Né à Ixelles le 1er octobre 1851, Théodore Hannon (plus souvent appelé Théo) est le fils de Joseph-Désiré Hannon, professeur de botanique et de zoologie à l’Université de Bruxelles. C’est donc assez naturellement qu’il entreprend des études de médecine, qu’il ne poursuivra cependant pas jusqu’à leur terme. En 1874, avec d’autres étudiants bruxellois, il fait ses débuts dans le Journal des Étudiants “où la politique dominait les préoccupations littéraires”.
Le 28 novembre 1875, il fonde la revue hebdomadaire L’Artiste où l’on retrouve, entre autres, Camille Lemonnier, Lucien Solvay et le Spadois Léon Dommartin, dit Jean d’Ardenne. Cette revue, ralliée au naturalisme, publiera également Verhaeren, Zola, Huysmans, Verlaine… avant de disparaître en 1880. Sous le pseudonyme transparent de “Hannonyme”, Théodore Hannon est également rédacteur à La Chronique, journal qui compte dans ses rangs Léon Dommartin mais, aussi, Flor O’Squarr.
Hannon est l’auteur de recueils de vers où transparaît l’influence de Baudelaire (Rimes de joie, par exemple, dont la seconde édition est illustrée par Félicien Rops), de revues de fin d’année, d’une opérette (Candélabre), d’une “parodie-éclair” (La valkyrigole) et d’oeuvres à caractère pornographique (publiées sous les pseudonymes évocateurs de “Frère Culpidon” et “Monsieur de la Braguette”) ; il est également le librettiste de deux ballets (Pierrot macabre, de Pietro Lanciani, et Smylis, de Léon Dubois).
Intéressé par la peinture et engagé avec passion pour faire valoir ses conceptions artistiques, Théo Hannon s’est essayé à l’aquarelle et laisse quelques oeuvres attachantes. Il s’éteint à Etterbeek le 7 avril 1916, à l’âge de soixante-quatre ans.

Théodore Hannon compte plusieurs Spadois parmi ses relations : outre Léon Dommartin, il est également lié avec Henri Marcette ; les deux artistes collaborent en effet à L’Album, société internationale d’aquafortistes, constituée à l’instigation de Félicien Rops. Ses séjours à Spa sont attestés par les oeuvres dont il sera question ci-après, mais aussi par un document plus officiel : il s’agit de l’acte de décès, à Spa, de Flor O’Squarr, sur lequel Théodore Hannon (“homme de lettres”) figure comme déclarant.
Le 23 août 1887, Hannon fait représenter pour la première fois, au Théâtre de Spa, Spa, tout le monde descend ! , “revue-opérette en trois actes et quatre tableaux”. La musique est signée de Lanciani, également auteur du ballet Pierrot Macabre dont Hannon a été le librettiste ; quant aux décors, ils sont dûs au talent du peintre spadois Victor Renson.
La revue, loin d’être un chef-d’oeuvre, met en scène toute une série de caractères et de lieux ou d’objets personnifiés (“La Géronstère”, “Le Barisart”, “La Roulette”,…). C’es ainsi qu’apparaît d’ailleurs “La Boîte de Spa” qui vient se plaindre de son déclin : “Hélas ! moi qu’on mettait dans l’ouate et le papier de soie, on va me mettre sur la paille… on trouve que je suis démodée.” Hannon se livre également à des plaisanteries sur les bobelins, leur crédulité et leur vie amoureuse, risquant des comparaisons fort peu galantes telles que : “vos promenades sont comme les femmes : il y en a de reposantes, il y en a de fatigantes, il y en a d’horizontales… il y en a d’édifiantes”.
Quatorze ans plus tard, Théo Hannon participe à un album d’autographes et de dessins (Spa-album) édité à l’occasion des fêtes données à Spa, du 3 au 6 août 1901, au profit de l’oeuvre pour la protection de l’enfance. Il y livre un Croquis spadois intitulé Au Pouhon ; on y lit notamment : “C’est au Pouhon que le matin / Se rendent les gentes chloroses” ou encore “Qu’importent les lèvres blêmies / Si la bouche est toujours en coeur ?”

Homme de lettres, Hannon est aussi aquarelliste ; il laisse notamment une série d’oeuvres prises aux quatre coins de la ville d’eaux. Ainsi, le Crépuscule près d’Annette et Lubin évoque-t-il quelques vers de Spa, tout le monde descend ! : C’était l’autre soir, d’un pas lambin / Je gravissais, l’âme charmée / La Montagne d’Annette et Lubin / De serpolet tout embaumée”.
La Rue de la Sauvenière, de 1890, est également appelée Ancien hôtel Britannique et a d’ailleurs figuré à ce titre à l’exposition Souvenirs de l’hôtellerie spadoise organisée au Musée de la Ville d’Eaux durant l’été 1991. La ferme de Longchamps, qui apparaît au travers d’un feuillage que l’on devine bruissant, et la Route de la Sauvenière, au ciel crépusculaire, sont des odes au charme de la nature spadoise.
Littérature et peinture sont autant de facettes d’un même talent, celui d’un artiste enthousiaste, entier, spirituel est gouailleur qui, comme tant d’autres, aima séjourner à Spa.

Cet article est une version raccourcie et enrichie de photos couleur d’un article publié dans Histoire et Archéologie Spadoises n°70 de juin 1992 (titre original : Un artiste “hannonyme” à Spa : Théodore Hannon) où l’on trouvera les notes et références bibliographiques.
[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : rédaction | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Théodore Hannon, La ferme de Longchamps (coll. privée) © Ph. Vienne | Remerciements aux collectionneurs privés.
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