaïssi, né en 1993, a fait une percée remarquée sur la scène artistique française : repéré chez Private Choice de Nadia Candet au moment de Paris+ et lors d’une exposition collective à la galerie Peter Kilchmann en septembre, il a été lauréat du premier Prix Art et Environnement décerné par la Fondation Lee Ufan et la maison Guerlain, qui lui a donné une résidence et lui permettra d’exposer à Arles cet été sur le thème de la nuit. En attendant, il montre ses mystérieux et évanescents tableaux à la galerie Sator, qui le représente désormais.

Depuis l’enfance, Djabril Boukhenaïssi a toujours su qu’il voulait peindre et dessiner. C’est la raison pour laquelle, aussitôt après le Bac, il a naturellement intégré les Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Djamel Tatah. Mais si l’enseignement lui convient, l’environnement ne lui permet pas de s’épanouir pleinement : “Aux Beaux-Arts, je ne trouvais pas d’interlocuteurs, explique-t-il, et je n’avais pas beaucoup d’affinités avec les autres étudiants que je considérais comme des petits bourgeois qui pensaient surtout à eux et étaient peu sensibles aux problématiques sociales. Aussi ai-je complété mes études artistiques avec de la philo. Initialement, je voulais m’inscrire en biologie, car malgré mon goût pour la peinture, j’ai fait des études scientifiques et je pensais pouvoir trouver dans ce milieu le dialogue auquel j’aspirais. Mais pour des raisons d’équivalence, il m’a été plus simple de faire de la philo, qui me passionnait tout autant. Aussi me suis-je inscrit à Paris VIII, une université axée sur le marxisme, dont je me sentais proche. Mais mon cursus a été rapidement interrompu par la Covid”.

En deuxième année des Beaux-Arts, toutefois, il découvre une technique qui va prendre chez lui autant d’importance que le dessin ou la peinture : la gravure. C’est à l’occasion de l’exposition Fantastique ! L’estampe visionnaire qui se tient au Petit Palais qu’il a cette révélation. “J’ai été fasciné par toutes les possibilités qu’offrait la gravure, dit-il. Mais je n’ai pas cherché à la mêler à la peinture. Au contraire, ce qui m’intéressait était la spécificité de chaque médium. On a souvent utilisé la gravure pour des raisons commerciales, pour reproduire en plusieurs exemplaires une œuvre qui existait déjà. Or, pour moi, la gravure a une grammaire différente de la peinture, elle est souvent liée à la littérature et c’est la raison pour laquelle les premières gravures que j’ai faites ont un lien très fort avec la poésie romantique allemande que j’apprécie beaucoup.”

La littérature a d’ailleurs une place importante dans le travail de Djabril Boukhenaïssi. Comme la musique, qu’il écoute beaucoup, ou les autres arts : “C’est Jean-François Chevrier, aux Beaux-Arts, qui m’a fait comprendre cela. C’était un prof formidable et il nous apprenait à ne pas cloisonner les arts, à voir comment tel auteur ou tel compositeur traite un lien en littérature ou en musique et à voir quel équivalent on peut trouver en peinture. D’ailleurs, sous sa direction, j’ai rédigé un mémoire autour d’À Rebours de Huysmans. Dans le premier manuscrit, il y a une phrase étonnante où le protagoniste substitue Degas par Moreau dans sa collection et je voulais comprendre pourquoi il n’était pas possible pour lui d’avoir un Degas à ce moment de son existence. C’était comme une enquête policière, mais sans doute étais-je influencé par le fait que je n’aimais pas Degas.”

Dans sa peinture, le thème principal est la disparition, un terme avec lequel les gens de sa génération ont l’habitude de vivre. Les questions politiques viendront sans doute plus tard, lorsqu’il aura acquis suffisamment de maturité pour trouver le juste mode de représentation. Les images sont comme entre-deux : entre la réminiscence et l’oubli, le resurgissement et la perte, le sommeil et l’éveil. “Ce sont des souvenirs qui me reviennent et dont j’essaie de fixer les contours, dit-il, en sachant qu’ils n’ont plus de réalité et qu’ils risquent de s’évanouir définitivement. Pour cela, j’utilise une peinture très diluée, presque laiteuse, qui évoque cette disparition. Et j’y ajoute du pastel, un matériau que je trouvais plutôt kitch avant de comprendre qu’on pouvait l’utiliser autrement. En effet, je me suis rendu compte que sur la peinture à l’huile, en l’utilisant sur la tranche et non sur la pointe, cela donnait une profondeur à la toile, comme un glacis, mais poreux. Ce qui m’apportait beaucoup, car ma palette est assez restreinte, je suis assez timide avec les couleurs, plus à l’aise avec la composition. J’utilise beaucoup d’ocre et de jaune, ce qui vient sans doute du fait que pendant mes études, j’ai fait beaucoup de copies de maîtres anciens”.

Mais tout cela est en train de changer, car pour l’exposition qu’il prépare pour la Fondation Lee Ufan d’Arles, cet été, sa palette s’élargit. “L’exposition a pour thème la disparition de la nuit, explique-t-il. Elle vient du fait qu’aujourd’hui, il y a un tiers de l’humanité qui ne voit pas la nuit, en partie à cause de la pollution. Bien sûr, à la campagne, comme dans le Perche, là où je vis, on peut encore voir la nuit. Mais dans les villes ou dans de nombreux autres endroits, cela n’est plus possible et l’éclairage nocturne n’est pas innocent : soit il incite à la surconsommation, soit il permet la surveillance. Et ne plus voir la nuit, ne plus pouvoir s’allonger sur l’herbe pour contempler les étoiles, par exemple, c’est perdre la notion de l’humilité, ne pas savoir ce qui est infiniment grand et infiniment petit, oublier l’humain. D’où ma volonté de travailler sur ce thème et pour le faire, j’ai choisi le violet qui sera au centre de toute cette nouvelle série de tableaux et qui symbolisera la nuit”.

Pour l’heure, l’exposition qu’il présente à la galerie Sator s’intitule Phalène. Elle a pour source un week-end que l’artiste a passé avec quelques amis chez lui, à la campagne, et au cours duquel ils voulaient évoquer la question de la disparition à partir des Vagues, le roman de Virginia Woolf. Un soir, une phalène d’une taille inhabituelle a tapé sur une vitre et le lendemain, un de ses amis lui a dit que le roman aurait pu s’appeler “Phalène”, car il était très imprégné par une scène que la sœur de Virginia Woolf, Vanessa Bell, lui avait rapporté dans une lettre et au cours de laquelle un même évènement se serait produit. “J’ai donc décidé de construire toute l’exposition autour de cette anecdote et avec Vincent Sator, on a décidé de faire un accrochage qui raconte un peu cette histoire”. On y voit donc une très grande phalène qui tape dans une porte, une jeune femme allongée dans une chaise longue, sa fille de sept ans qui tient la phalène entre ses mains, des phalènes aux motifs différents. On y voit, ou plutôt on y devine, car les toiles de Djabril Bekhenaïssi ne donnent jamais d’informations précises. Elles suggèrent un temps qui est, ou qui aurait pu être, et qui est comme le souvenir, une bulle qui gonfle avant d’éclater.

Patrick Scemama


Boukenaïssi, “Grand Paon” (2024) © Amélie Blanc

[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 22 juillet 2024]

“J’ai trente ans, j’appartiens à une génération qui a vécu toute son existence avec, en bruit de fond, le mot « disparition ». Déjà petit, on me parlait de la disparition des emplois, par exemple, de la disparition de la neige, de celle des espèces”. Ces mots sont ceux de  Boukhenaïssi, jeune plasticien diplômé des Beaux-arts de Paris (…).

La sainte, l’ineffable, la mystérieuse nuit

Une série étroitement liée au problème de la pollution lumineuse, de la disparition de l’environnement nocturne du fait de l’éclairage public omniprésent, et de ses conséquences et implications sur le vivant. Saviez-vous que la lumière électrique est la seconde cause de mortalité des insectes après les pesticides ? Que l’éclairage public n’a cessé de progresser de 1960 à aujourd’hui ? On dénombre, aujourd’hui, 11 millions de points lumineux, soit une augmentation de 89% depuis les années 1960.

Grand lecteur, l’artiste puise d’abord son inspiration dans la littérature, dans des écrits de Novalis, éminent représentant du premier romantisme allemand. Dans ses Hymnes à la nuit notamment qui évoquent la sainte, l’ineffable, la mystérieuse nuit” – et dans d’autres écrits, ceux de Rilke dont Le poème à la nuit et de Georges Didi Huberman. Il s’est imprégné aussi de ses déambulations nocturnes dans la ville d’Arles et aux Alyscamps.

Disparition symbolique

Les œuvres de son exposition À ténèbres – une expression ancienne qui signifie à la nuit tombée” – constituée de peintures, de dessins et de gravures – des eaux-fortes et des aquatintes, rehaussées à la pointe sèche – évoquent toutes l’impact de la disparition de la nuit sur l’imaginaire. Une disparition métaphorique et symbolique. Il s’intéresse à la tension entre la disparition de notre environnement nocturne, des constellations notamment, et la disparition de la nuit comme objet allégorique. Que restera- t-il de nos rêves sous une voûte céleste privée d’étoiles ? Privée de ces étoiles, sources de beauté, d’émotion et de questionnement. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que savons-nous ?

La phalène symbole de la fragilité des existences

Un motif, ou plutôt un lépidoptère, est omniprésent dans cette série d’œuvres : la phalène, ce papillon de nuit aux ailes décorées qui symbolise la fugacité et la fragilité de nos existences malmenées par notre fuite en avant “croissanciste” qui détruit le vivant. Attiré par la lumière des réverbères, ce papillon de nuit meurt souvent brûlé par les éclairages publics. Les espèces, qui vivent la nuit, plus nombreuses que celles qui vivent le jour, ont une vision adaptée à la vie nocturne. L’impact de la lumière sur la biodiversité est donc redoutable.

Djabril Boukhenaïssi enduit ses toiles brutes de colle de peau de lapin, avant de réaliser ses peintures à l’huile qui sont appliquées en glacis. Il lui arrive aussi d’utiliser des pastels. Ses compositions, peuplées de phalènes, hésitent entre beige pâle et violets délavés, en laissant des parties des toiles non peintes. J’ai cherché à décrire les nuits blêmes que sont les nuits baignées de lumières électriques”, explique-t-il.

Ses œuvres puisent aussi chez Odilon Redon et chez Caspar David Friedrich. Il s’inspire notamment des strates de couleurs horizontales et superposées du Moine au bord de la mer du peintre romantique allemand. En témoigne ce pastel figurant une succession de couches horizontales bleu pâle, mauves et bleues foncé. Et cet autre pastel mangé par un ciel immense, embrasé de couleurs roses, jaunes et mauves, en suspension au-dessus d’une mer bleu pâle.

Eric Tariant


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Djabril Boukhenaïssi, Camélia (2020) © Galerie Sator ; © Amélie Blanc


Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

BLANCBEC : Alien (2022, Artothèque, Lg)

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BLANCBEC, Alien

(digigraphie, 60 x 60 cm, 2022)

Artiste bruxellois autodidacte, BLANCBEC a pris du galon dans le monde du graffiti avant de découvrir des affiches peintes à la main et collées sur les murs des rues de Barcelone. Une véritable révélation qui l’a poussé à tourner la page vers des personnages aux formes géométriques audacieuses, parmi lesquels des oiseaux qui deviendront le personnage central de son travail. Depuis 2003, opérant sous le pseudonyme de Blancbec, il travaille dans les rues avec des oeuvres époustouflantes représentant des protagonistes originaux dans une gamme de couleurs brillantes qui est reconnaissable immédiatement.

“Ici comme dans ses compositions monumentales à la bombe aérosol, on retrouve l’ « écriture » géométrique, des couleurs éclatantes et une exécution impeccable […] Seuls les aficionados des séries américaines des années ‘90 comprennent qu’I want to believe est la formule imprimée sur le poster visible au-dessus du bureau de Fox Mulder, l’agent du FBI asocial, parano, complotiste et vedette d’X-Files – Aux frontières du réel.” (Pierre Henrion)

“Comme toujours dans mon travail, il y a une histoire et des symboles. […] Le symbole du passage vers l’âge adulte ou celui de l’enfance qui est toujours là.” (Blancbec)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Blancbec ; ravi-liege.eu | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

COLARD : Portrait de A (série Draga, 2021, Artothèque, Lg)

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COLARD, Marion, Portrait de A (série Draga)

(photographie et dessin sur papier calque, 70 x 50 cm, 2021)

Marion COLARD est née à Liège en 1992, elle vit et travaille à Bruxelles. 

Après un master en Animation Socio-culturelle et Education à l’IHECS, elle obtient un certificat formation continue en Médiation culturelle à l’ULB.

En 2015, elle réalise son stage de fin d’étude en Roumanie. C’est le point de départ d’une recherche sur les différentes manières de montrer les réalités vécues des personnes Roms.

Cette artiste aborde des questions sociétales avec une démarche multidisciplinaire. Elle s’intéresse aux histoires des personnes en marge de la société, elle “cherche à faire émerger la beauté brute et la force de celleux qui se construisent à l’écart. Trouver une magie au milieu d’un chaos, souvent systémique”.

“Ma démarche artistique est centrée sur les rapports interpersonnels et subjectifs, mon travail se construit de la même manière que je vis mes expériences : intensément, collectivement et de façon multiple.” (M. Colard)

Lors d’une résidence en Roumanie (2021), Marion Colard a organisé avec des groupes d’enfants, des ateliers artistiques pour questionner l’identité. Les œuvres qui en sont ressorties proposées font partie de la série “Draga” (“Ma chérie” en roumain).

Elle a demandé aux enfants de dessiner ce qu’ils aimaient et détestaient. Celui-ci a répondu qu’il aimait la lune et la fumée dans la maison et qu’il détestait les clowns qui mangent les oignons.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

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BLEXBOLEX : La Fêlure I/IV (2009, Artothèque, Lg)

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BLEXBOLEX, La Fêlure I/IV

(sérigraphie, 45 x 45 cm, 2009)

Né en 1966, BLEXBOLEX (Bernard Granger), artiste français, vit à Leipzig, en Allemagne. Après un passage aux Beaux-arts d’Angoulême, il découvre la sérigraphie et apprend les techniques de l’édition sur le tas. Directeur de collection chez Cornelius, il lance les collections Lucette et Louise. Depuis 2006, il travaille à une œuvre importante autour de l’imagier : L’imagier des gens, qui a reçu “Le prix du plus beau livre du monde” à la Foire du livre de Leipzig, Saisons et Romances. Ce triptyque s’impose comme un chef d’œuvre de l’édition jeunesse.

Dans ses livres graphiques, Blexbolex utilise diverses techniques, toujours avec minutie. Son style rappelle les polars des années 1950-1960, avec un graphisme et un chromatisme très marqué évoquant la technique du pochoir.

