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BELGIQUE : Définition du ‘cordon sanitaire’ (Charte de la démocratie, 2022)BELGIQUE : Définition du ‘cordon sanitaire’ (Charte de la démocratie, 2022)
[REVUEPOLITIQUE.BE, 8 mai 2022] Le 8 mai est la date anniversaire de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie qui a mis fin à la Seconde guerre mondiale en Europe. Elle marque la fin des atrocités commises durant cette période funeste. Le 8 mai est également la date anniversaire de la signature, par l’ensemble des partis politiques démocratiques francophones de Belgique, de la Charte de la démocratie qui consacre le principe du cordon sanitaire à l’encontre des formations politiques dont le programme ou l’action mettent en péril les valeurs fondamentales et constitutionnelles de notre système démocratique. Cette Charte a vu le jour pour la première fois le 8 mai 1993 en réaction aux percées électorales des partis d’extrême droite en Belgique. Face à la menace grandissante que constituent les idéologies d’extrême droite ou de même nature en Europe pour la cohésion sociale et le vivre-ensemble, pour nos institutions et notre système démocratiques, il est plus que jamais nécessaire de montrer notre détermination à défendre l’ensemble des valeurs fondamentales et principes constitutionnels de notre régime démocratique. Ainsi, en tant que formations politiques démocratiques, nous réitérons notre engagement de ne pas nous associer au sein d’une coalition politique aux formations ou aux partis qui portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique, tels que la remise en cause de l’État de droit, le recours à la violence ou le renversement du régime parlementaire ou démocratique. Nous réitérons notre refus de mettre en place des exécutifs s’appuyant sur de telles formations. Dans le cadre du débat démocratique et à l’occasion des campagnes électorales, nous nous engageons également à ne pas adopter et à condamner tout discours, toute attitude qui aurait pour effet d’amplifier artificiellement les peurs qui font le lit des formations d’extrême droite ou de même nature. Nous nous engageons à refuser de participer à tout débat ou à toute manifestation auxquels participeraient des représentants de formations ou partis politiques porteurs d’idéologies ou de propositions susceptibles d’attenter aux principes qui fondent notre démocratie. Nous nous engageons à ne jamais adopter de comportement ou à tenir des propos qui donnent de la visibilité ou qui amplifient des propos reflétant des idéologies d’extrême droite ou de même nature, nationalistes, identitaires, discriminatoires, racistes ou antisémites. Nous rappelons que le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’antisémitisme ne sont pas des opinions mais sont des délits qu’il convient de dénoncer et de faire condamner… Signé par : Georges-Louis BOUCHEZ (Mouvement Réformateur), François DE SMET (Défi), Paul MAGNETTE (Parti Socialiste),  Rajae MAOUANE (Ecolo), Jean-Marc NOLLET (Ecolo), Maxime PRÉVOT (Les Engagés). Code de bonne conduite entre partis démocratiques à l’encontre des formations ou partis qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique La bonne conduite à l’encontre des formations ou partis, belges ou étrangers, qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique est définie de la manière suivante : Ne pas s’associer à une coalition politique, aux formations ou partis qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique. Refuser de mettre en place des exécutifs s’appuyant sur de telles formations. Ne pas soutenir, cosigner ou voter les motions ou propositions dont l’initiative émane de mandataires de ces partis ou formations, quel que soit le sujet de la motion. Refuser tout mandat qui aurait été obtenu grâce au soutien ou à l’abstention des mandataires issus de ceux-ci. Ne pas soumettre à discussion ou négocier l’adhésion d’un de ces partis ou d’un de ces mandataires en vue du dépôt ou du vote d’un texte ou d’un amendement. Mettre tout en œuvre pour éviter de confier une fonction spécifique à un élu issu de ce type de parti ou formation (bureau d’assemblée, rapporteur, président de commission, questure, etc.) ou de permettre à ces élus de se constituer en groupe politique reconnu. Ne pas inviter un parti ou une formation de ce type ou un élu issu d’un tel parti ou d’une telle formation à une réflexion ou négociation en-dehors du travail parlementaire (Assises, réformes de l’Etat, etc.) ou d’y participer en cas de présence de ceux-ci. Ne pas adopter un comportement de sympathie ou de familiarité aboutissant à la banalisation ou à la respectabilisation des élus, candidats ou militants issus de ces formations ou partis, en Belgique ou à l’étranger et ce, en tout moment et en tout lieu (en ce compris l’ensemble de l’enceinte parlementaire), que l’activité soit directement liée ou non à l’activité parlementaire. Ne pas adopter un comportement ni tenir ou répercuter des propos, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, aboutissant à banaliser, à donner de la visibilité ou à amplifier des propos à caractère discriminatoire, xénophobe raciste ou antisémite ou des propos tenus par des personnes, vivant en Belgique ou à l’étranger, qui promeuvent manifestement des idées d’extrême droite ou de même nature ou des idéologies ou propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique. S’engager à modérer les propos visés au point 9 qui s’exprimeraient sur les comptes réseaux sociaux de nos formations. Refuser de participer à toute manifestation, événement, activité auxquels ces partis ou formations ou leurs mandataires, candidats et militants participeraient, en ce compris toute manifestation visant à confronter les opinions des candidats (débat, forum, rencontre, etc.) pendant la campagne électorale. Refuser de participer à tout débat audiovisuel ou organisé par des sites internet, des influenceurs ou par des comptes sur les réseaux sociaux auquel un mandataire, un candidat ou un militant issu de ces formations ou partis participerait. Refuser de contribuer à un ouvrage collectif de quelque nature que ce soit (journalistique, littéraire, etc.) dès lors qu’un co-auteur appartiendrait à ces formations ou partis. Refuser de collaborer à une interview croisée dans les médias avec un mandataire, candidat ou militant issu d’une de ces formations et s’assurer préalablement de la non-utilisation détournée de propos dans le cadre d’une interview non annoncée comme croisée. Mettre tout en œuvre pour éviter de mettre à disposition de ces formations et partis ou de ses mandataires, candidats et militants des locaux, infrastructures, services publics ou toute autre ressource. Mettre tout en œuvre pour empêcher tout rassemblement, manifestation ou défilé sur la voie publique organisé par une formation d’extrême droite ou de même nature. Éviter de donner à ces formations ou partis une publicité dont ils tireraient bénéfice. Dans cet objectif, la concertation entre partis démocratiques sera privilégiée en vue de dégager de manière commune la mise en œuvre la plus opportune du présent Code. Ce code de bonne conduite s’applique en tout lieu et en toute circonstance aux partis signataires, à leurs mandataires, à leurs candidats et à leurs militants. statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : revuepolitique.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © lalibre.be ; © delorscentre.eu. Plus de contrat social en Wallonie ? [...] Lire la suite…
FONTENELLE : violoncelliste et esprit libreFONTENELLE : violoncelliste et esprit libre
[LESOIR.BE, 8 juillet 2025] De Seattle à Namur, Pierre Fontenelle a tracé une voie singulière dans l’univers du violoncelle. Entre répertoires classiques, créations contemporaines et liberté de ton, il impose un style personnel à entendre chez nous cet été. Je ne crois pas au talent, mais au travail. Dans la vie de Pierre Fontenelle, la musique s’est imposée comme un élan naturel. Sans préméditation. Une rencontre presque accidentelle, mais fondatrice. Né en Belgique en 1997, il passe son enfance à Seattle, aux États-Unis, avant de revenir sur sa terre natale à 18 ans, après un détour par le Luxembourg. Une double identité et deux langues maternelles qui ont forgé chez lui un regard curieux, une ouverture à l’autre et aux autres. C’est vers 10 ou 11 ans qu’il découvre le violoncelle, un instrument qu’il apprend au départ de manière autodidacte, notamment en regardant des vidéos sur YouTube. “J’ai rejoint l’orchestre de mon école pour être avec mes amis. Il ne fallait pas de prérequis, et j’ai choisi le violoncelle un peu au hasard“, raconte-t-il. Chez lui, personne ne joue d’un instrument et le foyer n’est pas forcément mélomane. “Quand on écoutait de la musique, ce n’était pas du classique mais du rock. Ma mère était fan de Queen et de David Bowie. C’était ça mon environnement (sourire). Un de mes frères est fan de rock. L’autre d’électro.“ D’ailleurs, tout jeune, c’est le violoncelle d’Apocalyptica ou de 2Cellos qui l’attire. “Celui de Yo Yo Ma et son côté absolument œcuménique aussi. Pour moi, le violoncelle n’a jamais été un instrument classique mais un instrument tout court.” De hobby à passion, l’apprentissage devient un défi. Deux ans après ses débuts, sur les conseils de son professeur d’orchestre, ses parents l’inscrivent à des cours. Et c’est à 14 ans, lors de son retour en Europe (au Luxembourg), qu’il entre dans un parcours plus structuré qui le mènera jusqu’au conservatoire. Pourtant, son ambition est au départ plus de travailler dans le monde musical que d’être musicien professionnel. “Je savais que je n’étais pas un prodige et que je n’avais pas eu le parcours qui devait me permettre une carrière.” Le déclic survient à 16 ou 17 ans, lors d’un projet avec un orchestre de jeunes sous la direction de Leonardo García-Alarcón à Namur. “L’énergie était phénoménale. J’ai eu envie de faire ça toute ma vie.“ Un travail assidu Malgré le scepticisme de certains de ses professeurs qui ne l’imaginent pas faire carrière dans la musique, Pierre Fontenelle trace sa route. Presque comme une sorte de revanche, qui le pousse à décupler ses efforts. A travailler sans relâche pour rattraper le temps. Après le Luxembourg, il passera par l’Imep, le conservatoire de Mons, Paris, l’Académie Jaroussky, avec des personnalités telles qu’Éric Chardon, Han Bin Yoon et Anne Gastinel. Et finalement, il fait de sa différence sa force. Lauréat des concours Breughel (2022), Buchet (2020) et Edmond Baert (2019), il devient violoncelle-soliste de l’Opéra royal de Wallonie-Liège entre 2019 et 2022. Mais refuse de s’enfermer dans un carcan. “Je ne crois pas au talent, mais au travail. Je ne me suis jamais projeté dans le répertoire classique au sens strict. Je ne serai jamais Rostropovitch ou Queyras. Mais je suis enthousiaste, et le public le sent.“ Au contact de musiciens issus de divers univers, il façonne un répertoire qui lui est propre et qui mêle les genres sans distinction. A l’image de Roots, son récent album sorti chez Cypres qui se consacre à la musique contemporaine américaine en miroir de sa jeunesse à Seattle, dans toute sa diversité. De Caroline Shaw à Reena Esmail en passant par Andrea Casarrubios. Aujourd’hui, il cultive un répertoire personnel, en mouvement constant. Il se produit tout l’été en Belgique dans des configurations variées. Il a même fondé son propre festival à Namur, avec l’ambition de croiser les publics et les esthétiques. Fidèle à sa ligne : faire découvrir, créer du lien, oser la transversalité. Gaëlle Moury, Le Soir / MAD Pierre Fontenelle est déjà dans wallonica : FONTENELLE, Pierre (né en 1997) ; Il est le directeur artistique du festival Concerts des Dames ; Il a également un site officiel bien documenté… [LABELCYPRES.COM] Le passeport reflète-il l’identité culturelle ou la nationalité ? Belge de naissance, mais ayant grandi aux États-Unis à Seattle, la question de l’appartenance identitaire a été une constante dans la vie du jeune violoncelliste Pierre Fontenelle. Il dédie son premier enregistrement discographique solo à l’Amérique du 21ème siècle dans laquelle il a grandi en rendant hommage à toute la diversité de cette société. Les œuvres proposées sont le reflet des nombreuses vagues d’immigration qui ont forgé ce multiculturalisme célébré par le milieu musical, une synthèse de la musique classique européenne, du blues, du jazz, du rock mais aussi plus récemment de la musique du monde. L’album est essentiellement dédié à trois compositrices avec lesquelles Pierre a eu l’occasion de travailler : Caroline Shaw, Reena Esmail et Andrea Casarrubios. Un second volume à venir sera consacré à son pays natal, la Belgique. statut : validé | mode d’édition : partage et iconographie | sources : pierrefontenelle.com ; lesoir.be ; rtbf.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © pierrefontenelle.com ; © youtube.com ; labelcypres.com | Nous avons adoré Roots ! Plus de musique en Wallonie ? [...] Lire la suite…
Aux sources de la démocratie : penser le ‘commun’ avec Alcméon, Héraclite et DémocriteAux sources de la démocratie : penser le ‘commun’ avec Alcméon, Héraclite et Démocrite
[THECONVERSATION.COM, 15 juillet 2025] Notre démocratie est en crise, comment la réinventer ? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent les penseurs de la démocratie ? Premier volet de notre série consacrée aux philosophes et à la démocratie avec Alcméon, Héraclite et Démocrite, trois Grecs contemporains de l’invention démocratique, au Ve siècle avant notre ère. La réflexion ancienne sur la démocratie peut-elle nous aider à comprendre et à résoudre les crises que traversent nos démocraties ? Il faut certes se méfier des ressemblances induites par la persistance des mots. Au Ve siècle avant notre ère, le mot “démocratie” devient courant en Grèce ancienne pour caractériser un type de régime qui donne le pouvoir (kratos) au peuple (dêmos). Il s’agissait d’un régime assurant la domination du peuple – pris aussi en un sens social et économique, par opposition aux élites – par le biais d’institutions où il se rassemble ou par l’intermédiaire du tirage au sort (respectivement l’Assemblée ou le Conseil, à Athènes). La démocratie est cependant plus que cela, et c’est ce que l’on peut découvrir en explorant sa préhistoire au sein des cités grecques du VIe siècle avant notre ère, qui furent secouées par d’intenses crises sociales et donnèrent lieu à un haut degré d’innovation institutionnelle. Cet âge de l’expérimentation politique met en avant la mobilisation collective pour défendre et sauvegarder les institutions, et voit émerger la cité comme une forme du commun, une manière d’agir ensemble et de prendre soin des biens communs. C’est sous cet aspect que les expériences politiques de l’Antiquité grecque stimulent de nouveau la réflexion sur les expérimentations démocratiques contemporaines, comme le montre le travail original de Chloé Santoro, qui a examiné le dispositif de la convention citoyenne sur la fin de vie (CCFV) à l’aune de l’Athènes antique, pour en sonder les limites et les potentialités. Les philosophes des VIe et Ve siècles, ceux que l’on dit “présocratiques” et que l’on tient souvent pour des penseurs de la nature, peu intéressés par la politique, peuvent-ils aussi contribuer à cette réflexion ? Alcméon, Héraclite et Démocrite nous donnent en effet, chacun à leur manière, accès au sens de cette expérience d’invention du commun dont ils furent les témoins. Ils nous rappellent que la démocratie ne saurait être viable si elle n’est pas, elle aussi, une forme de mise en commun des tâches et des devoirs, des joies et des peines ; qu’elle suppose de réaliser une certaine forme d’égalité et que chacun perçoive la loi comme un bien commun ; qu’elle suppose enfin que la vie des cités s’accorde avec l’ordre du monde et ne se détourne pas de la réalité. Avant la démocratie : penser l’isonomie avec Alcméon Alcméon de Crotone était un savant, actif au tournant du Ve siècle, dans cette colonie grecque du sud de l’actuelle Italie, région que l’on appelait alors “Grande Grèce” tant elle était peuplée de cités grecques. Dans un fragment de son œuvre perdue (DK 24 B 4), nous le voyons expliquer qu’un corps est en bonne santé, si les “puissances” qui sont en lui, à savoir le chaud, le froid, le sec, l’humide, l’amer, le doux entrent dans un mélange bien proportionné. En revanche, la maladie se déclare sous l’effet d’un excès de ces puissances, si par exemple le chaud ou le froid prend