Cette sérigraphie fait partie du livre La Fêlure (éd. Ouvroir Humoir, 2009), un récit graphique rythmé en 24 planches. Un détective se trouve confronté à des événements faisant irruption sans raison. L’intrigue de ce petit précis de mécanique graphique échappe ensuite aux règles de narration classique. Une mise en scène décalée dans laquelle excelle l’auteur.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Blexbolex ; the-comics-journal.sfo3.digitaloceanspaces.com/ | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

DADO : L’exposition Emile CLAUS au musée de Deinze (27 septembre 2024 – 26 janvier 2025)

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À l’inverse d’un James Ensor qui détestait l’impressionnisme, le peintre flamand Émile CLAUS (1849-1924), au cœur d’une très belle rétrospective visible en ce moment au musée de Deinze, s’est laissé séduire par ce courant venu de France. Son art, du moins jusque dans les années 1890, incarne plutôt ce que l’on nomme le luminisme, une synthèse entre l’impressionnisme et le réalisme. Le style de Claus est particulièrement marqué par l’art réaliste du Français Jules Bastien-Lepage et du Britannique George Clausen. Son impressionnisme reste en revanche modéré à ses débuts. La lumière et la couleur ne prennent pas le dessus sur le dessin et sur une représentation minutieuse de la réalité, il est question de reflets sur les personnages, les animaux, les éléments de la nature, et de miroitements sur l’eau qui ne masquent en rien le trait du dessin.

Ormes le long du canal (env. 1904)

Pourtant, à mesure que son œuvre évolue, il abandonne de plus en plus cette synthèse entre réalisme et impressionnisme et intègre davantage la lumière et la couleur dans le jeu général de ses représentations. Un peu à la manière d’un Camille Pissarro, il fait appel librement à la technique du néo-impressionnisme, traduisant le pointillé dans une facture différente de Seurat et Signac (qui décomposent la lumière selon des principes physiques et optiques) pour préférer au contraire une touche composée au départ de petits traits nerveux qui finit par des virgules amples et tourbillonnantes. Son pinceau clame la lumière et ses variations de roses, d’oranges et de violets typiques des cieux de la Flandre orientale.

Le vieux jardinier (1886) © La Boverie

Côté thèmes, Claus dépeint à foison l’univers des paysans, sans nécessairement traiter la rudesse du monde rural et sans le militantisme social de Laermans, Meunier ou Léon Frédéric (à l’exception de la célèbre Récolte de betteraves). Face à l’industrie et à l’urbanisation de nos sociétés, il célèbre un paradis champêtre totalement idéalisé et opte pour une vision esthétisante de la réalité ! Aucune des figures qui habitent ses tableaux n’interpelle par son contenu psychologique ou son intériorité tant il importe davantage au maître de s’attarder sur les travaux des champs, la vie au bord de la rivière, les abords de son village d’Astene (où il a élu résidence) et les paysages typiques des bords de la Lys. Claus a très peu peint de villes, exception faite de la série de vues de la Tamise et de Londres, réalisée depuis l’appartement qu’il occupait pendant la Première Guerre mondiale, alors qu’il s’était réfugié en Angleterre.

Les portraits de sa femme Charlotte Du Faux, de sa maîtresse (son élève Jenny Montigny, qui deviendra une excellente artiste à son tour) ou de ses amis (Camille Lemonnier, entre autres) dévoilent les charmes et l’insouciance d’une bourgeoisie aisée éloignée des troubles sociaux qui agitent la Flandre dans le dernier tiers du XIXe siècle. L’ensemble n’en reste pas moins remarquable pour autant et il ne faut surtout pas manquer de faire le déplacement à Deinze pour admirer pas moins de 130 tableaux dont beaucoup issus de collections privées. À voir jusqu’au 26 janvier 2025.

Stéphane Dado


Cliquez ici pour ouvrir emile-claus.be…

2024 marque le 100e anniversaire de la mort d’Emile Claus (1849-1924), le plus grand impressionniste de notre pays. Il s’agit d’ailleurs d’un double anniversaire, puisqu’il est né il y a 175 ans. Emile Claus jouissait déjà à l’époque d’une grande renommée en tant que Maître de l’Astène ou Prince du Luminisme. Avec l’œuvre clé La récolte des betteraves et de nombreuses autres œuvres de son œuvre, Emile Claus est inextricablement lié à la collection du musée et à la région de la Lys. La ville de Deinze et le mudel – Musée de Deinze et la région de la Lys ont donc déclaré l’année 2024 année Claus.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : en-tête CLAUS E., La récolte des betteraves (env. 1889) © MUDEL ; © La Boverie


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SASEK : Piccadilly Line (1959, Artothèque, Lg)

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SASEK Miroslav, Piccadilly Line

(digigraphie, 50 x 40 cm, original 1959)

Miroslav SASEK est né en 1916 à Prague, dans l’ancienne Tchécoslovaquie. À la fin des années 1930, après des études d’architecture, il commence à produire des illustrations pour des journaux et des albums jeunesse.

En 1947, il part à Paris pour étudier aux Beaux-Arts puis s’installe à Munich comme illustrateur et peintre. Durant les années 1960, il entame une série de livres illustrés qui comprendra plusieurs capitales ou pays, ouvrages qui rencontreront un succès international et seront couronnés de plusieurs prix. Quatre de ces 18 albums seront adaptés en dessins animés. Miroslav Šašek disparaît en 1980, en Suisse.

Cette reproduction est tirée de l’ouvrage sur Londres (This is London), paru en 1959.

Elle représente les usagers attendant en sous-sol l’arrivée du métro. La ligne de fuite et les courbes sont exagérées, donnant une impression de torsion de l’ensemble.

Les illustrations de Sasek sont typiques du style graphique des années ’60. Les lignes sont simples, les couleurs tranchées. Les dessins sont pleins de charme et d’humour, riches en détails et accompagnés de courts textes.

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BEAUCHARD, dit DAVID B : Mon grand-père au front (2017, Artothèque, Lg)

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BEAUCHARD Pierre-François dit DAVID B, Mon grand-père au front

(lithographie, 65 x 80 cm, 2017)

Né à Nîmes en 1959, DAVID B, nom de plume de Pierre-François Beauchard, vit et travaille à Bologne. Il est l’un des fondateurs de la maison d’édition L’Association, qui renouvela les codes de bande dessinée française au début des années 1990. Après des études d’Arts Appliqués à Paris, David B. publie ses premiers dessins dans différentes revues. Ses carnets de rêves, ou plutôt de cauchemars, publiés par L’Association, attirent l’attention. Entre 1996 et 2003, il créé “L’Ascension du Haut Mal”, série autobiographique consacrée notamment à la maladie de son frère aîné, l’épilepsie. En une quinzaine d’années, il se retrouve à la tête d’une bibliographie abondante comptant plus d’une soixantaine d’ouvrages, dont certains en tant que scénariste.

Cette lithographie nous présente une scène de guerre. Des petits soldats terrifiés se cachent parmi des débris de tranchées. Au milieu de ce chaos semble trôner le grand-père de l’auteur. A la place de son visage, une forme noire ressemblant à une faux… peut-être la faux de la mort.

Le thème de la mort est très présent dans l’ensemble du travail de l’artiste. David B. l’explique par son enfance marquée par les crises d’épilepsie de son frère; chaque crise étant vécue comme une petite mort. (d’après MELPUBLISHER.COM)

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[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © David B ; benzinemag.net | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

HORN, Rebecca (1944-2024)

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[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 10 septembre 2024] Elle avait fait du corps la matière première de son art. L’artiste allemande, performeuse et plasticienne Rebecca HORN, née en 1944, est décédée le 6 septembre à l’âge de 80 ans dans sa résidence de Bad König, en Allemagne, où elle avait installé sa Fondation. Profondément influencée par le dadaïsme et le surréalisme, l’univers du cinéma et des automates, elle était célébrée internationalement depuis plus de quarante ans pour ses performances et ses sculptures hybrides où le vivant et l’inerte, le corps et la machine, se mêlent en de singulières métamorphoses. En 2014, à l’occasion de son exposition à la galerie Lelong, Connaissance des Arts  l’avait rencontrée dans sa Fondation, un lieu pluridisciplinaire à l’image de son oeuvre mêlant arts plastiques, poésie et musique.

Une longue bataille

On ne s’attend pas à trouver, dans ce petit village de Bad König, au sud de Francfort, un vaste ensemble architectural aux tuiles de céramique bleue comme au Japon. L’artiste allemande Rebecca Horn y avait installé en 2010 son atelier et un musée présentant ses œuvres, accompagné d’un espace d’exposition pour les jeunes artistes et d’un lieu de résidence pour les musiciens et les poètes. L’ensemble, baptisé The Moontower Foundation, accueille depuis chaque été des performances, des récitals de poésie, des films et des concerts.

C’était le résultat d’une longue bataille pour Rebecca Horn, chevelure rousse flamboyante et yeux verts : Mon grand-père a fondé ici une laiterie en 1890 et plus tard mon père y a construit une usine de textile, racontait-elle. Je suis née à cet endroit et j’y suis restée jusqu’à mes 9 ans avec une gouvernante roumaine qui était peintre, mon père et ma grand-mère. Après mes études, je suis partie à New York en 1972 et je ne suis revenue ici qu’en 1990, quand j’ai hérité de l’un de ces bâtiments dont j’ai fait mon atelier. Pendant plus de vingt ans, ma biographie indiquait que j’étais “en voyage”. Là, je pouvais commencer une nouvelle aventure”.

Peu à peu avait émergé l’idée d’une fondation qui exposerait en permanence son travail d’installations, systématiquement démonté au terme de chaque exposition ou conservé dans les réserves des musées, dans l’esprit de la Chinati Foundation de l’artiste Donald Judd à Marfa (États-Unis). Progressivement, elle avait racheté et fait rénover les bâtiments en ruine de l’usine de son père et les jardins en friche alentour, avec le soutien de mécènes. En 2010, elle avait ouvert un lieu qui lui ressemble : lumineux, ordonné, apaisant. Les lieux d’exposition, répartis autour d’une rivière, alternent avec des espaces de méditation pourvus de petites statues de Bouddha.

Des sculptures corporelles aux installations spectaculaires

Je suis devenue bouddhiste il y a vingt ans pour être en paix avec moi-même”, racontait Rebecca Horn, habillée de vêtements amples à la japonaise. Née en Allemagne à la fin de la guerre, j’ai été atteinte en 1967 d’une grave intoxication pulmonaire en réalisant mes premières sculptures en polyuréthane et fibre de verre, durant mes études d’art à Hambourg. Alitée durant près d’un an dans un sanatorium, capable seulement de dessiner et d’imaginer des stratégies de survie, j’ai commencé à créer mes premières sculptures corporelles, dans le but de dialoguer avec le monde extérieur. Mes parents sont morts à cette époque. Dans mes premiers travaux, on retrouve toujours l’idée d’un cocon dans lequel je cherchais à me protéger, comme par exemple les éventails dans lesquels je pouvais m’enfermer et m’isoler (Éventail corporel blanc, 1972).

De ses premières “extensions du corps” (Toucher les murs simultanément avec les deux mains, 1974-75) portées lors de performances dans les années 1970, Rebecca Horn était passée à la réalisation de films (Le Danseur mondain, 1978, La Ferdinanda, 1981) et aux sculptures cinétiques, machines motorisées dotées d’une vie propre comme autant d’acteurs mélancoliques : La Machine-Paon, 1982, Les Âmes flottantes, 1990, etc. Depuis le milieu des années 1980, elle créait de spectaculaires installations dans des lieux chargés d’histoire, comme au Naschmarkt de Vienne en 1994, avec La Tour des Sans Nom où des violons mécaniques jouaient seuls en hommage aux réfugiés des Balkans ; ou dans l’ancien dépôt de tramways du camp de concentration nazi de Buchenwald à Weimar, où un wagon venait heurter violemment des murs de cendres aux côtés d’instruments de musique éventrés (Concert pour Buchenwald, 1999).

Rebecca Horn, Concert for Buchenwald (Installation, 1999). © Attilio Maranzano
Une œuvre d’art totale

Rebecca Horn écrivait de la poésie, dessinait, peignait, créait des sculptures et des installations, mettait en scène des films et des opéras. Elle inventait les décors et les costumes et dirigeait les acteurs, comme au Festival de Salzbourg en 2008 pour Luci mie traditrici de Salvatore Sciarrino. Certaines personnes pensent que je saute d’un médium à un autre, mais mon langage de signes et mon langage secret ne changent pas”, déclarait-elle à l’artiste et philosophe Démosthènes Davvetas en 1995. À 70 ans, elle affirmait vouloir faire émerger un Gesamtkunstwerk, une œuvre d’art totale.

En 2019, dans son atelier blanc méticuleusement rangé de la Moontower Foundation, elle mettait la dernière main, avec l’aide d’un assistant, à une sculpture motorisée : Between the Knives the Emptiness (Entre les couteaux, le vide), qui avait donné son nom à une exposition à la galerie Lelong à Paris. L’œuvre, constituée de trois couteaux et d’un gros pinceau japonais, fait référence à la notion bouddhiste de vacuité, “le degré le plus élevé de l’énergie” selon Rebecca Horn. Le concept d’énergie est essentiel dans l’œuvre de l’artiste. En 2002, elle avait transformé la piazza del Plebiscito à Naples en un espace traversé par l’énergie magnétique, en plaçant en hauteur des anneaux lumineux exactement au-dessus de crânes en fonte enchâssés dans les pavés, sur le modèle de ceux que l’on trouve dans les catacombes de la ville (Spiriti di Madreperla). Ainsi, l’énergie négative des crânes s’élève vers la lumière et la mort devient un apaisement”, pensait-elle.

Énergies invisibles et mécanique des fluides

Sur le sol de la cour intérieure de la Fondation, elle avait fait tracer un grand cercle afin que les énergies de la terre puissent se concentrer”. Il fait écho au cercle lumineux qu’elle avait fait apposer sur la cheminée d’usine de la Moontower Foundation comme un emblème. On retrouve la forme symbolique du cercle et de la lune dans toute son oeuvre, de High Moon (1991) à Moon Mirror (2003), où elle avait mis en place une colonne invisible d’énergie entre un miroir tournant sur le sol et un tourbillon de lumière en haut de la coupole de l’église du couvent Sant-Domingo à Pollença (Majorque).

À Bad König, l’ensemble des oeuvres exposées joue avec l’ombre et la lumière, à commencer par le Bain des larmes, un grand cube de verre contenant de l’eau dont la condensation crée des “perles de verre” en surface, reflétées par un miroir. La sculpture marque l’entrée du musée dédié aux installations de Rebecca Horn et à sa collection personnelle d’oeuvres d’artistes qu’elle admire: Joseph Beuys, Yannis Kounellis, Henri Cartier-Bresson, Marcel Duchamp. L’auteur du Grand Verre a profondément influencé l’artiste dans la genèse de ses machines hybrides. L’une d’elles, accrochée dans le musée baigné de lumière et de sons, est un hommage au livre de Kafka, Amerika (1990) : Il y a le parapluie qui tremble, les chaussures qui vibrent, le vieux violon juif avec sa triste mélodie – le passé de Karl Rossmann – la valise qui vole…”, expliquait-elle. La valise appartient à sa grand-mère maternelle, Rebecca Baelstein, dont elle portait le prénom.