l’ascendant sur les autres. La santé serait donc une “isonomie des puissances“, tandis que la maladie serait une “monarchie” au sein de celles-ci. Apparemment, Alcméon ne nous parle que de santé et de maladie. Pourtant, son vocabulaire semble avoir une résonance politique. Que signifie en particulier ce terme d’isonomie ? Alcméon est contemporain d’un événement qui s’est déroulé autour de 510, dans l’île de Samos, proche de la côte de l’actuelle Turquie, et qui nous été raconté par Hérodote, dans ses Histoires (III, 142). Alors que l’île est sous la menace d’une invasion perse et que son tyran vient d’être assassiné, un certain Maiandros, assurant le pouvoir par intérim, décide de convoquer une assemblée, déclare “poser au milieu le pouvoir” et proclame “l’isonomie” des citoyens. La “mise au milieu” correspond à l’une des manières dont les Grecs créent des choses communes, en partageant au sein d’une communauté un bien auquel chacun peut prétendre prendre part. Les pratiques de distribution étaient fréquentes dans ces sociétés très anciennes : la viande au banquet, le gibier entre chasseurs ou le butin entre guerriers devient ainsi une chose commune. Ce qui est posé au milieu, c’est ce dont chacun aura une part et dont personne n’aura plus qu’un autre. C’est donc le pouvoir qu’il s’agit de partager ainsi entre tous les citoyens, et c’est précisément cela, le sens de l’”isonomie“, à savoir que chacun ait une part égale du pouvoir, que chacun l’exerce, ensemble ou à son tour. Voilà ce que Maiandros pense qu’il faut faire entre égaux, car c’est le partage égal qui convient aux égaux. Nous comprenons mieux ce qu’Alcméon voulait dire d’un corps en bonne santé : comme la bonne cité, un corps sain fait contribuer toutes les puissances à son bon fonctionnement, selon un mélange bien proportionné, qui peut inclure des moments d’action commune et des moments d’action alternée. La monarchie, dans un corps comme dans une cité, ouvre la voie à l’excès de puissance et à la maladie. Nous comprenons que pour Alcméon, il n’y a pas d’un côté de la politique et de l’autre de la nature et des corps – il y a, en toutes choses, des forces qui concourent à maintenir l’ordre commun et des forces qui le menacent. Au fondement de la cité et de l’univers : penser le commun avec Héraclite D’une vingtaine d’années plus jeune qu’Alcméon, Héraclite d’Éphèse est né autour de 520, dans cette cité du littoral occidental de l’actuelle Turquie qu’on appelait alors l’Ionie, une région elle aussi peuplée de cités grecques. Héraclite développe une réflexion sur le “commun” : il emploie le terme grec xunos (qui sera remplacé en grec classique par koinos), qui caractérise précisément la chose qui est commune entre les membres d’une communauté, par opposition à ce qui est individuel (idios). Ainsi, la réalité de notre monde est une forme de commun, à laquelle nous accédons lorsque nous faisant vraiment usage de notre pensée, qui, elle aussi, est donnée en commun à tous (fragment 113). Lorsque nous croyons avoir une pensée individuelle, nous sommes comme les rêveurs qui s’éloignent, le temps de leur sommeil, du monde commun (fr. 89). Contrairement à ce que dira le sophiste Protagoras, aucun individu n’est la mesure des choses : la réalité, c’est ce qui nous est commun. Ce à quoi nous pensons accéder seuls n’est que du vent. Cette pensée a aussi une dimension politique. Héraclite établit une analogie entre la manière dont la pensée qui connaît l’univers s’appuie sur “ce qui est commun à tous” et la manière dont la cité s’appuie sur la loi (fr. 114). La cité ne vivra que pour autant que les lois humaines qui la nourrissent se fondent sur les lois qui gouvernent toutes choses, lois qui sont divines. Là encore, rien n’est plus opposé à ce que dira le sophiste Protagoras, fondant l’accord démocratique sur les seules perceptions partagées, à un moment donné, par les citoyens de la cité. Une cité ne se gouverne pas comme il nous plaît de le faire, mais comme il faut qu’elle le soit pour prendre place au sein d’une réalité plus vaste. Dès lors, il n’y a pour le peuple qui veut faire prévaloir l’intérêt commun qu’une seule voie possible, indiquée par le fragment 44 : “Le peuple doit combattre pour sa loi comme pour son rempart.” La loi qui fonde le commun protège le peuple, y compris de lui-même ; elle lui permet d’être une communauté et, ainsi, de trouver sa place au sein de l’univers. Héraclite témoigne ainsi d’un siècle de réformes politiques par lesquelles on tentait de résoudre les crises qui divisaient le peuple, opposaient les riches et les pauvres, en réinstituant la communauté sur de nouvelles bases, par diverses méthodes de brassage et de redistribution des places et des rôles. La grande réforme à laquelle on attribue, en 507-508, l’apparition de la démocratie à Athènes, la réforme de Clisthène, est l’aboutissement de cette histoire, celle de l’art politique de brasser la population pour lui rendre la concorde et lui offrir une nouvelle capacité d’action collective. S’engager ou ne pas s’engager dans les affaires publiques : Démocrite Démocrite d’Abdère, né vers 470, dans cette cité de Thrace située sur le littoral face à l’île de Thasos. Elle fut durant la vie de Démocrite une démocratie, et le philosophe semble ainsi avoir eu l’occasion de réfléchir à la vie démocratique et à ses vicissitudes. Il explique que lorsque l’on a du bien, il n’est pas convenable, et certainement peu profitable, “de négliger ses affaires pour œuvrer à celles des autres” (fr. 253). Le riche peut ainsi avoir tendance à ne voir dans le commun que ce qui intéresse les autres. Mais, poursuit Démocrite, si l’on ne néglige pas les affaires publiques et que l’on accomplit son devoir civique, on peut aussi se faire une mauvaise réputation “même si on ne vole pas ni ne commet d’injustice“, car la vie au service de la cité nous donne mille occasions de commettre des erreurs et d’être exposé au ressentiment de nos concitoyens. Vivre dans une démocratie qui exige de chacun qu’il fasse sa part, c’est donc toujours prendre le risque de se voir reprocher de ne pas agir assez – comme le riche qui préfère ne s’occuper que de ses affaires – ou d’agir trop – comme le citoyen qui se mêle de tout et mécontente chacun. Démocrite semble avoir éprouvé les fatigues de la démocratie. Pourtant, il nous rappelle, dans le fragment 252, qu’”il faut faire le plus grand cas des affaires de la cité, afin qu’elle soit bien administrée.” En effet, “sa sauvegarde est la sauvegarde de tout, et sa ruine est la ruine de tout“. Or, ajoute-t-il, il semble que la seule manière de préserver la cité, ce soit que chacun s’abstienne de vaincre ses adversaires “au détriment de l’équité” et que personne ne parvienne à “s’approprier le pouvoir contre l’intérêt commun“. Voilà donc ce à quoi nous condamne la vie démocratique : il ne faut cesser d’endurer le poids de l’engagement, si nous voulons éviter que le commun ne cède sous la pression des ambitions des uns et de la désaffection des autres. Au fond, les penseurs anciens nous disent peut-être qu’une démocratie ne tient qu’aussi longtemps qu’elle est une chose commune, c’est-à-dire une république. Arnaud Macé, auteur de La République (CNRS Editions, 2025) statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © houseofswitzerland.org. Plus de presse en Wallonie… [...] Lire la suite…
ARTIPS | Alechinsky : laissez parler les p’tits papiersARTIPS | Alechinsky : laissez parler les p’tits papiers
[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 7 juillet 2025] Où l’on découvre que le recyclage, c’est tout un art. Nous sommes au début des années 1950. Pierre Alechinsky vient de terminer des études de typographie à Bruxelles, sa ville natale, et se lance dans une carrière de peintre en France. De Saint-Ouen à Aix-en-Provence, il se met à écumer les marchés aux puces, les arrière-boutiques des libraires ou encore les greniers des notaires à la recherche de vieux papiers. Lettres intimes ou officielles, cartes géographiques obsolètes, actes notariés, pages tombées d’ouvrages divers, factures oubliées… Sa collection s’étoffe au gré de ses trouvailles. Mais que compte-t-il faire de tous ces “rescapés de la paperasse“, comme il les appelle tendrement ? Eh bien, il ne va pas tarder à leur donner une seconde vie… artistique ! Oui, car Alechinsky s’en sert comme support pour créer de nouvelles œuvres dessinées, peintes ou gravées. Bien sûr, l’artiste prête une grande attention à la texture, à la couleur et à la résistance de ces feuilles qui lui servent de toiles. Mais ce qui y est inscrit l’intéresse tout autant. Il aime justement travailler à partir de ce qui existe déjà, “collaborer” avec les auteurs anonymes de ces documents, en détourner le sens avec humour et poésie. Les planches d’un manuel de botanique du 18e siècle se muent ainsi en créatures fantastiques en quelques traits à l’encre de Chine, tandis que de vieux titres boursiers reprennent de la valeur grâce à ses coups de pinceau. Quant aux tapuscrits (comme des manuscrits, mais tapés à la machine) de l’un de ses amis écrivains, Alechinsky les orne de ses dessins et les dispose comme des vignettes sous une peinture colorée. Cela devient même sa marque de fabrique : les “remarques marginales“. Une expression empruntée au jargon de la typographie… comme en souvenir de ses études ! Charlotte Dubus-Hamel statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Pierre Alechinsky à l’imprimerie Clot, Bramsen et Georges (Paris, 1972) © Christian Gibey ; © Pierre Alechinsky. Plus d’arts visuels en Wallonie… [...] Lire la suite…
LANJOUÈRE, Manon (née en 1993)LANJOUÈRE, Manon (née en 1993)
Des astres aux fonds marins, Manon Lanjouère, artiste, a toujours cherché à tisser un lien entre art et science. Elle s’intéresse d’abord à l’astrophysique, jusqu’à sa rencontre en 2019 avec l’astronaute Jean-François Clervois, qui lui raconte son observation de la beauté et la vulnérabilité de la Terre, depuis l’espace. “Cela a suscité chez moi l’envie d’atterrir et d’ancrer mon travail sur des questions environnementales.” Depuis l’enfance, la jeune artiste bretonne a vécu dans une approche respectueuse de la nature. L’appel du large Elle a toujours nourri, aussi, une vive appétence pour la science, fascinée par les illustrations des encyclopédies, prenant plaisir à inventorier et à répertorier, par exemple des fiches techniques sur les coraux. L’aventure de la résidence scientifique Tara au large du Brésil en 2021 est un vrai choc pour elle. Elle y découvre “tout ce monde invisible que l’on est en train de détruire” tels les planctons. “Cette expérience m’a permis de prendre conscience du pouvoir de l’art et du sensible comme outil pour militer en faveur de la préservation du vivant.” Fascination du vivant Se considérant comme “une artiste chercheuse”, Manon Lanjouère reste enjouée malgré la gravité des sujets, tel celui des résidus de plastique en mer. Alliant science, art et poésie, elle propose dans Les Particules un référencement surréaliste de créatures mutantes, bioluminescentes sous forme de cyanotypes : l’Asterionellopsis glacialis(coton-tige), la Tubularia indivisa (paille pour boire), la Licmophora flebellata (touillette à café)… Son prochain projet est un film sur les ravages des chalutiers, dont le labour continu détruit des fonds marins. Elle reste optimiste et “ose espérer un réenchantement” en changeant nos habitudes. “Le vivant est résilient. La vie vient de l’eau, notre survie dépend de ce milieu-là.” Valérie de Maulmin [VIENSVOIR.OAI13.COM, 20 mars 2024]   Manon Lanjouère est une artiste qui plonge la photographie dans des océans d’imaginaire. Nous sommes allés la rencontrer dans son atelier pour un entretien qui détaille son approche artistique. Après une heure trente d’entretien chaleureux quoique dans une température glaciale, tandis qu’elle me raccompagnait et que je lui disais que je me donnais pour but d’entrer dans “la cuisine de l’art“, Manon Lanjouère approuva vivement et ajouta : “beaucoup de gens se font une idée fausse des artistes, il croient que nous procédons par illuminations, alors qu’il y a beaucoup de vécu et de travail derrière la création.” Et c’est bien ce que je poursuis à travers ces entretiens : montrer que la création s’enracine et croît dans un humus plus ou moins épais. Généalogie de l’artiste C’est précisément par son arbre généalogique que nous avons commencé. “J’ai grandi dans les coulisses du théâtre du Châtelet, à Paris, où ma maman a travaillé pendant 35 ans. Je me promenais dans les décors, j’allais frapper à la porte des loges des comédiens pour les rencontrer, c’était un peu magique. Ça a forcément marqué ma pratique photographique puisque j’aime bien construire beaucoup de choses avant de venir à la photographie. C’est pourquoi je dis souvent que je suis une fausse photographe (dans la suite de l’entretien, elle utilisera le terme d’artiste visuelle). C’est de là que vient mon goût de la mise en scène. Après le lycée, j’ai étudié en histoire de l’art pendant trois ans, pour pouvoir ensuite entrer à l’Ecole des Gobelins. Mais c’est ma première formation qui m’a probablement le plus influencée, plus que celle en photographie, parce que c’est là que ma créativité s’est développée. J’adore le XIXème siècle, les prémices de la photographie et je cherche souvent à rendre ces oeuvres plus contemporaines, à faire des clins d’oeil à ces premiers travaux photographiques. Ça donne une direction à mes recherches avant même qu’elles ne commencent.” Un autre facteur déterminant pour son travail repose sur sa sensibilité écologique. Et là, se dévoile l’importance de l’autre branche de l’arbre généalogique. “C’est mon papa qui m’a initié à la photographie, mais nous partageons surtout l’amour de la mer, dans de longues traversées qui sont autant de moment d’intimité. J’ai commencé à faire du bateau très jeune et les premières fois, tu as peur quand tu réalises que tu ne vois plus la côte. Mais même s’il y a des moments difficiles, tempêtes, mal de mer, ça me met toujours à ma place d’humain. Dès que tu es en pleine mer, tu crées un lien particulier avec l’élement naturel, presque un rapport amoureux. Ça vient de là, le fait que dans mes projets, je me questionne beaucoup sur la manière dont je me comporte quand je traverse un paysage. Je suis travaillée par la trace, l’empreinte qu’on laisse quand on interagit avec l’environnement.” Dans l’atelier Dans l’atelier de Manon Lanjouère, nous sommes entourés de livres, d’images et de documents de travail qui me donnent envie d’entrer plus profondément dans les différentes phases de la création. “Au début d’un projet, il y a énormément de lectures ; puisque je travaille de plus en plus en collaborant avec des scientifiques, je lis pour pouvoir me préparer à leur poser des questions. Par exemple, pour le projet de résidence sur le bateau Tara, il y a quasiment une année de préparation avant d’embarquer. Ce ne sont pas que des lectures scientifiques, ça peut être aussi des fictions, des livres qui m’ont portée : des livres-références (une bibliographie est proposée en fin d’article). Il y a presque toujours un Jules Verne qui accompagne chacun de mes projets, ici, Vingt mille lieues sous les mers, des films (Ponyo sur la falaise de Miyazaki), etc. Et bien sûr, des images. Je regarde celles liées à d’anciennes périodes des sciences, elles m’inspirent beaucoup parce qu’en elles la poésie se mélange à la science. Après cette période de recherche et de collecte, je vais composer des sortes de moodboard, comme celui qui est derrière toi. A l’intérieur, les choses, les sources d’inspiration se connectent entre elles et progressivement, l’oeuvre ou la pièce apparaît.” Genèse, conception Et là, tu commences à penser aux photos que tu vas produire ? “Ça s’articule presque en même temps que la scénographie.” C’est le bon mot, scénographie ? “C’est vrai que c’est plutôt de l’ordre de l’installation photographique. Par exemple, pour le projet “les Particules” qui traite de la pollution plastique dans les océans, je savais que j’allais utiliser des déchets pour représenter des micro-organismes marins et j’avais en tête une exposition qui serait immersive. Le choix du support et du rendu des oeuvres s’est fait dans ce sens là. Le parti-pris du cyanotype sur verre me permettait notamment de reprendre la technique ancienne de l’orotone et de venir rehausser les parties transparentes du verre avec de la peinture fluorescente. Cela me permet de plonger tout l’espace d’exposition dans le noir, en lumière noire. Alors, les oeuvres “s’illuminent”, on plonge dans les abysses, celles de Vingt mille lieues sous les mers. Il y avait aussi l’idée de jouer sur la distance à laquelle le spectateur regarderait les œuvres pour qu’il y ait un effet de surprise quand il comprendrait que ces cyanotypes de micro-organismes sont en réalité des re-créations constituées de déchets plastiques. Enfin, il y a l’aspect éthique puisque la fabrication de mes œuvres ne doit pas participer à la société de consommation du plastique. Au final, tous ces paramètres vont influencer la matérialité de mes futures pièces.” De l’éthique dans la photographie Est-ce que tu te tiens à un protocole précis pour la production des œuvres ? “Oui et non. Ce que je veux protocolaire, ici, c’est l’usage du plastique pour représenter une forme de vivant. Mais dans ce projet, chaque pièce répond à un protocole différent : parfois, elle est fabriquée à partir de déchets que j’ai collectés ; d’autres fois, par exemple pour la diatomée constituée de touillettes à café, puisque ces touillettes sont désormais interdites en France, j’ai imprimé la pièce en 3D en utlisant des matériaux bio-sourcés. Et d’autres pièces correspondent à des photomontages.” Ce sujet de la pollution plastique sur les micro-organismes te tient à cœur, bien sûr. “Oui, sur le bateau Tara, j’ai observé ces particules au microscope. Soudain, dans un minuscule échantillon d’eau, tu vois des milliers d’espèces. Et tout cela est invisible à l’oeil nu… Sur un autre plan, c’est un sujet qui n’a pas beaucoup de visibilité parce qu’il n’y a pas d’images-choc comme, par exemple, la tortue qui étouffe à cause d’un sac en plastique ou l’hippocampe qui traîne un coton-tige.” Mais tes images n’ont pas le style de celles qui provoquent une réaction épidermique. “C’est très volontaire parce que je ne sais pas si l’envie de changer passe par le dégoût, comme si cette émotion avait pour effet de tétaniser celle ou celui qui reçoit l’image. Personnellement, je voulais créer de belles images pour faire appel au sensible et toucher ainsi une autre forme de discours. Ça pousse peut-être à chercher plus à comprendre l’oeuvre, à faire l’effort de lire la légende qui est intégrée dans l’image et qui reprend très directement les étiquettes du British Algae d’Anna Atkins. J’essaie aussi de donner des clefs de lecture dans un petit vestibule un peu à part de l’exposition. Inciter les spectateurs à aller plus loin sans les forcer.” Le travail de l’artiste Comment se passe la production des pièces ? Tu t’enfermes dans la chambre noire pendant des mois ? “Non, ce n’est pas toujours moi qui les fait. Par exemple, très peu de gens en Europe font du cyanotype sur verre, la manipulation en est compliquée donc je leur vais déléguer cette partie en leur transmettant fichiers et négatifs. Dans la mesure où, sur chaque nouveau projet, je change d’écriture photographique, si je produisais toutes mes pièces de A à Z, le temps serait démultiplié. Et tu l’as compris, ce qui me plaît le plus dans un projet, c’est toute la partie consacrée à la recherche et à la conception. Mais ça dépend aussi des projets. J’aime manipuler les choses et avoir un rapport physique à l’oeuvre d’art mais je ne me sens pas obligée de tout faire moi-même ; je travaille avec deux assistants spécialisés et par exemple, je ne fais plus mes retouches moi-même. Evidemment, c’est un investissement mais ça permet aussi d’intégrer d’autres personnes avec d’autres regards qui stimulent ma pratique. Je ne veux pas être une artiste qui bosse toute seule dans son coin.” Et demain ? Je trouve que tu as un sens de l’accrochage très juste, sur les hauteurs, les écarts entre les pièces, la séquence. Comment fais-tu ? “Je ne saurais pas l’expliquer. Je vois beaucoup d’expositions, je prête beaucoup d’attention aux détails : système d’accroche, type d’encadrement. Je fais beaucoup de photos que je classe dans des carnets et quand je monte une expo, je me plonge dedans pour chercher des formes qui seront liées au sens du projet.” Des modèles pour toi ? “Oui, bien sûr, mais pas forcément des photographes. Sauf évidemment, Joan Fontcuberta. Parmi les artistes contemporains, Roni Horn. Et puis des scénographes comme Rolf Börzik (scénographe de Pina Bausch) et, grosse influence, le metteur en scène Bob Wilson. Récemment il y a aussi Gilles Aillaud, et Dominique Gonzalez-Foerster.” Tu te sens militante ? “Depuis peu, oui. Avant, j’étais peut-être trop jeune et j’avais un peu peur d’inclure du politique dans ma démarche. Mais aujourd’hui, je pense que mon discours militant s’illustre à travers mes projets. C’est aussi parce que j’essaie de beaucoup les accompagner, donner des conférences, sensibiliser, organiser des ateliers pour faire découvrir ce monde microscopique en même temps que des gestes artistiques.” Pour finir, si tu te projettes dans trente ans, tu te vois toujours pratiquer la photographie ? Pas forcément. La photo, pour moi, c’était peut-être une porte d’entrée. Et c’est aussi pour ça que je vais chercher des nouvelles pratiques, parce que ce sont des découvertes qui mettent du réenchantement. Peut-être qu’un jour je vais me réveiller et vouloir faire de la mise en scène pour le théâtre… Pour moi, le plus important, c’est ce que j’ai envie de raconter à travers mes projets et pour l’instant, c’est de l’ordre du miltantisme écologique. Mais pour le futur, je ne m’interdis rien du tout. Bruno Dubreuil statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Manon Lanjouère, P.O.E.M (Particules de polyéthylène modèles pour l’étude des micro/nano-plastiques dans les océans), 2023-2024, tissage de fragments issus de 250 bouteilles plastique ©ADAGP | visiter le site de Manon Lanjouère Plus d’arts des médias en Wallonie et à Bruxelles… [...] Lire la suite…
Pratiquer les langues autrement : l’IA comme partenaire de conversation ?Pratiquer les langues autrement : l’IA comme partenaire de conversation ?
[THECONVERSATION.COM, 6 juillet 2025] Les robots conversationnels ou “chatbots” font partie de ces innovations en matière d’intelligence artificielle qui peuvent séduire les élèves s’initiant à une langue étrangère. Mais comment les utiliser de façon pertinente ? Que peuvent-ils apporter quand elles sont mises en place dans un cadre pédagogique bien réfléchi ? En avril dernier, une lycéenne italienne expliquait à la radio comment elle avait réussi à améliorer son français grâce à un “application magique” avec qui elle discutait chaque soir. Cette application, c’est ChatGPT, le fameux agent conversationnel boosté à l’intelligence artificielle (IA). Son témoignage illustre un phénomène mondial : les jeunes – et moins jeunes – utilisent désormais ces outils pour apprendre, réviser ou pratiquer. L’intelligence artificielle générative (IAG) a aujourd’hui atteint un niveau de maturité tel qu’elle peut soutenir efficacement l’apprentissage des langues. Les outils sont désormais multilingues, adaptables, capables de générer du contenu écrit ou oral, et ajustés aux demandes de chacun. Mais que faire de cette IA qui parle (presque) toutes les langues ? Est-ce une menace pour l’école ou une chance pour apprendre autrement ? Un robot qui répond toujours, sans juger Parmi les nombreuses innovations récentes dans le domaine de l’intelligence artificielle et des technologies éducatives, les robots conversationnels (les “chatbots“) sont les plus accessibles : il suffit de poser une question, et ils répondent à l’écrit comme à l’oral. Ils peuvent tenir une conversation, corriger une phrase, reformuler une expression ou jouer un rôle (serveur, guide touristique ou enseignant de langue…). Ce sont des alliés intéressants pour pratiquer une langue à son rythme, sans peur du jugement. Un étudiant timide peut s’entraîner à parler espagnol dans un café fictif sans craindre de faire des fautes. Un adulte peut répéter les mêmes phrases vingt fois sans gêner personne. Ces dialogues, même artificiels, stimulent l’apprentissage. Des outils comme CallAnnie, Gliglish, LangAI, Talkpal ou les versions avancées de Duolingo proposent aujourd’hui des conversations avec un tuteur basé sur l’IA, adaptées au niveau des apprenants. Certains enseignants conçoivent même leurs propres chatbots éducatifs pour mieux coller au niveau ou aux attentes de leur public. Agents conversationnels : les coulisses de la “machine” Mais comment ces robots peuvent-ils “comprendre” nos messages ? En réalité, ces robots n’ont pas la faculté de compréhension des êtres humains : ils fonctionnent par prédiction statistique. Autrement dit, ils prédisent la suite la plus probable d’un texte en s’appuyant sur des milliards de données textuelles issues du web. C’est ce qu’on appelle un modèle de langage. Ces modèles – comme GPT (OpenAI) ou BERT (Google, Meta) – sont le résultat d’un algorithme complexe, d’une programmation informatique et de ce qu’on appelle aujourd’hui la culture du prompt, c’est-à-dire l’art de formuler une requête efficace pour générer une réponse pertinente. Leurs réponses sont souvent très fluides, naturelles, parfois impressionnantes… mais elles peuvent aussi être fausses, incohérentes ou biaisées. C’est pourquoi un cadre pédagogique est indispensable : un dialogue sans médiation humaine reste limité. Savoir interagir avec l’IA devient une compétence clé, qu’on appelle désormais la littératie en IA. Cela implique de : comprendre que l’IA ne “comprend” pas comme un humain, se méfier de l’illusion de “tout savoir” qu’elle peut donner aux apprenants ; savoir formuler des requêtes (ou prompts) efficaces pour générer une réponse pertinente, acquérir ce qu’on appelle aujourd’hui la culture du prompt ; être capable d’évaluer la pertinence des réponses, de repérer les erreurs, les biais ou les stéréotypes ; adopter une posture critique et respecter l’éthique numérique (vérification des sources, protection des données, etc.). Les enseignants ont un rôle essentiel à jouer pour guider les apprenants vers un usage réfléchi, créatif et responsable de ces outils. Une expérience en classe : parler avec un chatbot Dans une université française, une équipe a testé un chatbot développé avec Mizou auprès de 16 étudiants débutants en français (niveau A1). Objectif : renforcer l’expression orale via des jeux de rôle simples. Les résultats sont encourageants : les étudiants ont gagné en confiance, se sentant moins jugés et plus motivés à parler. Toutefois, certaines réponses générées par le chatbot étaient trop complexes par rapport au niveau attendu – par exemple, des phrases longues avec un vocabulaire difficile ou des formulations trop soutenues. D’autres étaient parfois trop répétitives, ce qui pouvait entraîner une perte d’intérêt. Ce retour d’expérience confirme l’intérêt de ces outils… à condition qu’ils soient bien accompagnés d’un suivi humain. L’un des atouts majeurs de l’IA est sa flexibilité : débutants, intermédiaires ou avancés peuvent y trouver des bénéfices. Pour les premiers, les chatbots permettent de pratiquer des situations quotidiennes (‘se présenter’, ‘commander’, ‘demander son chemin’). Les niveaux intermédiaires peuvent enrichir leur expression ou corriger leurs erreurs. Les plus avancés peuvent débattre ou s’exercer à rédiger avec un retour critique. L’IA n’a pas vocation à remplacer les échanges humains, mais elle les complète, en multipliant les opportunités d’interaction. Les chatbots ne remplacent pas la richesse d’une vraie relation humaine, mais ils peuvent aider à préparer des échanges. Avant de converser avec un correspondant étranger, l’apprenant peut s’exercer avec l’IA pour gagner en fluidité et confiance. De même, avant un séjour à l’étranger, discuter avec un chatbot permet de se familiariser avec les phrases clés et les situations courantes. Certains apprenants utilisent aussi l’IA pour traduire ou vérifier une formulation. L’enjeu n’est donc pas de remplacer les interactions humaines, mais de multiplier les occasions d’apprendre, à tout moment, dans un cadre sécurisé et individualisé. L’IA conversationnelle n’est pas une baguette magique, mais un outil prometteur. Lorsqu’elle est utilisée avec recul, créativité et esprit critique, elle peut véritablement enrichir l’enseignement et l’apprentissage des langues. Demain, les apprenants ne dialogueront plus uniquement avec des enseignants, mais aussi avec des robots. À condition que ces agents soient bien choisis, bien paramétrés et intégrés dans un cadre pédagogique réfléchi, ils peuvent devenir de puissants alliés. L’enjeu est de taille : former des citoyens plurilingues, critiques et lucides – face à l’intelligence artificielle, et avec elle. Sophie Othman, Université Marie et Louis Pasteur (UMLP) statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Disney. Plus de presse en Wallonie… [...] Lire la suite…
CHEVALIER : Vers des histoires plus solairesCHEVALIER : Vers des histoires plus solaires
[CALLIEGE.BE/SALUT-FRATERNITE, n°130, 1er juillet 2025] Depuis quelques années, le milieu de l’imaginaire francophone, c’est-à-dire des auteurices et éditeurices des littératures dites de l’imaginaire (science-fiction, fantasy et fantastique, notamment), s’interrogent davantage sur les nouveaux récits : le renouvellement des imaginaires. Consœurs et confrères de la science-fiction, prenons conscience de nos responsabilités ! Puisqu’on nous demande de dessiner quelques portes ouvertes sur demain, choisissons intelligemment le paysage que nous installons derrière ! Et si nous sortions des seuls scénarios catastrophe ou des récits post-apocalyptiques, qui avaient sans doute leur plein sens quand il ne s’agissait que d’alerter, mais qui, quand les catastrophes sont déjà là, à l’œuvre, partout dans le monde autour de nous, ont surtout pour résultat de paralyser ? D’empêcher d’agir comme de penser. Quand le noir est complet, quand le monde nous angoisse, que tout part en vrille, il faut rallumer quelques lumières, non toutes les éteindre. Ainsi seulement nous pouvons continuer d’avancer, quitte à trébucher quelquefois en route – cela arrive. L’apocalypse est facile à écrire… En tant qu’autrice, je peux l’affirmer : effrayer est facile. Sortir les grands moyens pour terrifier ou faire pleurer les lecteurices est toujours beaucoup plus aisé que d’émerveiller sincèrement. En se focalisant, à l’écriture, sur les sentiments négatifs, on atteint directement ce que nos cerveaux ont de plus archaïque, et les lecteurices sont capturés, obligés de tourner la page encore et encore. Savoir susciter et alimenter l’enthousiasme, l’espoir, là réside le vrai défi. En somme, s’opposent deux voies narratives, deux types de science-fiction, donc de rapport à l’avenir, mais aussi au présent. D’un côté une science-fiction de la peur. La peur du changement, la peur du différent ou de l’invasion, la peur de perdre ce qu’on possède, la peur de tout ce qui n’est pas ici et maintenant, la peur qui mène à la haine et surtout au désespoir. De l’autre côté une science-fiction de l’espoir, de la confiance, de l’ouverture – de l’acceptation de tout ce qui suscite la peur dans l’autre voie ? Choisir son cap Pour désigner cette nouvelle tendance de la science-fiction, certains parlent de ‘solarpunk’, d’autres de ‘hopepunk’ (deux termes construits en référence au sombre ‘cyberpunk’) qui convoquent l’espoir ou le durable. D’autres parlent juste de retour à l’utopie, pour résister aux (trop ?) nombreuses dystopies qui émaillent le genre. Au fond, il ne s’agit que d’étiquettes : l’important réside dans la dynamique adoptée, la direction choisie. Rappelons ici qu’utopie n’est pas un synonyme de projet optimiste. L’utopie n’est pas un objectif concret à réaliser, pas un projet matériel avec une marche à suivre, un mode d’emploi. C’est un horizon vers lequel se diriger, un non-lieu qui ne cesse de reculer quand on l’approche… et ce pour toujours garder un cran d’avance. Il ne faut pas atteindre l’utopie, seulement la poursuivre. L’utopie, ce n’est pas non plus le bonheur individuel, restreint. C’est l’harmonie, au sens musical du terme, les cordes harmoniques, la résonance, avec ses convictions, ses espoirs les plus audacieux. Chloé Chevalier, écrivaine et scénariste statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : Salut & Fraternité (Centre d’Action Laïque) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © CAL Liège ; © architizer.com. Plus de prises de parole en Wallonie… [...] Lire la suite…
Pourquoi la musique sonne-t-elle juste ou faux ?Pourquoi la musique sonne-t-elle juste ou faux ?