Osmose musicale

Un peu plus loin, Hydra Piano (1990) met en oeuvre une mécanique des fluides : un long filet de mercure serpente dans un caisson de métal. Le mercure ou vif-argent est une référence à l’alchimie, pour laquelle Rebecca Horn se passionne depuis la lecture dans sa jeunesse des Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, du théologien Johann Valentin Andreae. De la sculpture L’Androgyne (1987) – composée d’une autre substance alchimique, le soufre – au film La Ferdinanda, l’artiste avait truffé ses œuvres de références à la transmutation. L’esprit de la transformation a toujours été un élément central dans le travail de Rebecca Horn”, souligne le jeune compositeur Hayden Chisholm dans le catalogue consacré à la Moontower Foundation. L’une de ses créations inspirée des chants mongols accompagne une installation de Rebecca Horn, The Warriors (2006), métamorphosant les espaces du musée en un lieu de recueillement. Une véritable osmose s’est opérée entre les compositions vocales et instrumentales de Hayden Chisholm et les installations de Rebecca Horn depuis le début de leur collaboration en 2003, date où il intervient dans la plupart de ses installations in situ. Nous travaillons depuis des années de façon intuitive. Je suis très fier d’être un couplet dans cette chanson le long de la rivière, avec les machines et les autres voix qui forment une part de sa vision.

Myriam Boutoulle


Rebecca Horn, “Bees Planetary Map” (2021) © kunstleben-berlin.de

[BILAN.CH, 09 septembre 2024] Elle était très connue sans être devenue pour autant une star populaire. Morte le 6 septembre à Bad König, Rebecca Horn conservait quelque chose de trop difficile d’approche pour cela. Quand on interrogeait l’Allemande sur les influences littéraires subies, elle répondait James Joyce, Franz Kafka, Samuel Beckett ou Jean Genet. Au cinéma, pour lequel elle avait donné plusieurs films de fiction, c’était Luis Buñuel ou Pier Paolo Pasolini. Très intellectuelle, la femme avait quelque chose d’intimidant. L’interlocuteur sentait qu’elle avait étudié en plus de l’art la philosophie. La création germanique garde volontiers un caractère cérébral quand il ne se veut pas expressionniste, et donc spontané. Or tout semblait très réfléchi tant dans les œuvres que les performances de l’artiste.

Née en mars 1944…

Rebecca Horn était née dans un moment difficile, mars 1944. Elle subira ainsi les séquelles de la guerre. Ne pas parler allemand en dehors du territoire national, par exemple. “Les gens nous détestaient.” Sa position ne se révélait pourtant pas si inconfortable, même si la plasticienne préférait en évoquer les côtés sombres. L’adolescente était l’héritière d’une fabrique de textiles qui se trouvait dans sa famille depuis des générations. Il lui aurait logiquement fallu la reprendre, ce qui ne l’intéressait guère. La fillette dessinait déjà sous l’impulsion d’une gouvernante roumaine. Elle commencera donc des études d’art, fâcheusement interrompues en 1964. Cette année-là, à Barcelone, la jeune femme contracta une infection pulmonaire l’obligeant à passer une année entière dans un poumon d’acier. Tout est parti de là. Du corps ennemi et contraint. De l’immobilité forcée. D’une solitude en pays étranger.

Dans les années 1970, l’artiste se fait ainsi connaître par ses premiers travaux. Coup de chance, ils se révèlent dans l’air du temps. La performance occupe, sans jeu de mots, le devant de la scène. Rebecca se produit avec des ajouts de sa création qui forment autant de prothèses. Ces extensions constituent autant des gênes que des aides pour son corps imparfait. Apparaît du coup l’éventail, qui tantôt cache tantôt révèle. Rien à voir avec le “truc en plumes” de Zizi Jeanmaire, bien que la forme soit la même. Aucun élément ludique ou joyeux ici. Il y a toujours quelque chose de grave chez Rebecca Horn. Elle est “todernst”, pour reprendre un mot n’existant que dans sa langue maternelle. Autrement dit d’un sérieux mortel [ou ‘sérieuse à mourir‘]. Tout en sa personnalité évoque la difficulté. L’effort. La douleur. Le mal-être. Elle n’est pas pour rien la contemporaine et la compatriote de la danseuse Pina Bausch.

Succès mondial

Rebecca se voit vite remarquée. En 1972, elle fait partie à Kassel de la Documenta5 que réalise le Suisse Harald Szeemann. Une sorte de gourou de la modernité. Szeemann adoube autant qu’il expose. On verra dès lors la femme un peu partout, que ce soit en personne, par ses œuvres ou grâce à ses films. Elle tâte en effet de l’ensemble des arts, y compris la mise en scène d’opéra. Le public pourra ainsi juger à Wiesbaden sa vision de l’Elektra de Richard Strauss. Ses œuvres (qui sont parfois les restes de ses performances) se vendent bien, y compris aux Etats-Unis. C’est du reste son galeriste new-yorkais Sean Kelly qui vient d’annoncer son décès. Les collectionneurs et les musées d’outre-Atlantique ont dû se voir travaillés au corps, si j’ose dire vu les caractéristiques de la production de Rebecca Horn. Elle deviendra la première à recevoir en 1993 une exposition en solo au Guggenheim Museum. C’était alors bien plus difficile pour une femme de se voir exposée.

Rebecca a traversé sans peine les décennies, même si le monde de l’art est peu à peu revenu à des médias plus classiques, comme cette peinture un peu trop vite annoncée comme morte. Cette rousse flamboyante (je ne vois que la couturière Vivienne Westwood, à qui elle ressemblait en plus physiquement, pour l’égaler) recevait ainsi des hommages, des rétrospectives et des distinctions. La liste des prix obtenus possède quelque chose d’impressionnant. Ce doit être la femme la plus galonnée de l’art contemporain. Ses œuvres se retrouvent donc logiquement aujourd’hui partout, même si elles ne se voient en général pas mises en avant. Il ne faut pas aller bien loin pour en trouver. Le MCB-a de Lausanne en détient via la galeriste Alice Pauli. A Genève, où le Mamco vient d’inaugurer son accrochage d’automne dont je vous parlerai bientôt, il y a aussi un Rebecca Horn dans une salle en ce moment. Avec des plumes bien sûr, même si celles-ci ont perdu leur fraîcheur originelle. Comme le corps, dont Rebecca a tant montré les limites, les parures des volatiles se fatiguent.

Pour l’instant, la disparition de l’artiste à 80 ans ne soulève pas les rédactions comme un seul homme (ou une seule femme). Ce n’est pas qu’il y ait gêne vis-à-vis de la personne, comme avec Carl Andre qui a peut-être défenestré son épouse. C’est que Rebecca Horn reste, en dépit de tout une artiste pour happy few, difficile à expliquer. Ses performances historiques sont par ailleurs demeurées discrètes. Rien à voir avec Marina Abramović et son spectacle parfois grand-guignolesque. Nous sommes avec elle entre gens bien élevés, qui ont si possible eux aussi étudié la philosophie… J’ai failli écrire “entre élus”. Après tout, pourquoi pas ? Nous sommes finalement avec Rebecca dans une chapelle. J’en resterai là. La messe est dite.

Etienne Dumont


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : vue d’ensemble, exposition Haus der Kunst 2024 © VG-Bild Kunst ; © Attilio Maranzano ; © kunstleben-berlin.de


Plus d’arts des médias en Wallonie et à Bruxelles…

DADO : L’exposition Marguerite Radoux à la Galerie des Beaux-Arts (Liège, 2024)

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La nouvelle exposition de la Galerie des Beaux-Arts de Liège met à l’honneur l’art pictural de Marguerite RADOUX (Liège 1873-1943). Fille de Jean-Théodore Radoux (le bouillonnant directeur du Conservatoire de Liège à la source de l’actuelle Salle Philharmonique), petite-nièce de l’homme politique liégeois Charles Rogier, l’un des fondateurs de la Belgique, la jeune femme entame à la fois des études artistiques et musicales (elle se destine au chant), incapable de se limiter à une seule discipline. Si sa carrière de cantatrice s’interrompt pourtant assez vite, faute de réel talent (elle se contente en fin de compte d’interpréter les mélodies de son père, de son frère Charles et de son amie, la compositrice et cheffe d’orchestre Juliette Folville), sa carrière de peintre est de toute évidence d’une autre trempe, l’enseignement que lui dispense Adrien De Witte y est sans doute pour quelque chose.

Sophie Wittemans qui signe le beau catalogue de la rétrospective, rappelle que Marguerite a exposé par moins de 55 fois entre 1897 et 1941. Sa production devait compter près de 200 œuvres, des huiles, pastels et fusains. Une trentaine a pu être retrouvée, alimentant la première rétrospective qui lui est consacrée depuis sa mort.

Sa peinture fut très favorablement reçue par les critiques de son temps ! On y décela un tempérament impérieux, celui d’une jeune femme déterminée à ne pas se laisser impressionner par un monde artistique dominé par les hommes. Elle se définit dès 1898 comme “peintre”, non comme “artiste femme” ou “femme artiste“, choix pour le moins révélateur d’un caractère libre et bien trempé !

Marguerite privilégie d’ailleurs l’art du portrait plutôt que celui des paysages ou de la nature morte, genres dans lesquels ont attendait davantage les femmes à l’époque. Ses modèles, à commencer par son père ou par Juliette Folville (que l’on voit notamment diriger un opéra-comique de Jean-Noël Hamal sur la scène de l’actuelle Salle Philharmonique) sont croqués sur le vif, à gros traits de pinceau. Sa pâte est dense, grasse, épaisse, son geste ne manque pas de rugosité, il souligne avec force les empâtements.

Les tonalités de Marguerite Radoux, souvent sombres jusqu’en 1914, font écho à une palette de couleurs restreinte mais subtile. L’artiste excelle aussi dans ses “tableautins”, ces scènes intimistes, ces moments d’émotion pris sur le vif et qui semblent concurrencer par le geste pictural presque instantané l’art de la photographie.

© Collection privée

En 1910, Marguerite, épouse en secondes noces le Français Fernand Outrières, un substitut du procureur de la République qui la mène successivement à Angoulême, au Havre, puis à Paris. Après la Première Guerre mondiale, son art prend une autre tournure, il est influencé par le fauvisme (a-t-elle vu les œuvres de Raoul Dufy au Havre ?) et par une modernité qui met en avant une pâte aux aplats plus larges.

Vers 1929, elle reçoit sa première commande officielle, émanant du Sénat belge : Charles Magnette, Président de l’institution, lui demande d’être portraituré. C’est la première fois depuis la création de l’institution, qu’un président du Sénat demande à une femme de réaliser son portrait. Le résultat est éblouissant de force et de vérité !

Même si elle revient de temps en temps en Belgique, notamment auprès de sa famille à Esneux (ce qui nous vaut quelques paysages réalisés en extérieur), Marguerite tentera de s’imposer sans succès en France. Sa carrière est notamment compromise par un scandale financier qui éclabousse son mari. Elle réalise cependant quelques belles natures mortes dont une, non datée, est extraordinaire par ses couleurs (plus impressionnistes) et par le jeu de mise en abîme qu’on y décèle (l’arrière-fond de l’œuvre représente le dos d’un tableau, et, très curieusement, l’œil du spectateur a l’impression que les fruits et objets peints à l’avant-plan se confondent avec ce tableau dans le tableau, comme si l’on avait à faire à une peinture de nature morte à l’arrière d’une véritable nature morte).

La Deuxième Guerre mondiale la contraint au silence, elle meurt du reste durant le conflit, dans un hôpital des environs de Paris, circonstances qui expliquent sans doute que son art soit tombé dans l’oubli ! La Galerie des Beaux-Arts de Liège rend heureusement justice à une artiste qui mérite plus que de la simple considération !

Stéphane Dado

A voir jusqu’au 24 novembre 2024 !

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : en-tête RADOUX Marguerite, Nature morte (vase à fleurs, fruits, coupe, poupée) (1927-28) © Gérald Micheels, Musée des Beaux-Arts de Liège – La Boverie.


Plus d’arts visuels en Wallonie…

DADO : L’exposition Paul DELVAUX à La Boverie (Liège, 2024)

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On peut reprocher à Paul Delvaux un certain systématisme dans la répétition de ses thèmes (femmes nues, architecture antique, squelettes, trams et trains), on peut trouver sa figuration académique, son trait simpliste et maladroit, on peut regretter un univers surréaliste rêveur et naïf, éloigné de la pensée intellectuelle et de l’engagement politique d’André Breton et sa bande… Toujours est-il que, trente ans après sa mort, l’artiste wallon (il est né à Antheit, près de Huy) reste, pour un tas de raisons, une figure marquante et attachante de l’art belge du XXe siècle ! La superbe rétrospective proposée par le musée de La Boverie, à Liège, permet de toute évidence de ne pas s’arrêter à ces quelques défauts.

Tout en présentant quelques pièces maîtresses comme sa Vénus endormie, sa Crucifixion ou sa Mise au tombeau, l’exposition a le mérite de dévoiler des œuvres rares, souvent de premier plan, issues de collections privées. Et de constater d’abord que le monde de Delvaux, s’il doit beaucoup au surréalisme et notamment à Magritte et à l’art métaphysique de De Chirico, s’écarte malgré tout de ce mouvement en raison d’une primauté constante d’un certain onirisme. Avant tout, le peintre concentre et juxtapose les situations les plus improbables, celles de ses fantasmes et de son monde intérieur, pour créer un univers authentique et crédible, conforme – par le réalisme de ses éléments iconographiques – aux normes de la réalité. En cela, Delvaux relève davantage de ce courant typiquement belge et néerlandais qu’est le réalisme magique.

L’artiste est aussi une véritable éponge, son œuvre a absorbé diverses influences, c’est la somme de différentes parties qui, au fil du temps, finissent par former un tout cohérent et personnel. Delvaux tient d’abord de son maître, le symboliste Constant Montald, le sens de la composition et des perspectives bien marquées (sa force de frappe artistique), son attrait pour l’Antiquité grecque (renforcé par son amour immodéré pour l’Odyssée d’Homère, dévorée lors de ses humanités gréco-latines), son intérêt pour le nu féminin et pour le paysage peint d’après nature.

Il est aussi marqué dans sa jeunesse par le trait vigoureux et par les squelettes d’un Ensor (quand il suit la trace de ce dernier, la qualité de son dessin devient remarquable), par l’expressionnisme brutal et les personnages populaires de Permeke et De Smet (influence à laquelle son art renoncera par la suite), par les mondes silencieux et nocturnes d’un Magritte.

La visite (1939) © Stéphane Dado – Collection privée

Cette synthèse stylistique ne serait évidemment rien sans ces vestales nues, les yeux en amande, portant une lampe à pétrole, silencieuses et taciturnes à la façon des héroïnes de Maeterlinck, sans ces squelettes comico-tragiques dont l’humanité et le pathos explosent même dénués de chair (Delvaux n’a pas son pareil pour nous rappeler la triste finalité de la condition humaine), sans ces villes antiques dont les temples, les agoras et les propylées, vigoureusement plantés dans le décor, doivent beaucoup dans la pertinence de leur représentation à une année d’études en faculté d’architecture, rachetant, par la qualité de leur dessin, la pauvreté et la faiblesse de ses nus et portraits.

Delvaux ne serait pas Delvaux non plus sans les merveilleuses mécaniques de trams ou de trains dépeints avec une précision photographique, unique concession à la modernité alors qu’aujourd’hui ces véhicules confèrent une aura nostalgique et ‘vintage’ à son œuvre, dans une atmosphère ingénue qui n’est pas sans rappeler le courant de l’art naïf. Un examen détaillé des tableaux montrent aussi la récurrence d’objets ou de personnages (le miroir, le journal, l’homme en costume sombre) et le dédoublement régulier d’éléments au sein d’une même représentation (les sept vestales habillées à l’avant-plan d’une toile, que l’on retrouve nues, et de plus petite taille, dans la partie droite de l’œuvre) comme si, héritage probable du symbolisme oblige, une réalité du monde peut en cacher une autre…

Tous ces thèmes et ces procédés forment au final l’essence même de la mythologie onirique de Paul Delvaux, artiste qui n’a pas fini de nous dévoiler ses parts d’ombre et de mystère et qui mérite au final cette incontournable rétrospective, à voir jusqu’au 16 mars 2025.

Stéphane DADO

Cliquez sur l’image…

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : en-tête, DELVAUX Paul, La gare forestière (1960), photos de Stéphane Dado © Fondation Paul Delvaux.


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ANDERSSON : Work (s.d., Artothèque, Lg)

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ANDERSSON Max, Work

(sérigraphie, 82 x 62 cm, s.d.)

Max ANDERSSON est né en 1962 en Suède. Il étudie la conception graphique à Stockholm entre 1982 et 1984, puis suit des cours de cinéma à l’université de New York. Après avoir dirigé de nombreux courts-métrages, il se tourne vers la bande dessinée à la fin des années 80. Ses travaux sont publiés dans de nombreuses revues européennes (en France dans Lapin et Hopital Brut) et japonaises. En France, L’Association édite deux albums : “Pixy” (1997) et “La Mort & Cie” (1998). Max Andersson vit et travaille aujourd’hui à Berlin. (d’après BEDETHEQUE.COM)

Cette sérigraphie représente le personnage de Lamort, héros du livre Lamort et cie” (Editions L’Association, 1998), recueil d’histoires courtes partiellement parues en Suède dans l’album Vakuumneger” et aux Etats-Unis dans le comic-book Zero-Zero” (Fantagraphics).

Le travail d’Andersson est principalement en noir et blanc, ici rehaussé de touches rouges. Son graphisme est puissant et son humour grinçant et radical.

Il existe une longue tradition d’humour noir en Suède et je me vois comme un chaînon de cette tradition.” (M. Andersson)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Max Andersson ; filmform.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

DELVAUX, Paul (1897-1994)

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[GALERIE-INSTITUT.COM] Né en 1897 à Antheit en Belgique, Paul Delvaux reçoit une éducation bourgeoise vécue comme un carcan. Il étudie l’architecture à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, orientation qu’il abandonne après un an. Il revient à l’Académie en 1919 dans l’atelier de Constant Montald professeur de peinture décorative et monumentale.

Après les années d’apprentissage et de recherche de soi, traversées par l’influence de grandes tendances telles que le post-impressionnisme et l’expressionnisme très marqué par James Ensor, plusieurs inspirations rencontrées dans la première moitié des années trente conduisent Delvaux vers l’élaboration de son univers.

DELVAUX Paul, Femmes devant la mer (1927) © Fondation Paul Delvaux

Le musée Spitzner, musée anatomique et forain, sorte de cabinet de curiosité, découvert en 1932, lui révèle une “Poésie du Mystère et de l’Inquiétude.” Au printemps 1934, l’exposition Minotaure organisée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles par Albert Skira (créateur avec Tériade en 1932 de la revue parisienne homonyme) et Edouard-Léon-Théodore Mesens (l’un des fondateurs du surréalisme en Belgique) constitue un autre moment décisif dans l’œuvre de Delvaux. Dans l’exposition, Mystère et mélancolie d’une rue de Giorgio de Chirico, 1914 (collection privée), le marque profondément. Des sentiments semblables de mélancolie, de silence, et d’absence, sinon de vide – malgré la présence de personnages –, se retrouvent dans sa peinture. L’œuvre du peintre lui “enseigne la poésie de la Solitude.” A ces deux découvertes majeures s’ajoute la peinture de son compatriote René Magritte, surréaliste depuis près de dix ans. Sa peinture partage avec celle de Magritte une forme de mystère poétique ainsi qu’une facture lisse et une attention très soignée aux détails.

A la fin des années trente, les fondements de l’œuvre de Delvaux telle que nous la connaissons, profondément onirique, sont établis. Le peintre orchestre des rencontres insolites d’objets dans des atmosphères figées et silencieuses, peuplées de figures absentes les unes aux autres. Le monde de rêverie poétique de Delvaux présente des analogies évidentes avec le surréalisme. L’artiste participe en 1938 à l’Exposition internationale du surréalisme organisée par Breton et Paul Eluard à la galerie des Beaux-Arts à Paris, avec Propositions diurnes (La Femme au miroir) peint en 1937 (Boston, Museum of Fine Arts). La même année, L’Appel de la nuit, 1938 (Édimbourg, National Galleries of Scotland) est reproduite dans Le Dictionnaire abrégé du surréalisme.

Deux années de suite Delvaux voyage en Italie. Il visite Rome, Florence, Naples, Pompéi et Herculanum. Des décors d’architecture antique s’imposent de plus en plus dans sa peinture, sans doute influencés par la peinture italienne. Son œuvre est fortement nourrie d’histoire de l’art de l’Antiquité à ses contemporains en passant par la Renaissance italienne et nordique, l’École de Fontainebleau, Poussin, Ingres, etc. On y reconnait une figure, un geste, une attitude, les architectures en perspective très construites.

Les principaux thèmes autour desquels s’articule son travail sont également quasiment fixés à la fin des années trente. Le motif des gares plongées dans un climat de mystère, les éléments d’architecture classique, la femme, nue ou partiellement vêtue, fil rouge de tout son œuvre.

Delvaux a fait de l’univers l’empire d’une femme toujours la même qui règne sur les grands faubourgs du cœur, où les vieux moulins de Flandre font tourner un collier de perles dans une lumière de minerai” écrit André Breton en 1941 [Genèse et perspective du surréalisme, 1941]. L’artiste confie quant à lui “c’est toujours la même femme qui revient avec, quand elle est habillée, la même robe ou à peu près. Quand elle est nue, j’ai un modèle qui me donne plus ou moins la même anatomie. La question n’est pas de changer [les éléments], la question est de changer le climat du tableau. Même avec des personnages qui sont les mêmes on peut faire des choses tout à fait différentes.”

DELVAUX Paul, La Mise au tombeau (1953) © Fondation Paul Delvaux

Quant aux hommes, ils sont à peu près toujours représentés par la même figure masculine, du moins lorsque ce n’est pas l’artiste lui-même. L’homme est vêtu de couleurs sombres, le plus souvent affairé. Il incarne pour Delvaux “l’homme de la rue“, c’est-à-dire “un petit bonhomme avec un menton en galoche et un grand chapeau boule assez volumineux” – l’on pense bien sûr à Magritte. Deux personnages masculins extraits des illustrations des Voyages extraordinaires de Jules Verne, aux éditions Hetzel, imprègnent son œuvre : le géologue Otto Lidenbrock et l’astronome Palmyrin Rosette. On retrouve Otto Lidenbrock dans Les Phases de la lune 1939 (New York, MoMA). Enfin, les squelettes, sont un autre motif récurrent. Ils apparaissent un peu plus tardivement. L’artiste en dessine d’après nature au musée d’Histoire naturelle en 1940. Surtout armatures de l’être vivant, les squelettes sont pour lui des personnages expressifs et vivants. Il les représente à contre-courant, dans la vie, dans des situations du quotidien, dans un bureau, un salon, etc.

Après la guerre les expositions collectives et personnelles ainsi que les grandes rétrospectives en Belgique et à l’étranger se multiplient. L’œuvre de Delvaux commence à conquérir les Etats-Unis. Jusqu’aux milieu des années soixante, la réception de son œuvre est cependant mitigée. Ses envois à la Biennale de Venise sont régulièrement fustigés pour leur immoralité et leur caractère scandaleux. Sa rétrospective au Stedelijk Museum voor Schone Kusten d’Ostende en 1962 crée de nouveau un scandale : elle est sanctionnée d’interdit aux mineurs.

En 1950, Delvaux est nommé professeur de peinture monumentale à l’École nationale supérieure des arts visuels de Bruxelles (La Cambre) où il enseigne jusqu’en 1962. Sa première expérience de décoration date de quelques années antérieures, avec le décor du ballet Adame Miroir de Jean Genet, créé le 31 mai 1948 sur la scène du Théâtre Marigny à Paris. Son poste de professeur à La Cambre favorise indubitablement la multiplication des commandes de décorations, qui vont se prolonger bien au-delà de ses années d’enseignement : la salle de jeux du Kursaal d’Ostende (1952), la maison Gilbert Périer, directeur de la Sabena à Bruxelles (1954-1956), le Palais des congrès de Bruxelles (1959), l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège (1960), le Casino de Chaudfontaine (1974), les costumes du ballet de Roland Petit, La Nuit transfigurée (1976), la station de métro Bourse de Bruxelles (1978).

DELVAUX Paul, La Fin du voyage (1968) © Fondation Paul Delvaux

L’œuvre de Delvaux atteint la reconnaissance et la consécration dans les années soixante, qui ont pour toile de fond les révolutions culturelles et les mouvements de libération. En parallèle des rétrospectives à Lille, Paris, Bruxelles et des grandes expositions autour du surréalisme auxquelles il participe, il accumule les nominations et les récompenses prestigieuses jusqu’à la fin des années soixante-dix, en particulier des institutions royales de Belgique.

En France, il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en 1975 et en 1977 devient membre de l’Institut de France. 1979 voit la création de la Fondation Paul Delvaux, dont l’un des objectifs est la constitution d’un musée à Saint-Idesbald à l’initiative de son neveu Charles Van Deun. Le musée Paul Delvaux est officiellement inauguré en 1982. A plus de quatre-vingt ans l’artiste continue de peindre.

A la mort de sa femme, Tam (Anne-Marie de Maertelaere), le 21 décembre 1989, Delvaux cesse son activité. Le célèbre Salon des Indépendants, à Paris, lui consacre en 1991 une rétrospective Paul Delvaux Peintures-Dessins 1922-1982. Son quatre-vingt-dixième anniversaire est célébré par des expositions en Belgique, en France et au Japon. Il meurt dans sa maison de Furnes en Belgique le 20 juillet 1994.

Anne Coron


Ne m’oublie pas… Où l’on voit une ombre du passé rôder dans des tableaux.

[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR] 1929. Paul Delvaux, jeune figure de la peinture belge, rencontre une certaine Anne-Marie de Martelaere, dite Tam. Par chance, c’est un coup de foudre réciproque ! Hélas, leurs proches ne voient pas cette union d’un bon œil. La mère autoritaire de Paul s’y oppose, tandis que les parents de Tam ne veulent pas d’un peintre au succès timide et à la fortune incertaine. La mort dans l’âme, Paul promet de ne plus revoir Tam. De cet épisode malheureux, l’artiste garde un goût amer…

Portrait de Paul Delvaux, vers 1940 © DR

Côté carrière cependant, l’artiste progresse. En 1934, alors que Paul Delvaux cherche son style, c’est la révélation : il vit un choc esthétique face aux œuvres de Giorgio De Chirico. Sa voie sera celle du surréalisme, un mouvement qui explore l’inconscient et les rêves. Dans ses toiles, Delvaux compose alors un univers peuplé d’éléments récurrents liés à ses obsessions : des gares, des squelettes, de mystérieux personnages masculins parfois tirés de romans de Jules Verne, et surtout des femmes. Tantôt nues, tantôt vêtues de longues robes, ces figures évanescentes et inaccessibles ne croisent jamais le regard des autres. Peut-être symbolisent-elles Tam, l’amour perdu de Paul ?

Je voudrais peindre un tableau fabuleux dans lequel je vivrais, dans lequel je pourrais vivre.

Paul Delvaux

C’est en tout cas ce style mélancolique, empreint d’une douce étrangeté, qui fait le succès de ses toiles. Delvaux vit sa consécration sans jamais oublier Tam, qui lui manque toujours malgré le temps qui passe. Mais le hasard fait parfois bien les choses…. À l’été 1948, alors qu’il passe ses vacances sur la côte belge, Paul Delvaux reconnaît une voix familière dans une librairie. C’est celle de Tam ! Désormais gouvernante, elle ne s’est jamais mariée. Paul n’hésite pas : il décide cette fois de n’écouter que son cœur et d’enfin vivre aux côtés de son grand amour, rencontré vingt ans plus tôt. Et lorsque Tam s’éteindra, après de belles et longues années en commun, Paul posera définitivement ses pinceaux…


2024 – Ceci n’est pas une pipe, mais bien un anniversaire : joyeux anniversaire le surréalisme ! Il y a cent ans, en 1924, André Breton publiait le Manifeste de ce mouvement d’avant-garde qui a inspiré écrivains et artistes de tout poil en France comme ailleurs… et notamment chez de proches voisins… la Belgique a aussi joué un rôle majeur dans son histoire, avec des créateurs géniaux comme René Magritte, Paul Delvaux mais aussi Jane Graverol et Raoul Ubac. [NEWSLETTERS.ARTIPS.FR]

Pour en savoir plus :

      • Les mondes de Paul Delvaux est une exposition rétrospective tenue à Liège (BE) en 2024-2025 ;
      • Le Surréalisme en 3 minutes sur beauxarts.com ;
      • La FONDATION PAUL DELVAUX créée en 1979 veille aux intérêts de l’artiste selon les désirs formulés par le peintre lui-même, qui lui légua ses Collections, ses Archives et la gestion de ses Droits d’auteurs. Elle participe à une meilleure connaissance de l’oeuvre et, à ce titre, elle mène un travail de recherche et elle initie ou participe à des projets destinés à tous les publics tant en Belgique qu’à l’étranger…

[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : galerie-institut.com ; artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © Fondation Paul Delvaux ; © DR ; © oniriq.fr ; © delvaux.com ; © france.tv.


Plus d’arts visuels en Wallonie…

BASCOUL : Matin (2024, Artothèque, Lg)

Temps de lecture : 2 minutes >

BASCOUL Hélène, Matin

(eau-forte et aquatinte, n.c., 2024)

Née à Nancy en 1969, Hélène BASCOUL a grandi à Paris et vit aujourd’hui à Brest. Elle a obtenu une licence d’Arts-Plastiques à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne en 1993. En 2006, elle passe le BAFA (encadrements enfants/ados) avec une spécialisation Arts-Plastiques.

En 2013, elle crée l’association La Pince : animations d’ateliers de Gravure, Arts-plastiques et d’Art-Thérapie appliqué pour tout public. Formée en Art-Thérapie appliquée en 2017, elle anime des ateliers pour publics fragilisés. Elle reste 10 ans au sein de cette association, puis anime aujourd’hui des ateliers de gravure en taille douce à l’Atelier papier. Elle participe à de nombreuses expositions collectives.