[THECONVERSATION.COM, 17 juin 2025] Pourquoi la musique sonne-t-elle juste ou faux et pourquoi seuls quelques élus après un travail forcené sont-ils capables de jouer ensemble et juste ? La réponse à cette question relève autant des mathématiques et de la physique que de la physiologie. S’il arrive souvent qu’on perçoive dans diverses circonstances que certaines personnes, même seules, chantent faux, c’est parce qu’elles s’éloignent de façon très significative de l’échelle musicale attendue. Pour fixer les idées, si dans une mélodie, la note attendue est un La3 (le la au milieu du clavier) sa fréquence devrait être de l’ordre de 440 Hz, c’est-à-dire 440 oscillations par seconde. Si elle dévie de plus de 10 Hz, elle sera suffisamment éloignée de l’attendu pour choquer les auditeurs qui connaissent la mélodie. Les échelles musicales ont une grande part d’arbitraire et leur perception relève donc de l’acquis. Quelqu’un qui n’a aucune culture musicale ne sera en aucun cas choqué par ces déviations. D’ailleurs, les échelles musicales qui ne relèvent pas de notre culture telles que les échelles orientales ou les échelles en quart de tons nous paraissent fausses, car elles ne nous sont pas familières. La justesse est donc une notion toute relative, et c’est lorsque l’on fait de la musique à plusieurs que celle-ci prend vraiment son sens. En effet, deux musiciens qui jouent ensemble doivent être d’accord, c’est-à-dire que les notes qu’ils vont jouer ensemble doivent s’accorder. Et là, notre oreille est intraitable : si deux musiciens ne sont pas accordés, le résultat est extrêmement déplaisant, ça sonne faux. On sort donc du domaine de l’acquis pour rentrer dans celui de la physique. La musique, une affaire de physiciens ? À quel phénomène cela tient-il ? La réponse à cette question est connue finalement depuis assez peu de temps au regard de l’histoire de la musique puisque c’est seulement au milieu du XIXe siècle qu’Hermann von Helmholtz donne une explication scientifique de la notion de dissonance, qu’il nomme Rauhigkeit (‘rugosité’). Il associe la notion de dissonance à la notion de battements. En effet, les mathématiques nous disent que, lorsqu’on superpose deux sons purs de même amplitude et de fréquences voisines, il en résulte un son unique dont la fréquence est leur moyenne et dont l’amplitude est modulée périodiquement par une fréquence égale à leur différence. Par exemple, si on superpose deux sons purs de même amplitude et de fréquences 439 Hz et 441 Hz, on obtient un son de 440 Hz qui s’éteint deux fois par seconde (2 Hz). C’est une sensation assez désagréable, car notre cerveau n’apprécie pas les événements répétés rapidement qui mobilisent trop son attention : Hermann von Helmholtz a estimé subjectivement que la sensation était la plus désagréable pour des battements autour de 30 Hz. Quand cette fréquence augmente, la sensation de battement disparaît et la sensation désagréable avec. Les choses se compliquent lorsqu’on superpose deux sons complexes. Un son complexe est un son périodique dont on sait, depuis Joseph Fourier, qu’il peut être décomposé en une somme de sons purs – les harmoniques –, dont les fréquences sont multiples de sa fréquence, dite fréquence fondamentale. Lorsqu’on superpose deux sons complexes, alors tous les harmoniques du premier son sont susceptibles de battre avec un voire plusieurs harmoniques du second. La probabilité pour que les deux sons sonnent bien ensemble est alors quasi nulle. Les rares situations sans battement correspondent aux intervalles consonants : l’octave qui correspond à un rapport de fréquence égal à 2 exactement, la quinte qui correspond à un rapport 3/2, la quarte 4/3, la tierce majeure 5/4 et, à la limite, la tierce mineure 6/5. Ces intervalles, si la note fondamentale n’est pas trop basse, ne créent pas de battements. Cela s’explique car de la superposition de deux sons d’un intervalle juste résulte un seul son, dont la fréquence fondamentale est la différence entre les deux. Ainsi un La3 à 440 Hz et un La4 à 880 Hz (octave) donnent un La3 de fréquence 440 Hz, mais avec un timbre différent. Un La3 à 440 Hz et un Mi4 à 660 Hz (quinte) donnent un La2 à 220 Hz. De même, un La3 à 440 Hz et un do#4 à 550 Hz (tierce majeure) donnent un La1 à 110 Hz. Dans tous les cas, l’oreille ne perçoit pas de battements car ceux-ci sont trop rapides. Par contre, si on considère un La2 une octave plus bas à 220 Hz et un do#3 à 275 Hz (tierce majeure), on obtient un La1 à 55 Hz qui commence à être perçu comme rugueux. À cette hauteur, la tierce est presque dissonante. C’est sans doute pour cela qu’au Moyen Âge, la tierce majeure était rejetée, car considérée comme dissonante, sans parler de la tierce mineure. Ces deux intervalles sont d’ailleurs toujours considérés par les spécialistes comme des consonances imparfaites, par opposition à l’octave et la quinte qui sont des consonances parfaites. Ces intervalles sont à la base de la musique occidentale puisqu’ils permettent de construire la gamme naturelle Ut (do) ré mi fa sol la, qui va permettre, en combinant différentes notes non conjointes, de définir les bases de l’harmonie musicale. Au fil du temps, les compositeurs et les auditeurs seront de plus en plus accommodants vis-à-vis de la justesse et, actuellement, sur un clavier numérique, seules les octaves sont rigoureusement justes. Finalement, de nos jours, chanter juste, c’est chanter pas trop faux ! Jean-Pierre Dalmont, Le Mans Université statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : Marguerite, un film de Xavier Giannoli avec Catherine Frot et Denis Mpunga (2015) © Fidélité Films. Plus de presse en Wallonie… [...] Lire la suite…
Faut-il nourrir les oiseaux en été ?Faut-il nourrir les oiseaux en été ?
[LPO, 18 mars 2022] Le nourrissage des oiseaux est pratiqué l’hiver par des millions de personnes dans leur jardin ou sur leur balcon, et il est bien souvent vital pour de nombreuses espèces durant cette période de pénurie alimentaire. Un nourrissage permanent peut cependant avoir des conséquences néfastes et mettre en danger certaines populations d’oiseaux. Ainsi, la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux française) conseille aux Français de nourrir les oiseaux uniquement en période de froid prolongé, soit en général de la mi-novembre à fin mars. Dès que le printemps s’installe, les oiseaux commencent à établir leur territoire et débutent la construction de leur nid ou recherchent la cavité où ils pondront leurs œufs. S’il est alors tentant de les attirer aux mangeoires pour mieux les observer, la mise à disposition de nourriture n’est plus nécessaire, la nature fournissant suffisamment d’aliments “de saison” à l’avifaune, y compris dans les villes. Continuer de nourrir les oiseaux peut même devenir contre-productif et leur nuire. Si vous n’avez pas encore commencé le processus de sevrage, il est désormais temps de réduire petit à petit les quantités, afin de stopper tout nourrissage au bout de 7 à 10 jours. Cet arrêt est important car les lipides des graines ou des boules de graisse ne sont pas adaptés aux futurs poussins qui doivent être nourris exclusivement de protéines. De nombreuses espèces deviennent ainsi insectivores. D’autre part, la dépendance à un lieu précis de nourrissage doit cesser pour inciter les oiseaux à chercher par eux-mêmes la nourriture la plus adéquate à leur biologie. En revanche, l’apport d’eau est utile tout au long de l’année. Risques de transmission de maladies En période chaude où la prédominance des maladies est plus forte qu’en hiver, le rassemblement d’individus de différentes espèces autour des points de nourrissage peut favoriser la propagation de plusieurs infections telles que la salmonellose, qui affecte notamment les verdiers et les pinsons. Même en hiver, pensez à nettoyer régulièrement les mangeoires et les abreuvoirs pour en améliorer l’hygiène, en favorisant les désinfectants naturels (huile d’arbre à thé, vinaigre…) !. Un effet sur les taux de prédation La concentration engendrée par le nourrissage peut faire augmenter les taux de prédation par des animaux sauvages (épervier d’Europe) ou domestiques (chats). Dans tous les cas, il est toujours bon d’appliquer quelques règles de précaution comme disposer les mangeoires dans des endroits dégagés, avec un accès facile à des perchoirs en hauteur, pour éviter la prédation par les chats. Perturbations physiologiques Plusieurs études ont démontré que des couples ayant accès à plus de nourriture pondaient plus tôt. La demande énergétique des poussins est ainsi décalée par rapport au pic de disponibilité alimentaire, ce qui peut entraîner une surmortalité juvénile. De plus, beaucoup de jeunes oiseaux deviennent insectivores au cours du printemps et un nourrissage prolongé peut perturber leurs habitudes alimentaires alors qu’ils doivent justement apprendre à se nourrir par eux-mêmes en capturant des insectes. Chez le Kakapo, un perroquet très rare endémique de Nouvelle-Zélande, il a par ailleurs été observé qu’un nourrissage fréquent des femelles reproductrices avait pour conséquence une profonde altération du sex-ratio avec la production quasi-unique de poussins mâles. Même si les connaissances sur le sujet ne permettent pas de généraliser, il ne faut pas exclure la possibilité que le nourrissage en période de reproduction puisse engendrer un piège écologique et/ou évolutif dans certaines situations. Altération de la composition de la communauté aviaire Toutes les espèces ne bénéficient pas équitablement du nourrissage, que ce soit en hiver ou en période de reproduction. Si la mise à disposition de suppléments alimentaires est susceptible d’augmenter les densités de quelques espèces, il est aussi possible qu’elle réduise en parallèle, à travers un processus de compétition, les densités d’autres espèces. Et l’eau dans tout cela ? A la différence de l’alimentation, vous pouvez mettre de l’eau à disposition de la faune sauvage toute l’année. Mais attention, tout comme les mangeoires, il vous faudra veiller à garder les abreuvoirs propres et changer l’eau toutes les semaines du printemps à l’automne afin d’éviter la prolifération de moustiques. [PROTECTIONDESOISEAUX.BE, 5 mai 2024] À quelle période de l’année et dans quelles conditions est-il opportun de nourrir les oiseaux ? Le nourrissage des oiseaux des jardins est une pratique courante en Europe, comme dans le monde. En général, celle-ci se déroule en hiver, et de nombreux belges y participent. Le nourrissage est-il bénéfique à d’autres saisons ? Les arguments mis en avant par les adeptes du nourrissage hivernal sont d’une part une amélioration potentielle de la survie des oiseaux pendant la saison la plus difficile sur le plan des conditions météorologiques, et d’autre part les opportunités d’observations rapprochées, dont le potentiel éducatif est élevé. L’apport de nourriture en période hivernale est constitué essentiellement de mélanges de graines (tournesol principalement, en général avec du millet, de l’avoine, des arachides, …). Il arrive que ces aliments soient complétés par des graisses en période de gel. Le nourrissage est souvent effectué à partir du mois d’octobre jusqu’en mars. La plupart du temps, il prend fin au printemps juste avant la période de nidification. En effet, en cette période, les oiseaux sont plus territoriaux et abandonnent en grande majorité les mangeoires. La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux est parfois interrogée concernant le prolongement de la période de nourrissage de nos amis ailés. Cette prolongation aurait lieu pendant la période de reproduction afin d’enrayer le déclin observé des populations d’oiseaux. Conséquences du nourrissage en période de reproduction Le nourrissage en période de nidification peut avoir pour effet positif un avancement de la date de ponte, ce qui est souvent associé à une ponte d’œufs plus importante et donc plus de jeunes à l’envol. Par contre, le nourrissage en période de reproduction comporte plusieurs effets négatifs. Tout d’abord, la qualité nutritionnelle de la nourriture fournie artificiellement est inférieure à celle des aliments naturels que les oiseaux se procurent dans la nature (chenilles, insectes, …). Il est donc primordial de prendre en compte la qualité des aliments pour que ceux-ci soient bénéfiques aux oiseaux. Les aliments déshydratés fournis via les mangeoires ne peuvent servir que de complément, car les oisillons ont besoin de nourriture humide pour s’hydrater (leurs parents ne leur apportent pas d’eau). Un autre élément important est la transmission d’agents pathogènes. En effet, le rassemblement d’oiseaux autour des mangeoires, même si elle est moindre en période de reproduction, favorise le développement de maladies. Les températures plus élevées au printemps augmentent les risques de transmission. Il a été démontré que la trichomonose contribue à la diminution de la population du Verdier d’Europe par exemple. De plus, un nourrissage pendant la période de nidification peut affecter la synchronisation du comportement reproducteur des oiseaux avec la disponibilité des ressources alimentaires. En effet, ce nourrissage induit une ponte et une éclosion des oisillons plus hâtive, ce qui peut avoir pour conséquence une inadéquation entre le pic de ressources alimentaires (arthropodes, insectes…) et la demande énergétique des poussins. Le nourrissage pourrait également avoir un effet sur l’évolution des espèces. A titre d’exemple, en Nouvelle-Zélande, il ne restait que 200 individus de Strigops kakapo. Un nourrissage systématique des femelles reproductrices a alors été organisé pour favoriser la reproduction. Résultat : les femelles ont vu éclore une majorité de poussins mâles. Favoriser un jardin naturel et limiter le nourrissage aux périodes de grand froid Nous conseillons donc de limiter le nourrissage à la période la plus froide de l’hiver (quand les températures sont négatives ou légèrement au-dessus de 0°C), en arrêtant progressivement le nourrissage dès que les températures remontent. Afin d’accueillir les oiseaux dans un jardin, nous conseillons plutôt d’aménager ce dernier le plus naturellement possible afin qu’ils puissent y trouver tout ce dont ils ont besoin, toute l’année. Par exemple, les buissons et les haies sauvages d’espèces indigènes fournissent des baies, des graines et des insectes. Les vergers procurent des cavités mais aussi des fruits. Les prairies de fauches ou fleuries sont de véritables terrains de chasse pour les oiseaux. Une mare permet aux oiseaux de s’abreuver et de se baigner, mais également de se nourrir des insectes qui y sont attirés. Le meilleur moyen d’aider les oiseaux est d’aménager un jardin naturel : Stopper l’utilisation des pesticides et des insecticides. Planter une haie sauvage en évitant de la tailler en période de nidification. Éviter de tondre l’entièreté de la pelouse. Si le terrain le permet, planter un verger. Semer une prairie de fauche ou fleurie. Installer une mare.   [...] Lire la suite…
COMMON COLLECTIONS : catalogue de collections muséales, artistiques et scientifiques en WallonieCOMMON COLLECTIONS : catalogue de collections muséales, artistiques et scientifiques en Wallonie
[COMMON COLLECTIONS] Common Collections est un réseau constitué à l’initiative de la Province de Liège, rassemblant seize institutions culturelles de Wallonie, de statut public et associatif. Le projet a pour but de rassembler au sein d’un espace numérique commun – et par conséquent de rendre accessible au plus grand nombre – les collections patrimoniales conservées par les différents partenaires, dont une partie seulement est exposée. À partir de 2014, la Province de Liège a lancé un ambitieux projet d’informatisation de ses collections grâce à l’acquisition d’un logiciel professionnel dédié à cet usage. Initialement déployée au Musée de la Vie wallonne pour ses collections ethnographiques, cette solution a ensuite été étendue à l’ensemble du patrimoine artistique provincial, puis dès 2022 à d’autres partenaires à l’échelle régionale qui illustrent notamment les domaines technique, scientifique, archéologique ou encore historique. Cet ensemble compose aujourd’hui le réseau Common Collections, auquel l’asbl Musées et Société en Wallonie est associée. Le catalogue en ligne, vitrine publique du réseau, réunit aujourd’hui plus de 70.000 notices descriptives, illustrant la diversité des collections de chacun de ses membres. Grâce au travail d’inventaire des équipes scientifiques de chaque établissement, le catalogue est en développement constant. Pour des recherches plus poussées au sein de chacune des collections, nous vous invitons à contacter directement les institutions gestionnaires. Seuls les documents et informations dont les droits ont été accordés et/ou cédés, conformément aux législations en vigueur, ont été mis en ligne. [MUSEES.ULIEGE.BE, 13 septembre 2023] Le pôle muséal et culturel de l’Université a rejoint cette année le réseau Common Collections, en partenariat avec une dizaine d’autres institutions culturelles. Les partenaires actuels du réseau Common Collections sont : Blegny-Mine, le Centre d’interprétation de la Pierre (Sprimont), le Château de Jehay, l’Espace muséal d’Andenne, la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège, le Musée de la Vie wallonne, le Musée du Château Fort de Logne, les Musées de Verviers, les Collections artistiques de la Province de Liège, le Préhistomuséum, la Fondation Province de Liège pour l’Art et la culture, le Trinkhall Museum, ainsi que le Pôle muséal et culturel de l’Université de Liège. A l’initiative de la Province de Liège, Common Collections est un projet de mutualisation du logiciel de gestion de collections The Museum System (TMS), conçu pour les musées et les institutions culturelles. Il permet de stocker, organiser et accéder facilement l’ensemble des informations et médias sur les collections et les objets qu’elles renferment. Avec une interface conviviale pour la saisie, une sécurité renforcée des données sensibles et une vision efficace qui aide la prise de décision en matière de gestion, le logiciel se veut utile aux gestionnaires de musées et collections. Une interface web commune définie par un groupe de travail composé par les partenaires, permet la visibilité des collections aux chercheurs, étudiants, ou à un large public tout en facilitant leur découverte et leur compréhension. Au sein des collections universitaires, une phase de test a été menée principalement avec les collections du Musée Wittert et du Pôle muséal et culturel (héritées notamment de l’ancien Centre d’Histoire des Sciences et des Techniques). Elle a permis de vérifier le bon fonctionnement du système et de résoudre quelques petits problèmes d’importation, en cours de résolution, avant une utilisation plus large. On a ainsi pu s’assurer que les informations sur les collections sont stockées de manière cohérente et accessible, et que le système répond aux besoins de l’institution. Actuellement (septembre 2023), l’encodage a commencé également dans les collections de la Maison de la Science, celles d’Anatomie humaine et celles de Médecine vétérinaire (objets provenant de l’École vétérinaire de Cureghem). Dans un avenir proche, d’autres collections s’y joindront : celles de dendrochronologie et d’archéométrie, de tératologie, des coupes histologiques végétales, la collection de préhistoire (en partenariat avec le Préhistomuséum pour la réflexion liée aux fiches), et celle du Musée de Zoologie. Nous invitons les gestionnaires des autres collections universitaires qui le souhaitent à nous contacter pour organiser la migration des données, avec l’objectif de rationaliser la gestion des collections et de faciliter le partage des informations. Nous travaillerons en étroite collaboration avec eux pour assurer le succès de ce projet. statut : validé | mode d’édition : partage, correction, édition et iconographie | sources : ULiège ; Province de Liège | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © commoncollections.be ; © Jean Louis Wertz. D’autres initiatives en Wallonie… [...] Lire la suite…
ARTIPS : Le diable s’habille en bleuARTIPS : Le diable s’habille en bleu
[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 20 juin 2025] Où l’on rencontre des marchands qui en voient de toutes les couleurs. 1263, Strasbourg. Les marchands de colorant rouge, qu’on obtient notamment à partir de la garance, sont plutôt verts de jalousie : la star du moment, c’est la couleur bleue ! Sa popularité ne fait que grimper, mettant à mal leurs affaires. Ils ont alors une idée… Ils demandent à un artisan de réaliser un vitrail racontant l’histoire du moine Théophile qui, selon la légende, aurait pactisé avec le diable. Et pour discréditer le bleu, les marchands demandent au maître verrier d’attribuer cette couleur au démon. Malin ! En soi, un siècle et demi auparavant, ce choix n’aurait choqué personne. Le bleu était alors le parent pauvre des couleurs : il était peu utilisé et avait une connotation péjorative. Une aversion de longue date puisqu’elle remonte à l’Antiquité gréco-romaine, époque durant laquelle la couleur était mal définie. L’origine germanique du mot ‘bleu’ en est d’ailleurs un indice, le latin n’ayant pas réellement de terme pour cette teinte. Mais alors, pourquoi tout cela change-t-il au XIIe siècle ? Pour des raisons théologiques, on commence à distinguer la lumière terrestre de la lumière divine. Or, comme la lumière terrestre est déjà représentée par le blanc, il faut bien choisir autre chose pour le divin, et c’est le bleu qui l’emporte ! Peu à peu, les artistes représentent des ciels bleus, puis cette couleur devient associée à la Vierge Marie et finit par inonder les vitraux, les enluminures, ou encore les émaux. On comprend que cela ait causé du tracas à nos marchands de garance… Malheureusement pour eux, si ce joli vitrail a effectivement été réalisé, il n’aura pas permis d’enterrer la mode du bleu. Celle-ci perdure même jusqu’aujourd’hui puisqu’il s’agit de la couleur préférée des Français ! Sur l’œuvre ci-dessous, on voit le bleu du ciel divin et le blanc du ciel terrestre : Le ciel n’est bleu que par convention, mais rouge en réalité. Cora Hopkins statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © BnF ; © Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg ; © Musée Condé, Chantilly. Plus d’arts visuels en Wallonie… [...] Lire la suite…
Les IA, nos nouvelles confidentes : quels risques pour la santé mentale ?Les IA, nos nouvelles confidentes : quels risques pour la santé mentale ?
[THECONVERSATION.COM, 17 juin 2025] Depuis le lancement, en novembre 2022, de ChatGPT, l’agent conversationnel développé par OpenAI, les intelligences artificielles génératives semblent avoir envahi nos vies. La facilité et le naturel avec lesquels il est possible d’échanger avec ces outils sont tels que certains utilisateurs en font même de véritables confidents. Ce qui n’est pas sans risque pour la santé mentale. Les grands modèles de langage, autrement dit les intelligences artificielles “génératives” telles que ChatGPT, Claude et autre Perplexity, répondent à de très nombreux besoins, que ce soit en matière de recherche d’informations, d’aide à la réflexion ou de résolution de tâches variées ; ce qui explique l’explosion actuelle de leur utilisation scolaire, universitaire, professionnelle ou de loisir. Mais un autre usage de ces IA conversationnelles se diffuse à une vitesse impressionnante, en particulier chez les jeunes : l’équivalent de discussions entre amis, pour passer le temps, questionner ou échanger des idées et surtout se confier comme on le ferait avec un proche. Quels pourraient être les risques liés à ces nouveaux usages ? Un terrain propice à une adoption rapide La conversation par écrit avec les intelligences artificielles semble s’être banalisée très rapidement. À noter d’ailleurs que s’il existe des IA utilisant des échanges vocaux, elles semblent cependant moins utilisées que les échanges textuels. Il faut dire que nous étions depuis de longues années déjà habitués à échanger par écrit sans voir notre interlocuteur, que ce soit par SMS, par e-mail, par “tchat” ou tout autre type de messagerie. Les IA génératives reproduisant remarquablement bien l’expression verbale des êtres humains, l’illusion de parler à une personne réelle est quasiment immédiate, sans avoir besoin d’un avatar ou d’une quelconque image simulant l’autre. Immédiatement disponibles à toute heure du jour et de la nuit, conversant toujours sur un ton aimable, voire bienveillant, entraînées à simuler l’empathie et dotées, si ce n’est d’une “intelligence”, en tout cas de connaissances en apparence infinies, les IA sont en quelque sorte des partenaires de dialogue idéales. Il n’est dès lors pas étonnant que certains se soient pris au jeu de la relation, et entretiennent des échanges suivis et durables avec ces substituts de confidents ou de “meilleurs amis”. Et ce, d’autant plus que ces conversations sont “personnalisées” : les IA mémorisent en effet les échanges précédents pour en tenir compte dans leurs réponses futures. Certaines plateformes, comme Character.ai ou Replika, proposent par ailleurs de personnaliser à sa guise l’interlocuteur virtuel (nom, apparence, profil émotionnel, compétences, etc.), initialement pour simuler un jeu de rôle numérique. Une fonctionnalité qui ne peut que renforcer l’effet de proximité, voire d’attachement affectif au personnage ainsi créé. Voici à peine plus de dix ans, le réalisateur Spike Jonze tournait le film Her, décrivant la relation amoureuse entre un homme sortant d’une difficile rupture et l’intelligence artificielle sur laquelle s’appuyait le système d’exploitation de son ordinateur. Aujourd’hui, il se pourrait que la réalité ait déjà rejoint la fiction pour certains utilisateurs des IA génératives, qui témoignent avoir entretenu une “romance numérique” avec des agents conversationnels. Des pratiques qui pourraient ne pas être sans risque pour l’équilibre mental de certaines personnes, notamment les plus jeunes ou les plus fragiles. Des effets sur la santé mentale dont la mesure reste à prendre Nous constatons aujourd’hui, dans tous les pays (et probablement bien trop tard…), les dégâts que l’explosion de l’usage des écrans a causés sur la santé mentale des jeunes, en particulier du fait des réseaux sociaux. Entre autres facteurs, une des hypothèses (encore controversée, mais très crédible) est que la désincarnation des échanges virtuels perturberait le développement affectif des adolescents et favoriserait l’apparition de troubles anxieux et dépressifs. Jusqu’à aujourd’hui, pourtant, les échanges menés par l’intermédiaire des réseaux sociaux ou des messageries numériques se font encore a priori principalement avec des êtres humains, même si nous ne côtoyons jamais certains de nos interlocuteurs dans la vie réelle. Quels pourraient être les conséquences, sur l’équilibre mental (émotionnel, cognitif et relationnel) des utilisateurs intensifs, de ces nouveaux modes d’échanges avec des IA dénuées d’existence physique ? Il est difficile de les imaginer toutes, mais on peut concevoir sans peine que les effets pourraient être particulièrement problématiques chez les personnes les plus fragiles. Or, ce sont précisément celles qui risquent de faire un usage excessif de ces systèmes, comme cela est bien établi avec les réseaux sociaux classiques. À la fin de l’année dernière, la mère d’un adolescent de 14 ans qui s’est suicidé a poursuivi les dirigeants de la plateforme Character.ai, qu’elle tient pour responsables du décès de son fils. Selon elle, son geste aurait été encouragé par l’IA avec laquelle il échangeait. En réponse à ce drame, les responsables de la plateforme ont annoncé avoir implémenté de nouvelles mesures de sécurité. Des précautions autour des propos suicidaires ont été mises en place, avec conseil de consulter en cas de besoin. Une rencontre entre des personnes en souffrance et un usage intensif, mal contrôlé, d’IA conversationnelles pourrait par ailleurs conduire à un repli progressif sur soi, du fait de relations exclusives avec le robot, et à une transformation délétère du rapport aux autres, au monde et à soi-même. Nous manquons actuellement d’observations scientifiques pour étayer ce risque, mais une étude récente, portant sur plus de 900 participants, montre un lien entre conversations intensives avec un chatbot (vocal) et sentiment de solitude, dépendance émotionnelle accrue et réduction des rapports sociaux réels. Certes, ces résultats sont préliminaires. Il paraît toutefois indispensable et urgent d’explorer les effets potentiels de ces nouvelles formes d’interactions pour, si cela s’avérait nécessaire, mettre tout en œuvre afin de limiter les complications possibles de ces usages. Autre crainte : que dialoguer avec un “fantôme” et se faire prendre à cette illusion puissent aussi être un facteur déclenchant d’états pseudo-psychotiques (perte de contact avec la réalité ou dépersonnalisation, comme on peut les rencontrer dans la schizophrénie), voire réellement délirants, chez des personnes prédisposées à ces troubles. Au-delà de ces risques, intrinsèques à l’emploi de ces technologies par certaines personnes, la question d’éventuelles manipulations des contenus – et donc des utilisateurs – par des individus mal intentionnés se pose également (même si ce n’est pas cela que nous constatons aujourd’hui), tout comme celle de la sécurité des données personnelles et intimes et de leurs potentiels usages détournés. IA et interventions thérapeutiques, une autre problématique Pour terminer, soulignons que les points évoqués ici ne portent pas sur l’utilisation possible de l’IA à visée réellement thérapeutique, dans le cadre de programmes de psychothérapies automatisés élaborés scientifiquement par des professionnels et strictement encadrés. En France, les programmes de ce type ne sont pas encore très utilisés ni optimisés. Outre le fait que le modèle économique de tels outils est difficile à trouver, leur validation est complexe. On peut cependant espérer que, sous de nombreuses conditions garantissant leur qualité et leur sécurité d’usage, ils viendront un jour compléter les moyens dont disposent les thérapeutes pour aider les personnes en souffrance, ou pourront être utilisés comme supports de prévention. Le problème est qu’à l’heure actuelle, certaines IA conversationnelles se présentent d’ores et déjà comme des chatbots thérapeutiques, sans que l’on sache vraiment comment elles ont été construites : quels modèles de psychothérapie utilisent-elles ? Comment sont-elles surveillées ? et évaluées ? Si elles devaient s’avérer posséder des failles dans leur conception, leur emploi pourrait constituer un risque majeur pour des personnes fragiles non averties des limites et des dérives possibles de tels systèmes. Les plus grandes prudence et vigilance s’imposent donc devant le développement ultrarapide de ces nouveaux usages du numérique, qui pourraient constituer une véritable bombe à retardement pour la santé mentale… Antoine Pelissolo, professeur de psychiatrie statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : Her, un film de Spike Jonze (2013) © Annapurna Pictures ; © DP. Plus de conventions sociales en Wallonie… [...] Lire la suite…
ARTIPS : L’union fait la forceARTIPS : L’union fait la force