L’aquatinte est la technique de prédilection de l’artiste et ses œuvres font la part belle aux jeux d’ombres et de lumières, du visible et de l’invisible…

“Mes gravures parlent d’expériences personnelles et de la vie quotidienne. J’y montre des lieux habités, des visages, portraits, la fragilité du présent. Parler du quotidien signifie également que je vis proche des rêves ou de l’espace de l’inconscient, avec ce que cela a à voir avec l’intimité, le ressenti, les émotions. La vie inconsciente, les temps mêlés et emmêlés, font figure de poésie. Les jeux de mots aussi ou les jeux d’enfant, du passé et du présent. Ainsi j’aime trouver de la poésie dans le quotidien […] “

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque B3 | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Hélène Bascoul ; actu.fr | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

RASSENFOSSE, Armand (1862–1934) et SERRURIER-BOVY, Gustave (1858-1910)

Temps de lecture : 32 minutes >

Transcription du catalogue de l’exposition au Musée de l’Ancienne Abbaye de Stavelot (20 juin – 20 septembre 1975) et au Service provincial des Affaires culturelles de Liège (30 septembre – 25 octobre 1975) sous les auspices du Ministère de la Culture française et du Service provincial des Affaires culturelles de Liège. L’intégralité du catalogue (et ses illustrations) est téléchargeable dans documenta.wallonica.org

COMITÉ DE PATRONAGE

Messieurs Fr. Van Aal, Ministre de la Culture francaise ; G. Mottard, Gouverneur de la Province ·de Liège ; M. Laruelle, Député permanent ; E. Moureau, Député permanent ; G. Bassleer, Député permanent ; J. Remiche, Administrateur général de la Culture française ; Ph. Roberts-Jones, Conservateur en Chef des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique ; M. Witteck, Conservateur en Chef de la Bibliothèque Royale de Belgique ; J. Stiennon, Président de la Société Royale des Beaux-Arts de Liège ; J. Hendrickx, Conservateur du Musée des Beaux-Arts et de l’Art Wallon de Liège ; J. Moxhet, Bourgmestre de la Ville de Stavelot.

COMITÉ ORGANISATEUR

Mademoiselle Cl. de Rassenfosse ; Messieurs L. Lebeer, ; J. Charlier, Directeur des Affaires culturelles de la Province de Liège ; Th. Galle, Conservateur du Musée de l’Ancienne Abbaye de Stavelot ; R. Léonard, Conseiller au Ministère de la Culture francaise ; J. Parisse, critique d’art ; J.-G. Watelet, historien.

Les organisateurs remercient

      • le Ministère de la Culture francaise et la Direction des Affaires culturellles de la Province de Liège pour leur collaboration importante,
      • la Bibliothèque Royale de Belgique (numéros 66, 78, 79, 80, 86, 87, 89, 90, 91 , 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101 , 102, 103, 105,106,107, 108,121),
      • les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (n° 8),
      • le Musée des Beaux-Arts et de l’Art Wallon de Liège (numéros 13, 14, 36 bis),
      • le Service des Collections artistiques de l’Université de Liège (numéros 45, 55, 56, 112 bis),
      • la S.A. Imprimerie et journal “La Meuse” à Liège (n° 132),
      • Mesdames S. Anspach (numéros 19, 71) ; L. Dubru (n° 104bis) ; L. de Rassenfosse (numéros 6, 7, 16, 18, 22, 32, 33, 34, 46, 48, 51, 58, 61, 62, 63, 65, 67, 74, 75, 76, 88, 121, 129) ; Fr. Stiennon-de Neuville (numéros 2, 3, 4, 49) ; R. Waaub (n° 57) ; Mesdemoiselles Cl. de Rassenfosse (numéros 10, 11, 12, 15, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 35, 37, 38, 39, 40, 44, 47, 50, 53, 60, 64, 68, 72, 73, 77, 82, 83, 84, 85, 109, 110, 113, 114, 115) ; A. Humblet (n° 36) ; Monsieur et Madame R. Soyeur-Delvoye (numéros 116, 117, 118, 119, 120, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 130, 131) ; Messieurs G. Comhaire (n° 70) ; R. Crespin (n° 69) ; J. Donnay (n° 24) ; A. Glesener (numéros 17, 21) ; M. et Mme P .-Fr. Mathieu ( n° 1) ; L. Ortmans ( numéros 81, 111, 112) ; J. Stiennon (numéros 5, 41, 42, 43) ; G. Thiry (numéros 9, 20, 52, 54, 59) ; pour les prêts généreux consentis.

L’affiche de l’exposition a été aimablement réalisée par P.-Fr. Mathieu. La section relative à G. Serrurier-Bovy a été conçue par MM. Watelet et Soyeur. Le Musée de l’Ancienne Abbaye leur exprime ses vifs remerciements.

Maquette : Benno.
Photos : B. Galle.
Imprimerie : Chauveheid – Stavelot.

AVANT-PROPOS

Le milieu du XIXème siècle voit le renouveau de l’école artistique liégeoise. Nous nous trouvons devant une pléiade de grands noms : Adrien de Witte, François Maréchal, Auguste Donnay, Emile Berchmans, Armand Rassenfosse

Tous s’essayent à différentes techniques : ils gravent, peignent, illustrent, créent des affiches, travaillent en étroite collaboration avec les meilleurs écrivains, forment des cercles artistiques. Ils établissent à Liège un climat propice à l’élaboration de grands travaux et à l’innovation. L’Académie compte de grands artistes parmi ses maîtres et ses élèves. Rops et Rassenfosse trouvent une technique nouvelle en gravure, un vernis mou appelé le Ropsenfosse.

Malheureusement, aujourd’hui, ces grands talents sont un peu oubliés, trop de noms venus de l’étranger avec leur publicité tapageuse ont submergé le patrimoine artistique local.

Nous devons au Musée de l’ancienne abbaye de Stavelot et à son dynamique conservateur Monsieur Théo Galle d’avoir mis en valeur deux de ces grands artistes.

Musée de l’ancienne abbaye de Stavelot © Connaître la Wallonie

L’été dernier, en effet, nous avons pu apprécier à Stavelot le génie de Félicien Rops, sa vive imagination, son inspiration variée. Continuant sur cette lancée, nous assistons cette année à un brillant hommage à Armand Rassenfosse, hommage auquel est associé Serrurier-Bovy, précurseur du mobilier et de l’architecture 1900.

Rassenfosse, cet incomparable peintre de la femme, ce merveilleux illustrateur et affichiste, ce grand graveur, nous est présenté ici dans toute sa splendeur décorant avec harmonie les ensembles mobiliers de Serrurier-Bovy.

Ces oeuvres nous paraissent d’une étrange actualité à l’heure du modern style, de ses arabesques harmonieuses, de ses coloris vifs et du flou de ses tissus.

Il était donc grand temps de célébrer ces deux grands artistes de chez nous qui ne sont pas toujours estimés à leur juste valeur et nous devons féliciter M. Théo Galle de cette heureuse initiative et de la possibilité qu’il nous offre de présenter ensuite cette exposition à Liège, terre natale de Rassenfosse et de Serrurier-Bovy.

M. LARUELLE, Député Permanent

A PROPOS D’ARMAND RASSENFOSSE

Au moment où se prépare l’exposition des oeuvres d’Armand RASSENFOSSE, mes souvenirs ressurgissent, évoquant une époque datant d’un demi-siècle.

Il y a 50 ans, je connaissais cet éminent artiste, habile dessinateur, graveur exceptionnel, ami de Félicien ROPS. avec qui il rechercha et trouva une nouvelle formule de vernis qu’on appela le ROPSENFOSSE.

C’était aussi le peintre de la femme, aux nus si purs et si chastes. C’était encore un maître à qui la Société des Bibliophiles de Paris avait commandé l’illustration des Fleurs du Mal de Baudelaire. C’était le grand nom qui apportait son talent à l’imprimerie BENARD, de réputation internationale dans le monde de l’affiche et de l’illustration.

Il était contemporain d’Emile BERCHMANS, d’Adrien DE WITTE, d’Auguste DONNAY, de François MARECHAL, de Georges KOISTER : une belle équipe qui fit grand honneur à la Cité Ardente où Auguste BENARD et Paul JASPAR jouèrent aussi un rôle important.

Je fus mis en contact avec RASSENFOSSE. A l’initiative de son Président, le Député permanent Gilles GERARD, un ancien chef d’atelier d’imprimerie, la Commission spéciale de l’Education populaire proposa à la Députation permanente l’édition de gravures susceptibles d’embellir les foyers de nos travailleurs. La Maison BENARD fut chargée de ce travail et c’est avec Armand RASSENFOSSE, à qui l’idée souriait beaucoup et qui apportait l’autorité de son jugement, qu’on allait traiter et qu’allaient se nouer de bien agréables relations.

On commença par reproduire les deux tableaux de DELPEREE : La Paix de Fexhe et la Remise du Perron par Marie de Bourgogne qui ornent l’escalier d’honneur du Palais provincial : c’était l’hommage à la Démocratie. L’année suivante, ce fut dans l’oeuvre même du Maître qu’on choisit cette Ouvrière du Charbonnage et cette Marchande de Beurre, évocatrices du petit peuple de chez nous. Puis, pour une troisième année, sur la suggestion de RASSENFOSSE, on édita deux dessins rehaussés de Paul JASPAR qui évoquaient un “site retrouvé” qui restituait aux Liégeois le Mont St-Martin jusqu’alors dissimulé par les grands arbres du Boulevard de la Sauvenière. Ce fut la fin d’une série intéressante.

Bientôt cependant, nous allions retrouver RASSENFOSSE. Il nous confia un splendide dessin : Maternité, qui allait marquer le début d’une édition annuelle justifiée par la célébration de la Fête des mères. La parution de cette oeuvre fut saluée avec enthousiasme et devait justifier la continuation de cette initiative qui assura la diffusion, par dizaines de milliers, de gravures reproduisant l’oeuvre de nos meilleurs artistes. Le nom de RASSENFOSSE est lié à cette initiative à laquelle il porta intérêt jusqu’à son heure dernière. Après sa mort on n’en continue pas moins à célébrer la fête des mères et la Province de Liège demeura ainsi fidèle au souvenir de celui qui lui avait apporté sa précieuse collaboration.

Personnellement, j’ai conservé vivace le souvenir de cet homme charmant avec qui on savait parler de choses relevant du domaine de l’art. On était loin des soucis de la vie matérielle ; seule la Beauté illuminait ces instants que nous revivons avec plaisir dans le cadre de la rétrospective. Et nous revoyons cet homme affable, affectueux, qui donna aux jeunes artistes tant de preuves de sa bienveillance et de sa bonté.

F. CHARLIER

Stavelot, vieille cité romane aux confins du monde germanique, peut s’enorgueillir de porter témoignage de plus de treize siècles d’action civilisatrice et d’innervations culturelles diffusées jadis au coeur des forêts d’Ardenne. L’offensive des hordes hitlériennes au cours des mois de décembre 1944 et de janvier 1945 a dévasté la petite ville wallonne qu’elle laissait douloureuse et défigurée.

Habitué depuis toujours à lutter pour vivre et pour survivre, l’Ardennais ne s’abandonne jamais au désespoir. La conjonction des efforts de tous, l’impulsion et le dynamisme d’un bourgmestre, Stavelotain de fraîche date, mais qui s’était donné tout entier à sa ville d’adoption, eurent raison de toutes les difficultés et de tous les obstacles. Les plaies furent pansées et Stavelot retrouva rapidement son visage accueillant et sa douceur de vivre.

Bien plus, la pugnacité et le dynamisme de certains de ses enfants maîtrisèrent les obstacles innombrables et contribuèrent à rendre à la ville quelque chose de ce rayonnement culturel qui avait marqué son glorieux passé. Qu’il me soit permis de rendre un particulier hommage à deux personnalités stavelotaines qui, parce qu’elles ont cru et qu’elles croient aux valeurs de l’esprit, qui justifient les niveaux de civilisation, ont contribué et contribuent au renom de leur petite cité : Raymond Micha, Directeur du Festival international de Musique de chambre et sa merveilleuse équipe, Théo Galle et ses collaborateurs. Alors que la ville reconstruisait ses quartiers dévastés, Théo Galle a pris conscience des possibilités qu’offraient les dépendances délabrées et inadéquatement employées de l’Ancienne Abbaye. Avec cette foi qui soulève les montagnes, il s’est attaqué aux difficultés qui ne manquaient certes pas ; il les a surmontées les unes après les autres. Des moyens financiers étaient nécessaires ; il les a trouvés. La conjonction de ses efforts et la collaboration du Ministère de l’Education nationale et de la Culture ont permis la réalisation du Musée de l’Ancienne Abbaye, appelé en un premier temps à héberger un musée de la Tannerie créé de toute pièce tandis que les agrandissements ultérieurs apportaient à la ville une infrastructure remarquable pour la réalisation d’expositions temporaires. Mais Théo Galle n’avait pas attendu que les aménagements fussent terminés pour présenter au public stavelotain et aux nombreux touristes des expositions de qualité. Dès 1961, deux salles proposaient aux visiteurs un excellent panorama de l’art belge contemporain tandis que quelque vingt sculptures occupaient les pelouses de l’ancienne abbaye.

Que de manifestations de haute qualité se sont succédé depuis cette année. Faut-il rappeler, parmi beaucoup d’autres, les expositions consacrées au Paysage dans l’art belge, au Fauvisme brabançon, à l’Aquarelle et la gouache depuis Rik Wouters, aux Trésors des anciennes abbayes de Stavelot et de Malmedy, aux Arts plastiques et la Musique, la rétrospective William Degouve de Nuncques ?

Après avoir présenté, il n’y a guère, deux grands graveurs de l’Ecole liégeoise d’aujourd’hui, Jean DONNAY et Georges COMHAIRE, c’est à un autre grand maître de l’Ecole liégeoise de gravure qu’est consacrée la présente exposition : Armand Rassenfosse, tout à la fois élève d’Adrien de Witte et disciple d’un autre grand maître wallon, Félicien Rops. Il faut savoir grand gré à Théo Galle et à son ami Jacques Parisse qui, depuis plusieurs années, collabore régulièrement avec lui, d’avoir réservé les cimaises du musée à un ensemble d’oeuvres de ce maître liégeois très remarquables par leur qualité et par leur diversité. Rassenfosse est un artiste trop peu connu, notamment des jeunes générations.

Cela résulte dans une très large mesure du fait que ces oeuvres groupées ne sont pas présentées au public. D’autres, plus qualifiés que moi, diront dans ce catalogue qui est Rassenfosse, situeront et analyseront son talent. L’éminente compétence du Professeur Lebeer qui a accepté de présenter l’artiste et son oeuvre vaudra aux visiteurs un guide éclairé et sûr et fera de ce catalogue un instrument de travail qui constituera un ouvrage de références et un souvenir durable de cette exposition lorsqu’elle aura fermé ses portes.

Jean REMICHE, Administrateur général des Affaires culturelles

ARMAND RASSENFOSSE…

…naquit à Liège le 6 août 1862 et non le 6 avril 1862 comme on le répète dans toutes ses biographies. Il y décéda le 28 janvier 1934. Il appartient à la lignée des hommes de science et d’esprit, écrivains et artistes profondément attachés à leur pays natal, mais les regards ouverts à tout ce qui les rapprochait de cette latinité française dont ils sont marqués et dans laquelle ils se sentaient appelés à intégrer leurs plus intimes volontés au-delà des frontières de leur terroir.

Né dans une famille où l’intellectualité finit par l’emporter sur une entreprise commerciale, par ailleurs axée sur des objets de luxe choisis avec un goût des plus distingué, le jeune Armand se vit tout naturellement inscrire pour “faire” ses humanités classiques au collège St-Servais de Liège. S’il pratiquait simultanément le piano et le chant – ses intimes se souviennent de leur surprise de l’entendre plus tard jouer, voire improviser sur le grand harmonium qui jusqu’à ce jour reste conservé pieusement dans le hall d’entrée de sa maison de la rue de Saint-Gilles – il s’y fit non moins remarquer déjà par ses dons innés de dessinateur.