[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 16 juin 2025] Où l’on apprend à se donner un coup de main entre deux coups de pinceau. Années 1870, Paris. L’artiste Louise BRESLAU (1856-1927) peine à joindre les deux bouts… Bien décidée à devenir peintre professionnelle, elle doit cependant faire face à un milieu plutôt hostile aux femmes. La jeune femme vient d’ailleurs d’intégrer l’une des seules institutions qui acceptent les artistes féminines, l’académie Julian. Mais les cours coûtent plus cher aux femmes qu’aux hommes et Breslau peine à décrocher des commandes… Heureusement, elle n’est pas seule dans cette situation ! D’autres femmes suivent les cours de l’académie Julian et traversent les mêmes difficultés. C’est le cas par exemple de Marie Bashkirtseff ou encore de Madeleine Zillhardt, qui deviendra la compagne de Louise Breslau. Leur compagnie est précieuse pour notre peintre. Malgré certaines rivalités professionnelles, les femmes des cours Julian s’entraident. Elles posent les unes pour les autres et s’encouragent dans leurs ambitions artistiques respectives. Cette entraide a aussi toute son importance pour ce qui est des préoccupations plus terre-à-terre. Ainsi, plusieurs s’associent pour partager leur logement, leur atelier et leurs frais quotidiens. Tant bien que mal, elles réussissent à concilier leur apprentissage avec un confort de vie acceptable. Et tout cela grâce à leur solidarité ! C’est à cet esprit de camaraderie que Louise Breslau rend hommage dans son tableau Portrait des amies . Elle s’y représente aux côtés de ses colocataires, Maria Feller et Sophie Schaeppi, toutes deux étudiantes à l’académie Julian… sans oublier bien sûr leur petit chien de compagnie ! Coup de chance pour Breslau, cette toile est très appréciée lors de son exposition au Salon de Paris en 1881, lançant la carrière de la peintre. Forte de ce succès, celle-ci devient une portraitiste renommée qui saisit avec brio l’intimité de ses sujets. Elle continue ainsi de rendre hommage à ses amies et ses proches dans son art, en plus de faire de Madeleine Zillhardt son modèle privilégié… On nous demande, avec une indulgente ironie, combien il y a eu de grandes artistes femmes. Eh ! Messieurs, il y en a eu et c’est étonnant, vu les difficultés qu’elles rencontrent. (Marie Bashkirtseff) Charlotte Dubus-Hamel statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, BRESLAU Louise, Portrait des amies (1881) © Musée d’Art et d’Histoire de Genève (N.B. Breslau est à droite du tableau, devant son chevalet) ; © Musée d’Art de Dnipro ; © Collection privée. Plus d’arts visuels en Wallonie… [...] Lire la suite…
VAN EMPEL, Ruud (né en 1958)VAN EMPEL, Ruud (né en 1958)
[MUSEEPHOTO.BE, 24 mai 2025] Ruud van Empel est né à Breda en 1958. Après avoir obtenu son diplôme (1981) à l’AKV St. Joost à Breda, il s’installe à Amsterdam. Il a commencé à créer des œuvres d’art basées sur la technique du photo-collage, utilisant la photographie analogique et la photocopieuse, puis le traitement numérique de l’image. van Empel reçoit des commandes pour le célèbre duo de télévision Theo et Thea. Il conçoit des décors pour De Flessentrekrevue et est directeur artistique du long métrage Theo et Thea et Le démasquage de l’empire du fromage d’orteil. Les séries Study in Green (2003-2004), Untitled (2004) et la série World, Moon and Venus, qui lui est étroitement liée, lui valent une reconnaissance mondiale. La percée américaine conduit également à l’attention des musées et à des acquisitions aux Pays-Bas. Au cours de sa carrière, Ruud van Empel a reçu plusieurs prix, notamment le Sint Joost Award (1981), le Charlotte Kolher Award (1993), le H.N.Werkmann Award (2001) et le Breda Oeuvre Award (2013). Les œuvres de Ruud van Empel font partie de collections importantes, notamment celles du Rijksmuseum et du Groninger Museum, du Museum Voorlinden, de la George Eastman House à Rochester (NY), de la Generali Foundation à Vienne, de la Collection FNAC à Paris, de la Sir Elton John Photography Collection à Londres et du MoPA Museum of Photographic Arts à San Diego. L’exposition A Perfect World de Ruud van Empel [au Musée de la Photographie de Charleroi] explore un univers fascinant où réalisme et idéalisme se conjuguent. Connu pour ses œuvres qui créent des mondes visuels captivants et mystérieux, van Empel, grâce à une méticuleuse technique de collage numérique, assemble, telle une mosaïque, des milliers de fragments photographiques, produisant des images qui semblent à la fois réelles et surréelles, chaque détail étant soigneusement pensé et exécuté. L’exposition met en avant plusieurs séries emblématiques de l’artiste, dont notamment ses portraits d’enfants et de jeunes adultes, souvent entourés de nature luxuriante, inspirés de la peinture pastorale des Pays-Bas du XIXe siècle. Les visages innocents et les paysages parfaits plongent le spectateur dans une atmosphère sereine, empreinte d’une légère inquiétude, l’invitant à s’interroger sur la réalité de ces images. Ruud van Empel transcende les frontières traditionnelles de la photographie. Ses œuvres ne sont pas des captures de moments, des images prises dans leur globalité mais des constructions complexes qui racontent des histoires et suscitent des émotions profondes, baignées qu’elles sont des souvenirs de l’enfance. Jusqu’au milieu des années 1990, van Empel utilisait des techniques de collage traditionnelles pour ses assemblages photographiques. En 1995, il a adopté un processus numérique, utilisant l’ordinateur pour créer ses photographies conceptuelles. Cette transition a marqué un tournant dans l’histoire de la photographie d’art, redéfinissant les possibilités du médium numérique. En puisant dans son vaste stock de photos numériques qu’il a réalisées, van Empel a créé un nouveau genre photographique, qu’il décrit comme la “construction d’une image photographique ou d’objets photographiques.” L’appareil photo demeure au cœur de sa pratique, fournissant les éléments de base de ses compositions construites dans les moindres détails. L’exposition A Perfect World propose aux visiteurs l’exploration de mondes utopiques créés par van Empel. Chaque photographie est une fenêtre sur un univers parallèle, où la perfection apparente cache souvent des zones plus sombres. Cette dualité entre beauté et mystère est au cœur de son œuvre, faisant de cette exposition une occasion unique de découvrir comment la photographie numérique peut générer des réalités intemporelles et idéalisées. [LECHO.BE, 12 juin 2020] Ses images d’enfants noirs sont devenus un emblème d’innocence, reprises sur Instagram par les partisans de Black Live Matters. Ruud van Empel est né à Breda aux Pays-Bas. Il est photographe. Non, peintre. Non, designer. Non, portraitiste. Non, photoshoppeur. Non, illusionniste. Il est tout cela, et ce qu’on appellera d’un terme ancien, un “imagier”, ces moines enlumineurs, peintres et sculpteurs du Moyen-Âge, artisans qui taillaient des images de la beauté. Étudiant en design, Ruud se plie aux règles du Bauhaus où, selon la fameuse formule, la forme suit la fonction. Il s’en écarte et ressent que “la beauté peut être laide”. C’est un sentiment qui “m’est venu tôt, enfant, dans les années soixante : avec ma mère, je regardais des fleurs. Elle les trouvait belles, et moi je les trouvais laides, leurs couleurs trop vives”. Il creuse cette sensation, la tourne et la retourne comme plus tard il tournera et retournera la matière de ses images. “J’ai perçu que c’était à double face : il y a une laideur de la beauté et une beauté de la laideur.” “Mes montages sont une forme d’assaut contre la réalité qui, perdant ses proportions réelles, trouble comme un cauchemar. Ainsi, ceux qui voient mes images ne savent pas toujours comment les regarder”. (Ruud van Empel) Il aborde cette dualité par le noir et blanc. Ses premiers travaux dépendent de la puissance de traitement des PowerMac des années 1990. Il aborde sa technique d’inserts d’images dans l’image. Cette chirurgie sensible gagne en complexité avec l’arrivée de processeurs graphiques plus puissants, qui lui ouvrent les portes de la couleur. Il s’engage dans ce qu’il appelle un “montage, une forme d’assaut contre la réalité qui, perdant ses proportions réelles, trouble comme un cauchemar. Ainsi, ceux qui voient mes images ne savent pas toujours comment les regarder”. En 2000, ses Study for Women créent des personnages à partir de photos des plus grands top models. “C’était un plongeon dans des milliers d’archives : quand on ne peut faire poser le modèle, il faut trouver l’image de la bonne position…” Illusion totale Ensuite, il met en scène ses modèles dans son studio et les recompose pixel après pixel, grain de la peau, reflet de l’œil, tissé de l’étoffe. L’illusion est totale: en 2006, le directeur de Rochester House (Kodak), le plus ancien musée de la photo du monde, croit à des images d’archives sans saisir qu’il s’agit de montages-collages. Tout son travail est une évasion non au sens touristique, mais libertaire: une échappée à la réalité. Il évoque le portrait d’une fillette dans la forêt: “Je suis guidé par toutes les images que j’ai vues, dont une copie est restée imprimée dans mon cerveau. Cette fillette est très ancienne, je l’ai travaillée de mémoire, elle est là depuis longtemps, je le sais”. Chez lui, cette présence de la mémoire est poignante. C’est elle qui fait de lui un cousin de Tim Burton et Bob Wilson, deux autres maîtres de la limite ineffable entre profondeur du rêve et surface de l’image. Sa récente exposition Making Nature (2019) recomposait une nature sans humains, de cactus, de pétales et de feuilles diaphanes qu’il a photographiés à Cuba, au Surinam, au Sri Lanka, “comme celles qu’on a chez soi et qui sont si laides”, sourit-il. Il ne s’écoule pas de semaine sans que des collectionneurs le sollicitent (parmi eux, Elton John, qui en possède dix-neuf dans ses bureaux d’Atlanta, a chanté en 2009 Goodbye Yellow Brick Road à Rotterdam en dédiant sa chanson “à mon photographe préféré”). Ces images d’une inquiétante familiarité inspirent une sidération et vibrent d’une vie qui existe sans exister. Johan-Frédérik Hel Guedj statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Ruud van Empel, “World #7” © Ruud Van Empel | visiter le site de Ruud van Empel Plus d’arts des médias en Wallonie et à Bruxelles… [...] Lire la suite…
Qu’est-ce que la gueule de bois, et y a-t-il des remèdes ?Qu’est-ce que la gueule de bois, et y a-t-il des remèdes ?
[THECONVERSATION.COM, 10 juin 2025] Les vendeurs de remèdes miracles contre la gueule de bois nous assurent qu’ils nous permettront de boire sans payer l’addition. Mais ces promesses séduisantes ne reposent sur aucune preuve scientifique solide. Et lorsque ces produits sont vendus en pharmacie, cela entretient une illusion de légitimité qui brouille les repères en matière de santé publique. La gueule de bois – ce malaise du “lendemain de fête” – est souvent banalisée, moquée, voire érigée en rite de passage. Mais il s’agit aussi désormais d’un phénomène médicalement reconnu, puisque codifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la dernière version de la Classification internationale des maladies (CIM-11). Que nous apprennent les recherches scientifiques sur les causes de ce désagréable état et ses conséquences ? Existe-t-il des prédispositions ? Des remèdes qui fonctionnent ? Que change le fait que la gueule de bois soit aujourd’hui reconnue comme une entité médicale à part entière ? Voici les réponses. Qu’est-ce que la gueule de bois ? La gueule de bois (en anglais “alcohol hangover“) désigne l’ensemble des symptômes qui apparaissent lorsque le taux d’alcool dans le sang est redescendu à zéro, généralement plusieurs heures après une consommation excessive. Cet état dure de 6 à 24 heures. Selon le Hangover Research Group, un collectif international de chercheurs spécialisé dans l’étude scientifique de la gueule de bois et la littérature scientifique récente, les symptômes sont de trois types : physiques : maux de tête, nausées, vomissements, fatigue, sécheresse buccale, tremblements, tachycardie, troubles du sommeil ; psychologiques et cognitifs : anxiété (illustrée par le mot-valise anglais “hangxiety“), irritabilité, humeur dépressive, troubles de l’attention, de la mémoire, lenteur cognitive ; physiologiques : inflammation systémique, stress oxydant, déséquilibre électrolytique (les électrolytes présents dans le sang, comme le sodium ou le potassium par exemple, interviennent dans plusieurs processus biologiques, notamment les fonctions nerveuses et musculaires), hypoglycémie (diminution du taux de sucre sanguin), dérèglement du rythme circadien (l’”horloge interne” qui régule notre corps), perturbation de neurotransmetteurs (les messagers chimiques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux) comme le glutamate et la dopamine. Peut-on prédire qui aura une gueule de bois ? Si la gueule de bois peut survenir à partir d’une alcoolisation modérée (de l’ordre, par exemple, de quatre verres en une soirée), la dose minimale varie fortement selon les individus. Divers facteurs modérateurs ont été bien identifiés. C’est notamment le cas de la vitesse d’ingestion : plus l’alcool est consommé rapidement, plus le pic d’alcoolémie est élevé, ce qui augmente le risque de gueule de bois. La biologie joue également un rôle, qu’il s’agisse du sexe (on sait, par exemple, que les femmes éliminent plus lentement l’alcool que les hommes), du poids, de l’état de santé, ou encore de la génétique, qui influe sur les processus enzymatiques (notamment ceux impliquant les enzymes qui interviennent dans la détoxification de l’alcool, telle que l’alcool déshydrogénase et les aldéhydes déshydrogénases). L’âge joue également un rôle : les jeunes adultes sont plus sujets à la gueule de bois que les personnes âgées. Les jeunes adultes ont tendance à consommer plus rapidement et en plus grande quantité lors d’occasions festives (“binge drinking“), ce qui augmente fortement le risque de gueule de bois. Les personnes plus âgées consomment souvent de façon plus modérée et régulière. Avec l’âge, certaines personnes réduisent naturellement leur consommation et apprennent à éviter les excès et à anticiper les effets. Elles répondent moins aux effets inflammatoires de l’alcool et rapportent moins les symptômes de la gueule de bois. Enfin, l’état physique (niveau d’hydratation, sommeil, alimentation préalable) influe aussi sur les symptômes. Boire à jeun, sans ingérer d’eau ni dormir suffisamment, majore les symptômes. Gueule de bois et “blackouts” : un lien inquiétant Les “blackouts” alcooliques, ou amnésies périévénementielles, traduisent une perturbation aiguë de l’hippocampe, une structure du cerveau qui joue un rôle essentiel dans la mémoire. En interagissant avec certains récepteurs présents au niveau des neurones, l’alcool bloque les mécanismes moléculaires qui permettent la mémorisation ; le cerveau n’imprime alors plus les souvenirs… Bien que ces blackouts ne soient pas synonymes de gueule de bois, ils y souvent associés. En effet, une telle perte de mémoire indique une intoxication sévère, donc un risque plus élevé de gueule de bois… et d’atteintes cérébrales à long terme ! Un facteur de risque pour l’addiction ? Plusieurs études suggèrent un paradoxe du lien entre gueule de bois et addiction. Ainsi, bien que la gueule de bois soit une expérience désagréable, elle ne dissuaderait pas nécessairement la consommation future d’alcool et pourrait même être associée à un risque accru d’addiction à l’alcool. Une étude a par exemple suggéré que la gueule de bois fréquente chez les jeunes constitue un marqueur prédictif spécifique et indépendant du risque de développer une addiction à l’alcool plus tard dans la vie. Ce lien semble refléter une vulnérabilité particulière aux effets aversifs de l’alcool. Chez les buveurs “sociaux” qui se caractérisent par une consommation d’alcool festive, sans présenter une addiction à l’alcool, une gueule de bois sévère est souvent dissuasive. Cependant, chez certains profils à risque (individus jeunes, impulsifs, ou présentant des antécédents familiaux), la gueule de bois n’induit pas de réduction de consommation. Pis : elle est perçue comme un désagrément tolérable renforçant l’habitude de consommation et cette réponse aux effets subjectifs de la gueule de bois constitue ainsi un facteur de vulnérabilité à l’addiction à l’alcool, notamment si l’individu cherche à soulager la gueule de bois… en buvant de nouveau (cercle vicieux). Pas de remède miracle Eau pétillante, bouillon, vitamine C, aspirine, bacon grillé, sauna, jus de cornichon, “hair of the dog” (“poils du chien“, ce qui signifie en réalité reprendre un verre)… La littérature populaire est riche en remèdes de grand-mère censés soulager la gueule de bois. Selon les dires des uns et des autres, pour éviter ou limiter les désagréments liés à une consommation excessive d’alcool, il faudrait se réhydrater (eau, bouillons), soutenir le foie (chardon-Marie, cystéine), réduire l’inflammation (antioxydants, ibuprofène), relancer la dopamine (café, chocolat) ou encore restaurer les électrolytes (boissons pour sportifs)… Pourtant, à ce jour, l’efficacité de ces différents remèdes n’a été étayée par aucune preuve scientifique solide. En 2020, une revue systématique de la littérature a conclu à l’absence d’efficacité démontrée des interventions analysées, les résultats en matière d’efficacité étant jugés “de très faible qualité”. Ce travail a inclus 21 essais contrôlés randomisés, analyse 23 traitements différents, et conclut que la qualité globale des preuves est très faible, selon le système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation). Précédemment, d’autres travaux étaient également arrivés à la même conclusion. La meilleure prévention reste donc de boire modérément, lentement, et de s’hydrater. Un enjeu éthique : faut-il traiter la gueule de bois ? Le fait que la gueule de bois soit maintenant reconnue comme une entité médicale interroge. Ce glissement sémantique est risqué : il pourrait banaliser l’alcoolisation excessive, et même favoriser la consommation. Risque-t-on de voir un jour des médecins prescrire un “traitement” préventif pour permettre de boire plus sans souffrir ? La médicalisation de la gueule de bois pourrait aussi avoir un effet pervers : considérer qu’il est possible de “boire sans conséquence”, à condition de bien se soigner après coup… Il ne faut pas oublier que la gueule de bois n’est pas un simple désagrément : cet état est le reflet d’un stress intense infligé au cerveau et au reste du corps. La comprendre, c’est mieux se protéger – et, peut-être aussi, réfléchir à ses habitudes de consommation. À ce sujet, si vous le souhaitez, vous pouvez autoévaluer vos symptômes de gueules de bois en utilisant cette traduction française de la Hangover Symptom Scale (HSS) [voir article original pour le lien vers le test] Mickael Naassila, Université de Picardie Jules Verne (FR) statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : Charles Bukowski © Emmanuel García Velázquez – slate.fr. Plus de conventions sociales en Wallonie… [...] Lire la suite…
THONART : Introduction aux “Sanctuaires” (2025)THONART : Introduction aux “Sanctuaires” (2025)
Plusieurs d’entre vous avaient gentiment insisté sur l’intérêt de regrouper (et de réécrire pour les harmoniser) différents articles publiés dans wallonica.org sur le thème de l’expérience opposée aux idéalismes, sur la vanité, l’existentialisme, sur le risque d’essentialiser à outrance, sur la mort du dieu, la complexité personnelle, les infox, Montaigne, Paul Diel, le Body Building, Nietzsche ou Ernst Cassirer. Bref, sur ‘comment lutter contre les biais cognitifs et l’aliénation qui nous empêchent de penser la vie sainement et librement‘. Autant de thèmes de travail qui gagneraient, disiez-vous, à figurer au cœur d’un essai qui les relierait et modéliserait leur agencement avec force exemples et explications. Qu’il en soit ainsi : j’ai essayé l’essai… depuis 2023 ! Depuis, les choses ont bougé (cancer, boulot, dodo…) et quelques retraites récentes m’ont permis de reprendre la rédaction du texte baptisé initialement Être à sa place : manuel de survie des vivants dans un monde idéalisé et dont le titre final m’est encore inconnu : quelle que soit la destinée de ce texte (plus de 200 pages déjà), le travail personnel exigé par sa rédaction suffit à me combler et c’est avec joie que je partage avec vous la synthèse de la version en cours. Commentaires bienvenus ! N.B. Les renvois à la bibliographie sont internes au document de travail : les liens sont donc inopérants ici. L’ouvrage s’adresse à celles et ceux qui sont consciemment “disposés à se mettre d’accord avec eux-mêmes” [Camus, 1942] et tient à peu près ce langage : nous cherchons avant toute chose à éprouver la joie de vivre. Loin de dépendre d’un état de bonheur statique et extatique, cette dernière naît de l’expérience satisfaisante du quotidien, de l’exercice d’activités au cours desquelles notre esprit est persuadé que nous sommes la bonne personne, au bon endroit… et en toute confiance ! En d’autres termes : la satisfaction de « bien faire, ici et maintenant. » Problème : nous n’y voyons pas toujours clair… Après avoir longtemps servi de poule aux œufs d’or aux marchands de bien-être, l’aspiration au bonheur, si bien vendue dans la littérature de développement personnel, semblerait aujourd’hui remplacée par une quête du sens renouvelée : si les Anciens espéraient découvrir le sens de la Vie, il s’agirait désormais de lui donner un sens [Chabot, 2024]. Soit. C’est une bonne nouvelle. Reste que ce glissement salutaire laisse dans l’ombre une question d’importance : mais pourquoi chercherions-nous donc à ‘donner un sens à la vie‘ ? Quel est cet appel ontologique que l’humain entend de toute éternité et qui fait qu’il se lève et marche droit devant lui ? Et pourquoi son chat Robert, qui a pourtant l’ouïe fine, n’entend-il pas la même exhortation intime et continue-t-il à dormir près du poêle ? On en viendrait à douter de l’intérêt réel de ce fameux sens de la vie… Peut-être l’expérience directe de la vie du chat Robert est-elle suffisante pour satisfaire sa conscience, peut-être, à défaut d’un élément perturbateur (une souris, une crampe de faim ou un bruit violent), le chat Robert se sent-il suffisamment en sécurité pour ne pas agir. Peut-être vit-il à propos, comme le préconise Montaigne [Montaigne, 1588] : dans un simple équilibre entre ses désirs et ce que le monde lui propose. Il ne fait aucun doute que ledit chat Robert approuve pleinement Rousseau lorsque ce dernier affirme au milieu du XVIIIe que « si la nature nous a destinés à être sains, j’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé » [Rousseau, 1755]. Rescapé des camps de concentration nazis et, à ce titre, moins confiant en l’Homme Sauvage, Viktor Frankl prend le contrepied de Rousseau en proposant : « Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace, nous avons le pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse réside notre épanouissement et notre liberté » [Frankl, 1969]. Il est probable que cet espace de réflexion soit assez restreint dans la conscience du chat Robert. A contrario, chez l’humain, cet espace temporel est bien présent, fiché qu’il est entre les phénomènes que nous percevons, d’une part, et les actes que nous posons, d’autre part. Qui plus est, un tel intermède semble créer un vertige fort angoissant pour beaucoup d’entre nous. Décider, choisir, se tromper, ne pas mériter, être insuffisant, espérer réussir, renoncer, être déçu, « rater, rater encore, rater mieux » [Beckett, 1983] : face à une réalité dont chacun admet aujourd’hui la complexité [Morin, 1977], l’être humain est inquiet et il aspire à percevoir une légalité dans sa vie, une règle du jeu sur laquelle il puisse construire sa confiance [Hunyadi, 2023]… et agir. Dans ce laps de temps suspendu où les phénomènes dérangeants du quotidien créent la nécessité de délibérer avant que d’agir, il est communément admis que trois réactions s’offrent à lui, à cet instant précis où il part en quête d’une juste motivation pour agir et où sa main est encore sur la poignée de la porte du jardin : La sidération (ou ‘gel’) va-t-elle s’emparer de la délibération intime et, faute de générer une solution personnelle au problème, le sujet va-t-il se figer dans la conformité aux idées reçues, aux dogmes, aux autofictions ou aux légendes partagées ? Le sujet va-t-il jouer la carte de la fuite, se réfugier dans l’aliénation et prendre pour réalité des représentations de sa vie et du monde faites d’aveuglements rassurants, de discours où il se sent en sécurité ? Va-t-il, au contraire, passer à l’attaque et « manger le monde» [Nietzsche, 1882], miser sur une attention augmentée pour éprouver sa puissance personnelle, pour faire face à l’imprévu et trouver la Joie dans une expérience de vie satisfaisante ? Le propos sera ici d’explorer, d’une part, combien la fuite libidinale dans les différents aveuglements, tout comme le refuge dans des sanctuaires factices, constituent des leurres qui ne calment pas l’angoisse devant la vie. D’autre part, il s’agira d’illustrer avec des contre-exemples combien l’expérience directe est régulatrice et porte en elle une légalité rassurante, qui rend la confiance possible. C’est Deleuze qui précise : “Un mode d’existence est bon ou mauvais, noble ou vulgaire, plein ou vide, indépendamment du Bien et du Mal, et de toute valeur transcendante : il n’y a jamais d’autre critère que la teneur d’existence, l’intensification de la vie” [Deleuze, 1991]. Partant, qu’on ne pense pas que le vertige qui précède l’action ne concerne que les décisions essentielles de l’existence. Que du contraire : quelle que soit l’ampleur de la problématique à laquelle chacun est confronté, la décision passe par le même chemin. La bonne décision est simplement une décision éclairée, aussi libre d’aveuglements que faire se peut. Le reste n’est « qu’appendicules et adminicules pour le plus. » [Montaigne, 1588]. L’ouvrage est distribué en thèmes de réflexion (d’introspection ?), chaque fois balancés entre questions liminaires, lectures éclairantes, explorations, méditations et exercices de pensée. Il suit le cheminement suivant : CHAPITRE ZERO. LE TROUBLE Parce que nous sommes vivants, nous partageons avec les autres êtres vivants (dont le chat Robert) une pulsion primale, un élan de base qui motive toute notre activité consciente : nous voulons continuer à vivre. C’est probablement ce que Spinoza baptisait le conatus, l’expérience de l’effort de vie, le combat de chacun quand il veut “persévérer dans son être” [Spinoza, 1677]. Qui plus est, nous voulons continuer à vivre en nous sentant « à notre place ». D’ailleurs, s’il est un paradis perdu sur lequel nous fantasmons, c’est bien celui où nous nous sentirions en sécurité, là où nous pourrions agir avec la conviction que les attentes que nous nourrissons envers notre environnement ne seraient pas déçues, un monde univoque où nous pourrions rester au premier degré de la pensée. Force est de constater que notre quotidien est plus complexe et foisonnant et que la vision que nous en avons est troublée par les aveuglements, nos « écailles sur les yeux » [Proust, 1913]. Et c’est bel et bien « à la sueur de notre front » qu’au jour le jour nous cherchons à restaurer nos sanctuaires… CHAPITRE PREMIER. LE REFLEXE DU SANCTUAIRE. De la même manière qu’un arbre fera plus de feuilles si l’ensoleillement est insuffisant pour son métabolisme, nous entrons en action lorsque notre pérennité est mise en question. Qu’un phénomène vienne à troubler notre homéostase (notre équilibre entre désirs internes et possibilités externes), aussitôt notre confiance s’inquiète et nous pousse à identifier l’activité qui pourra rétablir notre sentiment de sécurité. Mais que se passe-t-il alors si nous n’y voyons pas assez clair pour raison garder ? Pouvons-nous encore percevoir ce qui nous sera salutaire si nous nageons dans l’aveuglement ? Irons-nous jusqu’à tenir des discours aliénants où nous aurons l’illusion d’être en sécurité ? Allons-nous fabriquer de toutes pièces des sanctuaires factices et y vivre l’artifice ? CHAPITRE DEUXIEME. LA CONSCIENCE NOETIQUE. Raison garder est bien malaisé car “il nous est impossible de parler d’une réalité quelconque si ce n’est sous la forme d’un contenu de notre conscience” [von Franz, 1972] et notre conscience est justement le triste repaire de nos aveuglements ! Pire, selon Endel Tulving [Tulving, 1985], ce n’est pas une mais trois consciences qui sont à l’œuvre pour motiver nos décisions d’agir. Qu’il s’agisse de la représentation du monde (conscience dite ‘noétique’), la fiction de soi (conscience dite ‘auto-noétique’) ou de la sensation de la situation en cours (conscience ‘a-noétique’), ce sont bien trois instances distinctes, ne parlant pas la même langue, qui se disputent le devant de notre délibération intime. Pour notre bien ? Dédiée à nos représentations du monde (tout ce qui n’est pas nous-même), la conscience noétique a la fâcheuse tendance à se payer de mots, à poser en travers de notre réflexion des dogmes séduisants de logique et à nous laisser confondre la légalité vitale (la ‘nature’ de Spinoza) avec les règles spécifiques à des domaines techniques comme les sciences, les religions ou les traditions. Pour ne pas perdre le nord, on guettera donc quand cette conscience devient par trop dogmatique et technique. CHAPITRE TROISIEME. LA CONSCIENCE AUTONOETIQUE. Là où notre conscience noétique tient (ou adopte) des explications logiques et formulées dans la meilleure langue de nos académies afin de décrire ce monde qui nous entoure et nous sollicite, nous changeons de méthode discursive quand il s’agit de nous décrire personnellement et d’appréhender notre positionnement affectif face aux phénomènes qui s’évertuent à troubler notre sanctuaire (par exemple : les autres êtres humains). Etrangement, notre vocabulaire se fait plus imagé et, abandonnant les rapports de cause à effet logiques, l’enchaînement des faits relève plus de l’association symbolique que l’on retrouve dans les rêves ou dans les écrits de fiction. Il est fascinant, lorsqu’on se donne la peine de fixer le miroir assez longtemps, de voir combien nous nous racontons comme des personnages plutôt que comme des personnes. La raison impliquera alors de se garder des séductions du lyrisme héroïque et narratif de cette conscience de nous-même. CHAPITRE QUATRIEME. LA CONSCIENCE ANOETIQUE. Voilà, parmi nos trois consciences, la plus insaisissable. Ce n’est pas un hasard : c’est notre conscience non verbale, celle dont les travaux ne pourront être dévoyés par la logique des mots et des raisonnements techniques, car elle s’exprime directement dans les comportements et l’action, sans conscience… formalisée. Reste que nos signaux hormonaux et nos cicatrices traumatiques ne s’empêchent pas de délibérer à leur manière et, le cas échéant, de bâtir des aveuglements lourds d’influence, si notre raison faillit à désamorcer l’influence de la conscience anoétique lorsqu’elle se fait trop atavique ou sauvage. Pourquoi pensez-vous que l’infirmière vous conseille de ne prendre aucune décision conjugale au lever d’une anesthésie générale ? CHAPITRE CINQUIEME. RAISON GARDER. Notre quotidien est donc fait de décisions d’agir « à sa juste place » et à chacune de ces décisions correspond l’alternative entre (a) être conforme à un modèle (sidération), (b) fantasmer une situation de sécurité proche du phénomène stressant (fuite) ou (c) exercer sa puissance dans l’expérience nouvelle (attaque). C’est là que la satisfaction d’une pensée plus libre et clairement formulée se fait sentir. C’est là que notre outil de base trouve sa pleine justification : la raison lucide est là pour faire le ménage entre les motivations avancées par chacune des trois consciences qui œuvrent à notre pérennité, chacune à sa manière et quelquefois en curieuse contradiction. Mais cette raison agissante, quelle est son échelle de valeurs ? CHAPITRE SIXIEME. ÂME QUI VIVE. Le problème formulé dans les termes « je ne me sens pas à ma place, que faire ? » implique ces deux chantiers personnels : d’une part, je devrais éviter de m’aliéner dans cette « ma place » fantasmée qui ne correspond pas à mon activité réelle et, d’autre part, je dois y projeter un « je » qui soit vraiment moi (peut-être d’ailleurs que ce « je » qui me sert de référence est trop sublime pour se satisfaire de mon existence effective). Dans son rôle de régulateur