Ses études moyennes terminées, son père crut le moment venu pour l’associer à son commerce. Certes, il ne l’empêcha guère de s’intéresser aux choses de l’art, d’être un fervent lecteur des écrivains en vogue à ce moment : Théophile Gautier, Théodore de Banville, Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine et bientôt, des animateurs de “La Jeune Belgique” qui l’attachèrent à Emile Verhaeren , Albert Mockel, Hubert Krains, Jules Desirée et bien d’autres. Romantiques, Parnassiens, Symbolistes, défenseurs de l’art pour l’art, il s’en nourrissait, suivait leurs conflits et, comme eux, ne se privait guère de se faire entendre, avec la mesure que lui dictaient à la fois son éducation et sa conscience de ce qu’il avait à apprendre, dans les milieux qui voulaient endoctriner l’art selon leurs velléités respectives.

Féru d’estampes, les eaux-fortes de Félicien Rops devaient le séduire particulièrement. Aussi entreprit-il – avait-il alors déjà vingt ans ? – de s’en constituer une collection. Il est aisé de s’imaginer ce que signifièrent pour lui les voyages à Paris dont il fut chargé pour les affaires paternelles : il en profita pour s’approcher des milieux littéraires et artistiques qui l’exaltaient. Par ailleurs, il ne cessa de manifester de plus en plus son goût pour le dessin et simultanément ses curiosités pour l’art de l’eau-forte. Il se plaisait à raconter que s’étant procuré, avec un vieux petit traité d’eau-forte, quelques outils de graveur élémentaires, il se livrait à ses premiers essais dans un art dont il devait devenir un des grands maîtres. Il se fit ainsi qu’il éveilla l’attention d’Adrien De Witte, peintre-graveur qui à cette époque jouissait d’une grande notoriété à Liège. Ami assidu de la famille de Rassenfosse, celui-ci ne manqua guère de s’intéresser aux dessins progressivement mieux venus du jeune Armand, ainsi qu’à ses tout premiers pas dans l’art de l’eau-forte et de le favoriser de ses conseils. Profitant d’un de ses passages à Paris – ce fut en 1886 – le dessinateur et aquafortiste en herbe, s’enhardit jusqu’à aller sonner à la porte de l’atelier de Félicien Rops, rue de Grammont. Il y fut accueilli, d’abord avec une certaine surprise, mais presque aussitôt comme il n’avait osé l’espérer. Jamais contact ne fut plus décisif, plus productif, plus durable. Leur vie durant, le maître et son jeune admirateur restèrent fidèles à ce qu’ils savaient se devoir l’un à l’autre.

L’intérêt que porta Adrien De Witte à Armand Rassenfosse et la collaboration continue de celui-ci avec Félicien Rops, le fait aussi que ces trois artistes eurent pour thème d’inspiration – combien différent cependant – ce qu’on se plaît à appeler l’éternel féminin, eurent pour effet de faire passer et de continuer encore à faire passer le cadet pour l’élève de ses deux aînés. Ainsi que le révéla Gustave Van Zype dans sa biographie d’Armand Rassenfosse publiée dans l’Annuaire de l’Académie royale de Belgique en 1936, c’est une légèreté qui valut à l’illustrateur des Fleurs du Mal une déception dont il a souffert dans son for intérieur sans pour autant jamais la manifester. Seuls quelques rares intimes ont pu la deviner en écoutant ses délicates confidences à l’égard de ceux dont il ne trahit en aucune circonstance l’amitié qu’il tenait pour un de ses précieux joyaux de vie.

A vrai dire et strictement, Armand Rassenfosse n’eut jamais de maître et ne fut jamais amené, non plus, à se faire recevoir à l’Académie des Beaux-Arts de Liège dont pour autant il ne méconnaissait guère le haut niveau d’enseignement et dont il tenait les professeurs en parfaite estime. Alors, pendant qu’il attendait le moment où il pourrait se dégager du négoce auquel son père l’avait associé, tous ses moments de loisir, il les mit à profit pour se former lui-même selon ses volontés : maîtriser les moyens techniques qu’appelle un art qui, dans sa probité, son honnêteté et ses spontanéités, dans sa fidélité au simple prestige de la forme contemplée s’explique par la sensibilité délicate et la culture raffinée dont vivait tout entier son créateur. Ses innovations techniques eurent pour principal objet de le mettre en mesure de créer des dessins, des eaux-fortes et des peintures, progressivement plus conformes aux vérités de ses visions de beauté.

Si, quant à cela, il ne se laissa pas guider par les orientations d’ordre esthétique, littéraire, voire spirituel en pleine gestation à cette époque et dont, par ailleurs, il n’ignorait rien, c’était, à n’en point douter, parce que, de nature, il se sentait foncièrement séduit par ce que la vie lui donnait à simplement observer autour de lui, particulièrement par celle de la femme qu’il admirait – qu’il aimait – telle qu’elle le charmait et l’émouvait dans ses intimes coquetteries de toilette, dans ses humbles besognes de repasseuses et de tricoteuses, dans ses frustes apparences d’hiercheuses parfois le buste dénudé, dans ses tendresses maternelles et finalement telle qu’elle l’émerveillait dans ses formes purement naturelles.

A partir de ce qu ‘il y avait de local et de temporel – d’accidentel – dans ses rencontres avec la femme qui devait devenir le thème diversement inspirateur de ses créations et qui atteste ses attachements profonds à sa terre wallonne et à sa ville natale, il fut amené à découvrir et à révéler selon ses visions la vérité universelle et intemporelle de la beauté qu’il admirait dans la femme avec des élans toujours renouvelés.

Ainsi devait s’affirmer sa personnalité foncière qui le distançait de ceux dont on a voulu le faire passer pour l’élève. Ce n’est que sporadiquement, dans quelques-unes des eaux-fortes de ses débuts, dans ses illustrations d’oeuvres littéraires de l’époque, dans des inventions restées à l’état de croquis aussi, qu’on peut retrouver des traces de ce symbolisme, de ce satanisme et de cet érotisme qui rendirent célèbres les eaux-fortes, dessins et aquarelles de Félicien Rops, par ailleurs – et soit dit en passant – un artiste, qui à ses heures de délassement produisit des peintures de paysages et de marines, enlevées “sur le motif”, comme l’écrivit Paul Haesaert, et qui soutiennent la comparaison avec celles d’un Dubois ou d’un Artan .

Ce fut vers 1890 que son père, ayant appris à connaître Auguste Bénard – une des rencontres de son jeune fils à Paris – mit les deux chercheurs d’une carrière selon leurs rêves, en mesure de fonder une imprimerie et maison d’édition dont allaient sortir des livres, des affiches et autres productions typographiques hautement appréciés en France comme en Belgique. Bénard s’occupant de l’installation, gestion et développement de l’entreprise selon toutes les exigences et possibilités techniques et commerciales, Armand Rassenfosse s’occuperait avant tout d’assurer à la Maison le renom artistique qu’elle n’a pas manqué d’acquérir.

Voici, donc, Armand Rassenfosse parti pour se livrer avec toutes ses ferveurs, toutes ses volontés, tous ses talents à son art et par excellence à la création de ses estampes et à ses innovations techniques qui allaient le situer parmi les peintres-graveurs en vue à son époque. Le jour où l’on pourra publier ce que sa précieuse correspondance recèle sous ce rapport – surtout celle avec Félicien Rops – et où seront rendues accessibles les épreuves que ces deux amis échangèrent avec leurs remarques respectives, on pourra mesurer judicieusement ce que valurent à l’un comme à l’autre ces vernis dont ils élaborèrent conjointement, mais chacun selon leurs recherches respectives, la formule, et qui furent qualifiés ensemble – avec quelles intentions ? – le Ropsenfosse.

Indiciblement dommage qu’un coup du sort impitoyable n’ait pas permis à Armand Rassenfosse de continuer à raconter lui-même l’histoire de ces inventions techniques, comme seul il pouvait le faire et commença à le faire dans un article dont il confia la publication au premier numéro (1934) de la revue Le Livre et l’Estampe éditée par Roger Avermaete, Louis Lebeer, Joris Minne et Paul Van der Perre. Le titre de ce beau périodique in-4°, qui à la suite de malencontreuses complications de gestion, indépendantes de la bonne entente entre ses éditeurs et du succès qui lui était assuré, ne put connaître que quatre livraisons. Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler que ce titre fut jugé digne d’être repris par la Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique, pour sa revue, créée en 1954, alors que ladite Société prenait un nouvel essor sous la présidence clairvoyante et dévouée d’Auguste Lambiotte. Aussi bien est-ce dans ses livraisons n° 16 et 17 (1958) que M. Eugène Rouir, homme de science et iconophile averti, publia, en attendant qu’ il trouve l’occasion d’éditer le catalogue complet des oeuvres d’Armand Rassenfosse, son étude méthodiquement documentée : Armand Rassenfosse : notes sur sa vie et son oeuvre gravé. L’auteur y consigna les résultats de ses recherches concernant les inventions techniques qui firent d’Armand Rassenfosse cet artiste liégeois qui dès avant 1900 connut un accueil très encourageant à Paris. En effet, en 1892 déjà Pincebourde publia trois de ses estampes : Le Baiser du Porion, Le Joujou et L’appelle de la Faunesse. A partir de 1893 le jeune liégeois se fit remarquer par sa collaboration aux albums que publia régulièrement La Société des Aquafortistes belges, par les dessins que publièrent Le Courrier français et bientôt La Plume. En 1895, Pellet édita à Paris sa gravure La Belle Hollandaise et voici qu’en 1895, Félicien Rops ne se sentant pas disposé à entreprendre un aussi redoutable travail, proposa son jeune ami à E. Rodriguès, président de la Société des Cent Bibliophiles à Paris, pour illustrer Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, dont ladite Société avait conçu le projet de publier une édition bibliophilique illustrée. L’offre acceptée et l’accord conclu, Armand Rassenfosse se mit à l’oeuvre avec une ardeur à peine suffisante pour surmonter les difficultés et déconvenues qui l’attendaient. L’histoire des “pièces condamnées” est connue. Elle ne doit, certes, pas avoir réjoui le jeune artiste. elle ne le découragea point pour autant. Il trouva d’ailleurs l’occasion de les publier séparément – ces pièces condamnées – en 1903.

Comme il était captivant de l’entendre relater qu’étant donné le peu de temps – deux ans ! – qui lui fut accordé pour terminer un travail comportant une illustration en couleurs nécessitant selon les cas de 2 à 4 cuivres gravés pour chacun des 158 poèmes pour lesquels était prévu, de surcroît, un cul-de-lampe à exécuter en lithographie, les jours ne lui suffisant pas, il dut y consacrer aussi ses nuits. Encore n’aurait-il pas réussi à venir à bout de cette téméraire entreprise, s’il n’avait connu que les moyens techniques propres à l’eau-forte traditionnelle. Certes, il disposait déjà de vernis, d’acides, d’encres et de modes d’imprimer qu’il avait inventés pour créer des estampes avec une liberté, une spontanéité, une variété et une promptitude à peine inférieures à celles avec lesquelles il exécutait ses dessins. Toutefois, il était, sous ce rapport surtout, encore à ses années de début. Au point qu’au cours de ces deux années il fut amené non seulement à perfectionner ses innovations techniques déjà acquises mais aussi à développer ses facultés d’imagination créatrice et à faire obéir sa main à ce qu’exige un dessin qu’il tenait pour être, attentif en cela à la leçon de Monsieur Ingres, la probité de l’art.

© BnF

Commencé en 1895, le travail fut terminé, comme convenu, en deux ans et Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, illustré par Armand Rassenfosse, put être publié par la Société des Cent Bibliophiles à Paris en 1899.

Du coup le jeune graveur liégeois s’assura une place significative dans l’histoire du livre illustré français. Cela lui valut d’être sollicité d’illustrer d’autres livres – entre autres de Barbey d’Aurevilly, de Noël Ruet, d’Edmont Glesemer, d’Omer Englebert, de Claude Farrère – où il fit usage d’innovations créatrices progressivement acquises et adaptées à ses volontés : le vernis mou, l’aquatinte, la manière noire, souvent combinées entre elles et développées à partir d’un dessin de mise en page à l’encre au sucre, tous ces modes de nuancer et d’intensifier les noirs profonds avec des roulettes appropriées, d’y faire apparaître les révélations de la lumière par des blancs produits, soit au brunissoir ou au grattoir dans des fonds d’aquatinte, soit en les réservant avec des pâtes à couvrir. Il savait tout faire avec une virtuosité déconcertante, avec un goût sensible pour des modelés sans heurts ; il savait tout faire à partir d’un dessin sur papier reporté directement sur ses fines et brillantes plaques de cuivre ou d’aluminium que lui fournissaient les usines d’Ougrée Marihaye.

Il savait créer des estampes avec une aisance, avec une rapidité et une spontanéité égales à celles avec lesquelles il dessinait, quitte à les parfaire par après avec des outils qu’ il inventait et qu’il faisait fabriquer par des gens de métier, comme par exemple ces roulettes que lui fournissaient des armuriers particulièrement choisis. Il imprimait lui-même ses estampes sur la belle presse qui donnait à son atelier une allure de grand maître graveur. A côté d’elle pendait une étagère où étaient rangés les flacons de produits chimiques, de vernis et d’encres dont des étiquettes parfois à peine encore lisibles, révélaient le contenu. Il savait imprimer ses estampes soit en noir et blanc, soit avec d’autres variétés d’encres. Il savait offrir des estampes en couleurs, soit encrées à la poupée sur une seule plaque, soit imprimées aux repérages de plusieurs plaques, soit rehaussées avec des couleurs à la cire. Ainsi ne dut-il jamais recourir à des procédés mécaniques-héliographiques où, en tant que création artistique, sa main serait restée inopérante.

Au bout du compte, il put ainsi donner libre cours à sa fantaisie créatrice et perpétuer le souvenir de ses amis – N. Ruet, Dorbon aîné et fils, Cl. Debussy, E. Verhaeren et ses mains, Ch . de Coster, A . Salle, E. Rodriguès, Cl. Farrère, C. Mauclair, E. Glesener, R. van Bastelaer et tant d’autres – dont il retraça les effigies, à l’occasion selon sa mémoire visuelle, en des manières techniques différentes et parmi lesquels celui de sa femme, Madame de Rassenfosse, témoigne non seulement de sa fine, pure et sensible maîtrise graphique, mais aussi de l’émotion avec laquelle il la contempla en la portraiturant d’après nature.

La Mort est saoûle (1914) © Collection privée

Il put ainsi s’abandonner à ses pensées à la mort, évoquer, sans recours à l’anecdote, ce que lui inspirèrent les sinistres et monstrueuses dévastations de la Première Guerre mondiale en cette planche dénonciatrice, intitulée La Mort est saoule, tirée en couleurs au repérage et rendue percutante par d’incisifs traits à la pointe sèche (elle date de 1914) ; la mort qu’il voyait jouer aux cartes avec d’humbles habitués de cabarets et qu’il voyait faire des
croche-pieds à d’insouciants promeneurs ; la mort défiant les flèches de l’amour ; la mort dont il méditait, fût-ce la lointaine annonce au bout de toute les joies, de tous les horizons et de toutes les prédestinations de la vie.

Il put ainsi créer des estampes en blanc et noir où se confondaient entre eux ses modes techniques les plus virtuoses et où il ne cessait de manifester les séductions qu’exerçait sur lui le nu féminin dans ses apparitions, attitudes et charmes vivants, mais où il révélait aussi ce que lui inspiraient, par exemple, la Noël ou la rencontre des pèlerins d’Emmaüs. Evocations auxquelles présidaient moins le souvenir de textes évangéliques ou pseudo-évangéliques que les sentiments humains qu’elles éveillaient en lui. La Noël ne le rapprochait pas de ceux qui dans des liesses aux folles mascarades oublient ce qu’ ils prétendent fêter, mais de ceux qui dans le recueillement d’une nuit solitaire se retrouvaient pour assister à ce que promet, fait espérer ou redouter la naissance d’un enfant sans autres présences que celles de parents abandonnés et celle de quelques-uns des plus humbles de la terre liégeoise que sont les mineurs ; la pensée à ces pèlerins qui sur leur chemin de vie connurent la grâce de retrouver leur maître auréolé de la lumière qu’ il fut et restait pour eux.

Si le nombre d’estampes d’Armand Rassenfosse pouvant être qualifiées de gravures pures est inférieur à celui de ses estampes faites principalement d’innovations techniques autres que strictement graphiques, il ne faudrait pas en déduire que leur créateur n’aurait qu’occasionnellement fait appel aux outils du graveur proprement dit. Ces outils, il les avait toujours et tous à la main – il en avait un véritable arsenal – pour parfaire, ce que des morsures d’acides et des blancs ménagés par des couvertures, restaient en défaut de créer selon ses conceptions, ses sensibilités et ses visions ; il les prenait à la main, aussi, pour créer avec eux seuls. ce que lui dictaient ses yeux, son esprit et son coeur .

Ne fut-ce pas avec le plus simple de ces outils – une pointe – qu’il sut confier directement au métal ce que devaient devenir sur le papier les plus purement belles, les plus merveilleusement évocatrices de ses estampes ? Clairement conscient du génie du langage choisi en l’occurrence, il sentait qu’il devait surveiller sa main au moment où elle allait creuser dans le cuivre ou le zinc la ligne – le trait – magique conçu pour donner une forme à ses visions et émotions intimes. Car cette main, il savait qu’elle allait obéir à ses impulsions d’esprit et de coeur, qu’il allait devoir la surveiller, non seulement pour qu’elle dessine, mais autant pour qu’elle creuse des traits – tantôt appuyés, tantôt fins et légers jusqu’à l’extrême, selon les visions qui y présidaient. Il savait qu’avec cette pointe il allait creuser des traits diversement colorés selon qu’il y fasse jouer en des accents délicats ou intenses et d’apparence veloutée, l’encre retenue dans des “barbes” plus ou
moins opulentes et reportée par elles sur le papier. Ce qu’Armand Rassenfosse sut créer avec cet outil – une simple pointe – il en laissa divers témoignages magistraux, entre autres dans ce Nu de femme dont il évoqua avec une rare sensibilité les jeunes formes émouvantes ; dans des portraits comme ceux de Félicien Rops et d’Emile Verhaeren, si diversement inspirés ; dans une de ses rencontres avec une hiercheuse tricotant et dans certains hymnes à la Danse inspirés par des danseuses célèbres évoluant dans les luminosités diffuses et vaporeuses d’une scène de spectacle.

Chaque fois il s’y affirma comme un maître graveur aussi foncièrement authentique que diversement doué. Davantage que la pointe sèche – et pour cause – il pratiqua l’eau-forte pure entre autres pour produire les nombreux ex-libris que lui demandaient ses amis et autres bibiophiles. Sauf quand il les concevait de sa propre initiative et selon sa propre fantaisie, il y fut des fois mis à rude épreuve pour les composer selon une sorte de programme imposé. L’ex-libris l’intéressait au point qu’ensemble avec Madame de Rassenfosse il s’en constitua cette riche collection qui fut confiée à la garde de la bibiothèque de l’Université de Liège et dont Mademoiselle M. Lavoye publia le catalogue en 1956.

Par ailleurs, la direction artistique de l’imprimerie et Maison d’édition Bénard devait nécessairement le rendre attentif à tous les moyens techniques, voire mécaniques, susceptibles de le mettre en mesure de produire des estampes et illustrations de tous genres. Ce fut ainsi qu’il apprit à tout savoir de la lithographie, d’abord à Paris dans l’imprimerie lithographique des Chaix à laquelle se joignit en 1881 celle de Chéret dont l’affiche Orphée aux enfers datée de 1858 et imprimée en trois couleurs par Lemercier constitua en fait le vrai début de Chéret dans l’art chromolithographique. C’est aussi dans l’imprimerie de celui-ci que se nouèrent les liens d’amitié profonde entre Rassenfosse et Adolphe Willette. Ensuite avec son fils, Louis de Rassenfosse, qui dirigeait le département de la lithographie chez Bénard. Il la pratiqua non seulement directement mais aussi par des reports à l’offset. A l’occasion il sut ainsi – comme dans cette planche intitulée Danseuses – choisir et préparer ses encres de façon telle qu’à l’impression elles produisent les reflets propres à des dessins exécutés avec des crayons à la mine de plomb. Il ne le fit, certes, pour tromper personne. Il ne rechercha que d’utiliser les moyens mis à sa portée pour atteindre tout ce qu’on pouvait en attendre.

Ainsi se fit-il remarquer parmi ceux – Jules Chéret, Pierre Bonnard, Adolphe Willette, Henri .de Toulouse-Lautrec et combien d’autres – qui élevèrent l’affiche au rang d’un art toujours encore en continuelle évolution. Que ce soit dans des articles de grandes encyclopédies ou dans l’histoire de cette forme d’expression particulière, son nom y figure en première place parmi ceux qui en Belgique participèrent à perpétuer, dans l’affiche comme par ailleurs, le sens autant que le visage vivants d’une époque si diversement significative.

Si Armand Rassenfosse peut être tenu pour un graveur et dessinateur par excellence – faut-il le répéter ? – , il fut de surcroît un peintre dont les tableaux sont répandus et conservés dans les collections et musées réputés, tant à l’étranger qu’en Belgique.

Jacques Ochs, qui parlait en connaissance de cause, a écrit à ce sujet : “Quant aux oeuvres peintes d’Armand Rassenfosse, elles magnifient, pour la plupart, l’éternel féminin, mais avec moins de spontanéité, peut-être, que dans les dessins et les gravures. Certains tableaux, comme Poyette (Musée de l’Art moderne, Paris) ou Femme se lavant (Musée de l’Art Wallon, Liège), séduisent par leur charme discret et leur fine sensibilité. Rassenfosse s’en tenait généralement à une gamme de couleurs nuancées, en demi-tons, que réchauffe une lumière légèrement dorée. Sa technique de prédilection : la peinture à la cire sur carton“. Il est vrai qu’Armand Rassenfosse a peint sur carton, mais davantage sur toile. Il est vrai surtout qu’il avait une prédilection pour es couleurs à la cire, qu’il choisit non seulement pour peindre mais aussi pour rehausser ses dessins. Ses sensibilités lui faisaient préférer les tons mats, doux et fondus, aux effets faciles de brillances miroitantes. Il aimait la cire qu’il tenait pour une matière nourrissante et vivante, une matière qui ne durcit pas et ne craquelle pas, une matière qu’on sait enlever et renouveler sans risque d’enlever avec elle la moindre parcelle de couleur. Pour ce faire, il avait composé des émulsions, diversement liquides ou épaisses, les unes pour nettoyer des tableaux, les autres pour les protéger. A ce dernier effet, il recommandait de ne jamais négliger de couvrir les tableaux à la fois à l’avers et au revers pour éviter que des champignons, poussières ou vapeurs d’humidité percent la toile pour aller se nicher entre la couche de couleur et son support.

Il y a plus d’un tableau de maîtres célèbres qu’il fut sollicité de traiter de cette façon en guise de démonstration par les directions responsables de grands musées, tableaux qui lui doivent leur durable conservation après avoir été revivifiés.

Baudelaire et sa muse (huile sur carton, 1931-32, collection privée)

Armand Rassenfosse vivait avec ses oeuvres d’art. Les divers états de ses estampes attestent qu’il les reprenait constamment au gré de ses nouvelles visions, de ses nouveaux élans, de ses nouvelles possibilités d’expression. Dans ses tableaux il ne nous est conservé que le stade final où il se résignait – après combien de temps ? – à les abandonner. Mais ceux qui furent régulièrement admis dans son atelier, y retrouvaient parfois pendant deux, trois ans des tableaux auxquels il travaillait avec un attachement – avec un amour – toujours préoccupé. Ils y ont pu être témoins de ce que devint progressivement une de ses dernières oeuvres peintes avec des couleurs à la cire, une de ses oeuvres les plus émouvantes et admirables aussi – Baudelaire et sa Muse – qu’il finit par céder peu avant sa mort à son ami Puesch.

Armand Rassenfosse s’est consacré avec toutes les forces vives de son être et selon toutes ses consciences et bénédictions de vie, à servir son époque, ses contemporains et ceux à qui il se donnait en partage. Cela justifie qu’il fut appelé à siéger dans diverses commissions de musées, d’être nommé membre de la Commission royale des monuments et des sites, d’être élu membre correspondant de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique en 1925, dont il fut promu membre titulaire en 1930 et dont il fut appelé à assumer la charge de directeur de la Classe des Beaux-Arts en 1934. Aussi subitement qu’inexorablement enlevé le 25 janvier de cette même année, le sort ne lui permit pas de réserver aux confrères de l’illustre Compagnie les bénéfices de ses compétences et dévouements. S’il s’était senti porté à accéder à la proposition qui lui fut faite, il aurait connu l’honneur d’être ennobli.

Armand Rassenfosse appartient à cette époque autour de 1900 dont Jean Cassou a écrit “S’il existe une philosophie de l’Art Nouveau, nous découvrirons qu’elle émane de la philosophie du Symbolisme : leur commun dénominateur à tous les deux, leur principe est la femme.” L’ Art Nouveau, l’art 1900, eut sa raison d’être, il créa des modes sans lesquelles il est impensable et qui renaissent périodiquement jusqu’aujourd’hui ; il créa des décors, des joyaux, des meubles, des maisons, des affiches, des revues, des typographies, dont le style reste qualifié de Modern Style.

Comme quoi, “nouveau” et “moderne” sont des termes qui n’ont rien d’absolu et qu’il faut entendre en fonction de l’époque à laquelle ils s’appliquent. Ce qui à un moment est nouveau et moderne, est destiné à être dépassé aussitôt après ; ce qui est nouveau et moderne aujourd’hui, ne le sera plus demain. N’empêche qu’une époque et ceux qui en sont les ouvriers, ne valent que grâce aux nouveautés et modernités par lesquelles ils préparent celles qui s’inscrivent dans un perpétuel devenir.

Assurer à Armand Rassenfosse la présence qui lui revient dans ce perpétuel devenir fut certes le souci de ceux qui au mois de mai 1935 vinrent déposer au Parc de la Boverie de Liège, aux portes du Musée de l’Art Wallon, ce buste modelé par le sculpteur Fix Masseau et portant la simple, mais combien éloquente et émouvante inscription : “A Armand Rassenfosse. Ses Amis de France.” C’est, non moins, l’objet de ces quelques propos, pensés en marge de l’exposition que voici.

Louis LEBEER

CATALOGUE

PEINTURES

      • 1. Femme à la toilette, h, 1900, 46 x 38.
      • 2. Petite fille à la poupée (Palmyre Sauvenière), h, décembre 1908, 35,2 x 26.
      • 3. Portrait de Lawe de Neuville, h, 1908, 17,5 x 12.
      • 4. Le jardin (Liège, 21, rue Bassenge), h, 1 août 1908, 24,2 x 33, 1.
      • 5. Tête de jeune fille (Laure de Neuville), h, 1909, 37 x 27.
      • 6. Le peignoir jaune, h, 1912, 90 x 70.
      • 7. Estrelita, h, 1913, 70 x 45.
      • 8. Le bonnet hongrois, h, 1914, 70 x 46,5.
      • 9. La favorite, h, 1915, 76 x 56.
      • 10. La marchande de masques, 1917, h, 90 x 69.
      • 11. La robe grise, h, 1917, 44,5 x 34,5.
      • 12. Le masque rose, h, 1919, 46,5 x 36.
      • 13. La toilette, h, 1919, 55 x 50.
      • 14. Femme à la cruche, H, 1920, 70 x 56.
      • 15. Femme à sa toilette et broc blanc, h, 1920, 42,5 x 36,5.
      • 16. L’été, h, 1921, 45 x 67,5.
      • 17. Femme au miroir, h, 1921 , 60 x 70.
      • 18. Femme à la bouteille, h, 1921, 55 x 37.
      • 19. Danseuse aux rubens, h, 1921, 69 x 58,5.
      • 20. Maternité, h, 1923, 63 x 53.
      • 21. Sortie de bal, h, 1924, 50 x 60.
      • 22. Femme à sa toilette (étude en bleu), h, 1926, 78 x 61.
      • 23. La sérénade, h, 1926, 67,5 x 54,5.
      • 24. Jeunes femmes, h, 1929, 61 x 48.
      • 25. Ars longa – Vita brevis, h, 1929, 49 x 40.
      • 26. Toilette, h, 1930, 68,5 x 53.
      • 27. Autoportrait, h, 1930, 56 x 46.
      • 28. Jeunesse, h, 1930, 57 x 46,5.
      • 29. Grand nu de dos (étude), h, s.d., 80 x 60.
      • 30. Femme au masque noir, h, s.d., 44,5 x 35.
      • 31. Adèle au bonnet blanc, h, s.d., 34,5 x 27,5.
      • 32. Le rideau jaune, h, s.d., 43,5 x 34.5.
      • 33. Hiercheuse au mouchoir rouge, h, s.d., 69 x 43.
      • 34. Jeunes sorcières, h, s.d., 90 x 72.
      • 35. Deux jeunes femmes, h, s.d., 42 x 51 ,5.
      • 36. Nu (buste), h, 35 x 25.
      • 36 bis. Femme au bonnet, h, s.d., 41 x 27,5
DESSINS – AQUARELLES
      • 37. Marie à l’harmonium, aquarelle, 1886, 42 x 28.
      • 38. La malle de quatre heures, aquarelle, août 1895, 40 x 29.
      • 40. Etudes pour les Fleurs du Mal, crayon, vers 1897, 38 x 29.
      • 41. Portrait d’Albert de Neuville (1864-1924), pastel, vers 1903, 35 x 26.
      • 42. Portrait de Marie de Neuville, née Tilman (1861-1940), pastel, vers 1903, 36,2 x 26,5.
      • 43. La gymnaste (illustration du recueil de poèmes de Estienne, Phrases, Paris, Sansot, 1907), aquarelle, vers 1907, 17,5 X 13,5.
      • 44. Portrait de Madame A. de R., crayon, janvier 1907, 44,5 x 32, cadre de Serrurier-Bovy.
      • 45. Projet pour l’ex-libris (Carl-F. Schulz-Euler), crayon et sanguine, mai 1907, 30,4 x 23.
      • 46. Le modèle, crayon et sanguine, 1907, 77 x 50.
      • 47. La danse, sanguine, 1907, 68 x 49,5.
      • 48. Hiercheuse, crayon et pastel, 1907, 72 x 37.
      • 49. Tête de jeune fille (Laure de Neuville), pastel, vers 1908, 35 x 26.
      • 50. Nu debout, crayon rehaussé de blanc, 1910, 45 x 30.
      • 51. La fille qui siffle, pastel, 1912, 58,5 x 40,5.
      • 52. La toilette, pastel, 1913, 63 x 46.
      • 53. Dancing girl, crayon rehaussé, 1914, 32,1 x 23,5.
      • 54. Mater dolorosa, crayon, 1914, 29 x 19.
      • 55. Projet pour l’ex-libris Fembach-Karolyné, crayon, 1914, 14,7 x 12,1.
      • 56. Projet pour l’ex-libris Herzog Géza (Hongrie), crayon, vers 1914, 14,6 x 12.
      • 57. Jeune fille (Renée), dessin rehaussé, 1915, 31 x 21,8.
      • 58. Nu assis, crayon rehaussé, 1919, 34 x 25.
      • 59. Nu, crayon, 1922, 39 x 29.
      • 60. L’énigme, crayon rehaussé, 1923, 37 x 28.
      • 61. Maria, crayon, 1929, 40 x 32,5.
      • 62. Matemité, crayon, 30 août 1929, 35 x 30.
      • 63. Femme assise (torse), crayon et pastel, 1931 , 36,5 x 28.
      • 64. Les 2 amies, crayon rehaussé, 1931 , 40 x 32.
      • 65. M.R. (nu couché), crayon rehaussé de sanguine, 26 janvier 1932, 32 x 40.
      • 66. Le matin, crayon rehaussé, septembre 1932, S. IV 38862.
      • 67. Femme couchée, sanguine, octobre 1933, 32 x 40.
      • 68. Dernier dessin (inachevé), sanguine, 10 janvier 1934, 27 x 35,5.
      • 69. Nu couché (de dos), crayon, 29 x 39.
      • 70. Jeune femme, pastel, 38 x 28.
      • 71. Femme en chemise, crayon rehaussé.
      • 72. Nativité, pastel, 35 x 27.
      • 73. Plage à Heyst, aquarelle, 15,2 x 22,7.
      • 74. Femme au chapeau noir, lavis – crayons de couleurs, 23 x 18,3.
      • 75. Femme debout, crayon, 21,9 x 9,2.
      • 76. Le repos du modèle, pastel, 65 x 53.
      • 77. La mort rêvée, crayon, 41 x 32.
      • 78. 2 nus, lavis bistre, S IV 29680 – S IV 29681.
      • 79. Le sommeil de Maria, crayon, S IV 38865.
      • 80. Etude de tête, lavis bistre et sanguine, S IV 29682.
      • 81. Danseuse, crayon rehaussé, 28,5 x 18.

GRAVURES

      • 39. Portrait de Marie, eau forte rehaussée, avril 1896, 23 x 16 [cfr. Dessins – Aquarelles].
      • 82. La frileuse, gravure au soleil + aquatinte, 1891, 8,9 x 13,9.
      • 83. Le joujou, aquatinte eau-forte, pointe sèche, Paris, 1892, 18,7 X 13,2.
      • 84. La Dame en noir, illustration pour l’oeuvre de P. Gérardy, janvier 1893, 14 x 9.
      • 85. Promesse d’un visage, vernis mou, 1903, 20,5 x 15,7.
      • 86. Danseuses, lithographie, 1913, S IV 27204.
      • 87. Noël, plume, vernis mou et aquatinte, 1929, S Ill 104087.
      • 88. Mère et enfant, plume et aquatinte, 1929, 25 x 19, 1.
      • 89. Nouveau modèle, vernis mou et aquatinte, S Ill 41856.
      • 90. Frontispice de l’Ouvrage sur la Belgique, vernis mou et aquatinte, S IV 25986.
      • 91. Frontispice pour les “Amis” d’H. Krains, vernis mou, sans n° d’inventaire.
      • 92. Joueurs de cartes et la mort, plume et vernis mou, S IV 26251.
      • 93. Portrait de l’éditeur L. Dorbon, aquatinte, vernis mou et crayon de réserve, S IV 25779.
      • 94. Portrait de G. Serrurier-Bovy, S Ill 25700.
      • 95. Juliette, vernis mou et aquatinte, S Ill 104122.
      • 96. Femme au miroir, vernis mou et aquatinte, S IV 26304.
      • 97. Portrait d’E. Verhaeren, pointe sèche, S IV 26246.
      • 98. Nu, pointe sèche, S IV 26191.
      • 99. La danse de Paris, plume et pointe sèche, S Ill 104139.
      • 100. Le saut, pointe sèche, épreuve unique, S V 88941.
      • 101. Maternité, encre au pinceau et vernis mou, S Ill 104091.
      • 102. La mort est saoûle, aquatinte, vernis mou et pointe sèche, S Ill 104138.
      • 103. Hiercheuse, aquatinte et vernis mou, S IV 27204.
      • 104. Repasseuse, oeuvre primée par la Société des Aquafortistes de Belgique, vernis mou, 25 x 18.
AFFICHES
      • 104 bis. La coiffe rouge, lithographie, 35 x 20.
      • 105. Soleil, lithographie, éditée par Bénard – Maxima – S Il 1140 117.
      • 106. Maud Alan, lithographie, éditée par Bénard – Maxima S Il 140 118.
      • 107. Huile russe, lithographie, éditée par Bénard – Maxima S Il 140 119.
      • 108. La Plume, lithographie, éditée par Bénard, épreuve avant le texte – Plano – 1913 – S IV 25758.
      • 109. Projet pour le Salon de Roubais, gouache, 84 x 60.
VARIAS
      • 110. Portrait de Rassenfosse par E. Hougardy, pointe sèche, 2e état, 1929, 21,5 x 15,5.
      • 111. Autoportrait, dessin, 9,4 x 8,
        L’amateur d’estampes provenant de I’ Album n° 1, Gravure originale belge (30/9/ 1924).
      • 112. Madeleine Delvoye, Catalogue des ex-libris d’A. Rassenfosse. Liège 1956.
      • 112 bis.
        Ex-libris Herzog-Géda, e.-f., 1914, 17.5 x 13.
        Ex-libris Fembach-Karolyne, e.f. et vernis mou, 1914, 17,2 x 11,9 (2 états).
        Ex-libris Ladislas de Siklossy, e.-f. et aquatinte, 1920, 11,5 x 9,3.
        Ex-libris Marie Rassenfosse, vernis mou et aquatinte, 1920, 12 x 10.
        Ex-libris J. Dalman, e.-f. et vernis mou, 1920, 12,5 x 10.
        Ex-libris de la Bibliothèque reconstituée de la Société libre de l’Emulation de Liège, cliché au trait, 1924, 11,3 X 9,5.
ILLUSTRATIONS
      • 113. Ch. Baudelaire – Les fleurs du mal, Paris, 1899. Edité par les 100 Bibliophiles – ex. numéroté 108 avec un dessin original de Rassenfosse, en garde.
      • 114. Ed. Glesener – Au beau plafond ou l’enfant prodigue – Liège, 1926, hors commerce.
      • 115. R. Boylesve – Les bains de Bade – Paris, s.d ., édité aux armes de France pour la Société des Dilettantes, ex. numéroté, sur Hollande.

L’Aube, la villa de Serrurier-Bovy à Cointe (Liège)

GUSTAVE SERRURIER-BOVY

Dans cette expos1t1on, nul ne peut s’étonner de voir figurer, à côté de Rassenfosse, son contemporain Gustave .Serrurier-Bovy (1858-1910). Une amitié sincère les unissait déjà lors de leurs études. Des soirées passées ensemble à faire de la musique et une action commune dans des groupes pour l’Art Nouveau les rapprochaient encore. Familier de la maison des parents Rassenfosse, Gustave Serrurier y fera la connaissance de sa future épouse. Si les disciplines artistiques sont différentes pour chacun, peinture et gravure chez Armand Rassenfosse, architecture et puis presque exclusivement décoration chez Serrurier, c’est bien un même désir de renouveau dans l’art et de présence au monde concret où ls vivent qui les habite tous deux. Ils aiment s’en communiquer les découvertes et les fruits. L’oeuvre de Gustave Serrurier est peu connue encore : on commence toutefois à découvrir la place importante qu’elle occupe dans la création du mobilier contemporain. La carrière du décorateur fut pourtant brève : elle commence véritablement avec la présentation au premier Salon de la Libre Esthétique, en 1894, d’un ‘cabinet de travail’, son premier ensemble, pour se terminer brusquement par une mort brutale en 1910. Seize années d’une carrière bien remplie !

Un voyage en Angleterre lui révèle très tôt l’importance du renouveau du cadre de vie et les ressources inexploitées, oblitérées par le clinquant du meuble de Cour, du simple mobilier rural. Le mouvement néogothique en a remis à l’honneur la probité et la simplicité. Serrurier n’hésite pas ; il abandonne l’architecture pour se consacrer entièrement à la décoration intérieure. C’est ainsi qu’il transmettra sur le continent les découvertes d’un Morris ou de la société des Arts and Crafts. C’est par un mobilier simple et strict – on pourrait dire rustique si le terme n’était aujourd’hui tant dévalué !- qu’il se manifeste, pour continuer dans des recherches qui font droit aux courbes et moulurations subtiles de l’Art Nouveau ; mais les formes sobres. géométriques font suite qui annoncent déjà le style des Arts Déco.

Comme matériau, il utilise d’abord et souvent dans la suite. le beau chêne de Hongrie. Mais il n’hésite pas à utiliser les bois soyeux et sonores du Congo, depuis que Léopold Il les a introduits et livrés aux artistes nouveaux, principalement dans L’Exposition coloniale de Tervuren en 1897, où Gustave Serrurier aménage toute une section. Il ne dédaignera pas dans la suite des bois plus modestes, le bouleau de Finlande par exemple, qu’il mettra en oeuvre dans le mobilier de série et démontable qu’il va créer au début de ce siècle. Dans sa recherche, le souci social est présent ; au départ, par la suggestion d’un cadre de vie nouveau pour celui qu’il nomme l’Artisan ; et, en finale, par la réalisation d’un intérieur ouvrier à l’Exposition de Liège en 1905, et la fabrication d’un mobilier de série à montage apparent, les ensembles Silex.

Les pièces montrées dans cette exposition présentent quelques aspects de son oeuvre. La plupart appartiennent à son époque parisienne. Dans la succursale créée dans la capitale française en 1899, veille de l’Exposition de 1900, l’influence de son associé Dulong et le goût d’une clientèle mondaine confèrent aux ensembles de ce temps un aspect raffiné et luxueux qui est un épisode, très remarquable, mais non exhaustif de son oeuvre ; les meubles Samazeuilh et le porte-estampes fixe de Rassenfosse en sont de très bons exemples. Mais la solide banquette de chêne nous montre une autre facette de la recherche, celle de la solidité et de la construction architecturée. La pièce la plus prophétique reste néanmoins ce fauteuil de Rassenfosse, créé avant 1900, qui annonce le style des années 1925, et une technique de construction révolutionnaire.

Seize années de recherches constantes dans les domaines formel, constructif et social assurent à Gustave Serrurier une place de premier plan dans la création du mobilier contemporain. Tournant le dos au pastiche stérile, ce liégeois obstiné mène une quête patiente, sensible, structurée. Sa puissance de travail et l’intérêt toujours en éveil qu’il porte à toute manifestation d’esprit nouveau en font un pionnier de l’art et de la société moderne.

J.G. Watelet

PARTICIPATION SERRURIER-BOVY

STAND 1 – ENSEMBLE ART NOUVEAU
      • 116. Dessin au crayon et à la sanguine sur un thème donné par Serrurier-Bovy, L’Aube, du nom de sa propre villa, format 40 cm x 49 cm, de Rassenfosse ; cadre en acajou du Congo de Serrurier-Bovy, 1902.
      • 117. Coiffeuse en acajou du Congo, exposée en 1899 au Salon de la Société d’Art Moderne de Bordeaux – pièce d’un ensemble de chambre à coucher acquise par le compositeur Samazeuilh, 180 x 100 x 58, 1899 ; tiroir à poignée en cuivre sur le thème du nénuphar avec émaux.
      • 118. Chaise – idem, 95 x 44 x 44, 1899.
      • 119. Fauteuil – idem, 80 x 75 x 65.
      • 120. Dessin de Rassenfosse, cc Femme à sa toilette” – 27 x 22 cm – crayon rehaussé – cadre Serrurier-Bovy, 1913.
      • 121 . Décoration murale au pochoir d’après motif de Serrurier-Bovy. Porte – estampes – acajou du Congo, ± 1900, garniture de toilette.
STAND II – TENDANCES VERS L’ART DECO – 1905-1910

Cette période est marquée par des lignes géométriques et la disparition de toute réminiscence végétale.

      • 122. Vitrine Serrurier-Bovy en acajou du Congo, peintures apparentes en cuivre, 3 plateaux d’exposition, 1908.
      • 123. Sellette ou selle d’artiste à deux plateaux ronds de ligne très “moderne”, acajou du Congo, 1906.
      • 124. Vase en bois, laiton et cuivre rouge d’inspiration “industrielle”, 1905-1910 (?).
      • 125. Portrait posthume de Serrurier-Bovy par Rassenfosse crayon rehaussé de pastel, 1930.
      • 126. Coupe-papier bois du Congo et laiton, étui de la Maison Serrurier et Cie, 1906.
      • 127. Annonce de la Maison Serrurier et Cie, parue dans “L’ Art Décoratif” en 1906.
      • 128. Coussin de Serrurier-Bovy, broderies de couleur orange.
      • 129. Fauteuil de travail d’Armand Rassenfosse, circa, 1905.
      • 130. Frise murale d’après motif de Serrurier-Bovy.
HORS STANDS
      • 131. Banc de hall en chêne de Serrurier-Bovy avec cadre pour pêle-mêle, 1910.
      • 132. Vitrine d’exposition.

REPÈRES BIOGRAPHIQUES

      • 1862 6 août. Naissance à Liège d’Armand Rassenfosse dans une famille de commerçants très cultivés. Humanités classiques au Collège Saint-Servais, Liège. Passionné de musique et de dessin. Ses humanités  terminées, Armand Rassenfosse entre dans l’entreprise familiale. Lit les écrivains du temps, commence une collection d’estampes. Nombreux voyages à Paris où il rencontre écrivains et artistes. Premiers essais de gravure. Armand Rassenfosse est conseillé et encouragé par Adrien de Witte.
      • 1886. Première rencontre avec Félicien Rops. Début d’une longue amitié et d’une intense collaboration.
      • 1890. Rencontre et association d’Armand Rassenfosse et d’Auguste Bénard.
      • 1892. Premières éditions des estampes de Rassenfosse à Paris.
      • 1895-1897. Illustration des Fleurs du Mal de Baudelaire pour la Société des Cent Bibliophiles. Publication en 1899. Par la suite et parallèlement à ses activités de graveur, de dessinateur et de peintre, Armand Rassenfosse illustrera de très nombreux ouvrages : Barbey d’Aurevilly, Noël Ruet, Edmond Glesener, Omer Englebert, Claude Farrère… Il ne cesse de perfectionner sa technique, de mettre au point des procédés nouveaux.
      • 1925. Armand Rassenfosse est nommé membre correspondant de l’Académie Royale des Sciences, des lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
      • 1934. Directeur de la classe des Beaux-Arts de cette Académie. Le 28 janvier 1934, Armand Rassenfosse meurt à Liège.

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L’intégralité du catalogue de l’exposition est disponible au téléchargement (PDF avec reconnaissance de caractère) dans la documenta.wallonica.org…

 

 


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : transcription, correction, édition et iconographie | sources : collection privée | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Province de Liège ; © Connaître la Wallonie ; © Collection privée ; © BnF.


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