des consciences, la raison remplit sa mission de réduction des affects. De là à considérer qu’elle est la digne représentante de valeurs transcendantes qui présideraient à notre délibération, il n’y a qu’un pas… que nous ne ferons pas. Le lecteur se verra ici proposé de faire table rase de tous les systèmes de valeurs, qu’elles soient immanentes, divines, idéales, kantiennes ou quantiques, et de jouer avec le concept d’âme, dans un sens bien païen : l’âme nous est lien intime et ineffable avec la Vie, le sentiment non formulé de la légalité et de l’harmonie de ce qui est : la « nature naturante » de Spinoza [Spinoza, 1677]. Baromètre muet suspendu au mur du bureau de Dame Raison, elle est au beau fixe quand nous prenons des décisions éclairées et annonce l’orage quand nous tentons de tricher avec nous-mêmes. Enfin sevrée de toutes les religions qui en avaient fait le siège du divin en nous, l’âme accède à son statut profane « d’idée vraie », telle que Spinoza l’évoquait [Spinoza, 1677]. Giono aurait pu traduire ceci en disant : « L’âme, c’est simplement la fenêtre ouverte sur la rivière.» CHAPITRE SEPTIEME. LE MODELE DU JONGLEUR. De ces tâches de raison sans cesse renouvelées, à l’instar du quotidien de Sisyphe [Camus, 1942], le modèle visuel pourrait être la gravure Le jongleur de mondes[Grandville, 1844]. Il s’agit en effet de… pouvoir jongler, c’est-à-dire travailler à diminuer la douleur de la distance entre soi et la réalité. Partant, ‘être à sa place’ procède de ce travail de raison, satisfaisant au quotidien, mené au bord du chaos, avec un œil sur cinq indicateurs de Grande Santé[Nietzsche, 1882] : l’incarnation, le degré d’appropriation de la culture, la maîtrise de la verbalisation, l’hygiène informationnelle et la confiance dans la vie. C’est pourquoi il est impératif d’évaluer continuellement ce qui est satisfaisant et, pour ce faire, de s’enlever les ‘écailles sur les yeux’ car une fois la pensée éclairée, la décision d’agir pourra alors se concentrer sur le problème effectif et sa résolution. A défaut, elle ne sera que le reflet des aveuglements intimes. jongler utile, à savoir consacrer son attention à une sélection des phénomènes du monde qui constituent notre périmètre vital effectif: le destin des tortues à moustache des Galapagos ne mérite peut-être pas notre pleine attention, au moment où un bébé pleure de faim, dans la pièce d’â côté. La tâche n’est pas aisée quand on baigne dans l’abondance informative qu’aujourd’hui permettent les réseaux digitaux. Comment résister à l’appel libidinal [Hunyadi, 2023] de ces systèmes numériques fermés qui nous garantissent la pleine satisfaction de nos désirs… si nous choisissons dans les limites du menu ? Comment ne pas lâcher la main-courante quand le multiple prend le masque de l’important ? Quel régime adopter contre l’infobésité ? aimer jongler et jouir de son activité satisfaisante plutôt que chercher la reconnaissance dans le Spectacle et dans la conformité. C’est bel et bien de replacer les valeurs et les dogmes dans leur vitrine de musée ; bonne idée également que de rapporter à la médiathèque les films de super-héros dont nous étions les protagonistes ; et mieux encore, de laisser au bar les cocktails hormonaux et d’ouvrir la fenêtre qui donne sur le jardin. Mais qu’en est-il alors de notre besoin de ressentir la régulation du cours des choses, une légalité où reposer notre confiance dans la vie ? La proposition est ici de continuer à se défaire de l’emprise des discours aveuglants, de s’habituer à une pensée plus libérée des fameuses « écailles sur les yeux » et, partant, de laisser éclore une confiance nouvelle en obéissant à une injonction simplissime : « regarde tes mains quand tu fais ! » Le vieux Renoir (le peintre Auguste) n’enseignait rien d’autre à son fils Jean (le cinéaste) quand il exigeait de n’avoir autour de lui que des outils où il pouvait reconnaître la main de celui qui l’avait façonné [Renoir, 1962] : de toutes nos belles facultés d’êtres humains, ne négligeons pas la raison qui œuvre à nous libérer des aveuglements, comme on lève les poutrelles d’une écluse pour mieux laisser s’écouler le fleuve ! Et Lao-Tseu de se lever du fond de la classe pour insister encore : la loi de la nature ne se dit pas, elle s’expérimente ! Face à l’effort exigé par cette attitude auto-critique, d’aucuns opposent combien, au contraire, la noyade en eau glacée est un mode d’effacement sans douleur : on sombre dans un engourdissement fatal, comme on s’endort. Hélas, aucun expert en la matière n’est là pour témoigner et pour répondre à une question à mes yeux cruciale : aux portes soi-disant veloutées de cette mort sans drame, la conscience a-t-elle un dernier soubresaut, une décharge intérieure qui fait peut-être battre le pied une dernière fois, dans l’espoir vain de rejoindre encore la lumière nébuleuse de la surface ? Combien de nos contemporains ne vivent pas ainsi leur quotidien comme une noyade sans douleur, édulcorée par les artifices, dans une lente mort de l’âme, un neutre écoulement de leur force vitale, jusqu’à avoir le regard sans couleur des « hommes creux » de T.S. Eliot [Eliot, 1925] ? Soyons clairs : cet essai s’adresse à ceux qui, à l’inverse, veulent marcher debout et… mourir de leur vivant ! Patrick Thonart  statut : validé | mode d’édition : rédaction et documentation | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © DR. Quelques autres du même… [...] Lire la suite…
DADO : L’exposition Ars Mechanica à La Boverie (Liège, 2025)DADO : L’exposition Ars Mechanica à La Boverie (Liège, 2025)
[LABOVERIE.COM, présentation officielle de l’expo] Ars Mechanica – La Force d’innover. “Du 25 avril au 27 juillet 2025, La Boverie accueille une exposition unique qui met en lumière l’héritage industriel et artistique du Groupe FN Browning, à travers 135 ans d’innovation et de savoir-faire. En exposant des productions industrielles et artisanales dans un musée des Beaux-Arts, il s’agit de rappeler qu’à une période de l’histoire, les Beaux-Arts et la technique (technè) faisaient tous deux parties des arts mécaniques, avec comme point commun l’expression du génie humain. Les œuvres présentées ne sont pas seulement des pièces esthétiques, mais témoignent du travail des femmes et des hommes qui, grâce à des outils industriels performants et à des inventeurs de génie, ont façonné des productions de qualité, fiables et innovantes à l’origine de révolutions technologiques majeures. Au fil d’une scénographique subtile et pertinente, le parcours révèlera un large éventail d’objets jamais exposés jusqu’ici, témoins des réalisations de l’entreprise dans les différents domaines qu’elle a explorés depuis sa création en 1889 : armes légères, véhicules, aéronautique, aérospatiale, sports… et bien d’autres encore. L’exposition présentera également des peintures, sculptures, affiches publicitaires créées par des artistes renommés, ainsi que des archives et photos qui illustrent l’industrialisation, la fabrication et les impacts sociaux de l’entreprise. Un voyage fascinant au croisement de l’art, de l’histoire et de la technique qui a fait des marques FN, Browning et Winchester des légendes vivantes.“ DADO : 𝐀𝐑𝐒 𝐌𝐄𝐂𝐇𝐀𝐍𝐈𝐂𝐀 À l’heure où les politiques publiques militent activement pour la réduction de la place des voitures dans les centres urbains, et où la frénésie d’investissements dans l’armement soulève de profondes interrogations éthiques — en particulier dans un pays aussi fragilisé budgétairement que la Belgique —, l’exposition Ars Mechanica, actuellement présentée au musée de La Boverie (Liège), surprend par l’ostentation avec laquelle elle met en scène automobiles et fusils. Elle surprend surtout par l’absence de recul critique sur ces objets, exposés ici comme autant d’icônes techniques ou industrielles pas nécessairement appropriées dans un musée dédié à la création plastique. Le titre de l’exposition laissait pourtant espérer une réflexion subtile, à la croisée des arts, des techniques, de l’artisanat et des sciences. Il n’en est rien. Ce à quoi l’on assiste, c’est à une véritable célébration de la FN Browning — consortium regroupant la Fabrique Nationale d’Herstal (FN), la célèbre marque de fusils Browning, et l’entreprise américaine de carabines Winchester, fondée en 1855 dans le Connecticut. Fait peu connu mais non négligeable : l’unique actionnaire de la FN est la Région wallonne. La FN s’inscrit dans une tradition armurière liégeoise qui remonte au XVIe siècle. Longtemps artisanale, cette production connaît un tournant décisif à la fin du XIXe siècle, portée par les avancées technologiques, les exigences croissantes du monde militaire et un besoin accru de précision, qui impose le passage à la production en série. En 1889, dix maisons d’armurerie liégeoises s’associent pour fonder la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre à Herstal. C’est un jalon fondamental dans l’histoire industrielle de la région : dès sa création, l’entreprise honore une commande de 150 000 fusils de type Mauser, la première arme produite dans ses usines. À la fin du siècle, la FN diversifie ses activités : automobiles de luxe ou de gamme intermédiaire, camions, vélos, turboréacteurs… Elle excelle dans les savoir-faire de forge, fonderie et tôlerie, exploitant avec virtuosité les propriétés de l’acier et la diversité des alliages. Cette diversification, qui perdurera près d’un siècle, prend fin dans les années 1980, lorsque la crise sidérurgique frappe de plein fouet l’ensemble de la Wallonie. Aussi riche et passionnante que soit cette histoire industrielle, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de son exposition dans un musée d’art tel que La Boverie — un musée du design ou d’histoire industrielle aurait sans doute offert un cadre plus cohérent. L’un des écueils majeurs de l’exposition est l’effacement de la dimension artistique, réduite ici à sa plus simple expression. Elle est engloutie sous l’abondance d’armes et de véhicules, comme si la seule prouesse technique suffisait à leur conférer une valeur artistique. Pourtant, certaines armes de prestige ou de chasse produites par la FN témoignent d’un haut degré d’exigence tant technique qu’esthétique : précision mécanique irréprochable, utilisation de matériaux nobles comme le noyer pour les crosses, robustesse pensée pour traverser les générations, finitions exécutées à la main sur les pièces d’exception. Certaines sont gravées au burin ou à la pointe sèche par des maîtres graveurs, à l’intention d’une clientèle de collectionneurs et d’amateurs d’armes d’art. Ce savoir-faire exceptionnel aurait pu constituer le cœur d’une réflexion esthétique approfondie. Or, c’est précisément ce qui fait défaut : les qualités artistiques remarquables de ces objets sont à peine évoquées. Plusieurs pièces présentent pourtant des techniques raffinées de marqueterie métallique et d’incrustations d’or, d’argent ou de nacre. Le décor mériterait une lecture plus approfondie : figuration naturaliste (scènes de chasse, cervidés et oiseaux rendus avec un grand réalisme), ornementations baroques ou rocaille (arabesques, feuillages stylisés à la manière des orfèvres), gravures géométriques inspirées de l’Art déco, ou encore motifs héraldiques personnalisés. L’exposition tente néanmoins d’associer ces armes à des peintures de chasse, évoquant au passage le mimétisme de la bourgeoisie du XIXe siècle, qui, désireuse de singer l’aristocratie, partage avec elle ce goût détestable pour l’extermination animale à des fins récréatives. Quelques œuvres picturales parviennent malgré tout à émerger du lot, offrant un contrepoint plus sensible : un superbe paysage de Richard Heintz (La Roche Noire à Sy, 1905), ou une toile expressive de l’illustrateur américain N. C. Wyeth (Hunters with Bear, vers 1911). Ces peintures contrastent vivement avec les sculptures animalières fades ou les représentations stéréotypées de cervidés signées Trucker Smith ou Kyle Sims, dont la qualité évoque davantage les toiles poussiéreuses des brocantes dominicales que le raffinement d’une collection muséale. De superbes agrandissements photographiques en noir et blanc viennent rehausser certaines pièces (armes ou véhicules), en arrière-plan des objets originaux. L’idée est excellente et la présentation réussie. On regrettera toutefois que ni le nom du photographe, ni le lieu de conservation de ces clichés ne soient mentionnés. Quelques affiches publicitaires de la FN, réalisées par Auguste Bénard vers 1900 dans un style clairement influencé par l’Art nouveau, retiennent également l’attention. Mais la véritable pièce maîtresse de l’exposition reste sans conteste la frise monumentale d’Émile Berchmans, Les Forgerons de Vulcain — une huile sur toile peinte en 1910 pour le pavillon de la FN à l’Exposition universelle de Bruxelles. Cette allégorie saisissante rappelle, avec force et lyrisme, que toute création mécanique repose sur la maîtrise du feu et le façonnage du métal. C’est sans doute la seule pièce du lieu à offrir une véritable dimension artistique, la seule qui fait un peu rêver dans un parcours partagé entre la technicité et le spectaculaire. Accueillir une exposition clé sur porte ne représente certes aucun coût, mais cela ne témoigne en rien d’une ambition artistique affirmée ni d’une vision imaginative. Une ville comme Liège mérite assurément mieux… Stéphane DADO statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : © Stéphane Dado – FN Browing Group ; © La Boverie. 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MURAT : Toutes les époques sont dégueulasses (2025)MURAT : Toutes les époques sont dégueulasses (2025)
[ACTUALITTE.COM, 30 mai 2025] La littérature a toujours été le reflet de notre société, les réactions qu’elle suscite révèle les attentes, les rejets ou l’enthousiasme du public et témoigne des changements de mentalités. Si les changements déclenchent parfois des polémique, un courant, apparu depuis quelques années, remet en cause les classiques. Laure Murat reprend à son compte la formule d’Antonin Artaud pour le titre d’un court essai sur le “wokisme” en littérature : Toutes les époques sont dégueulasses. Professeure de littérature à l’université de Los Angeles, l’écrivaine qui, il y a deux ans, avait obtenu le Prix Médicis essai pour Proust, un roman familial, n’hésite pas à reformuler la question du débat qui, pour elle, est mal posée. L’autrice s’accorde sur le fait que chez Ian Fleming, les propos de James Bond choquent par un sexisme déplacé, par exemple dans L’espion qui m’aimait, une femme lance au héros : “Toutes les femmes aiment être plus ou moins violées. Elles aiment être prises. C’est la douce brutalité contre mon corps meurtri qui a rendu son acte d’amour si merveilleusement pénétrant.” Propos difficilement acceptables à notre époque, qui méritent attention. Plus discutable est la remise en cause des textes pour enfants de Roald Dahl. Dans James et la pêche géante : “Tante éponge était spectaculairement grosse/Et terriblement flasque de surcroît” a été remplacé pour ne pas ne pas stigmatiser les enfants en surpoids par : “Tante éponge était une méchante vieille brute/Et mériterait d’être écrasée par les fruits.“ Laure Murat expose la différence entre réécriture et récriture, une différence fondamentale à comprendre pour que le débat soit le plus clair possible : “la réécriture relève de l’art et de l’acte de création, la récriture de la correction et de l’altération.” La réécriture a toujours existé, prenons les tragédies grecques, elles ont toutes été réécrites, Racine par exemple avec Andromaque ou Phèdre, et remises au goût du jour pour le public. Cette réécriture est un acte de création alors que la récriture est un acte de modification. La revendication actuelle pointe du doigt des propos ou des personnages offensants. Le risque de modification serait de déformer trop le personnage et ses propos et rendre ainsi le récit incompréhensible. Retoucher les propos d’un personnage sans changer sa manière de penser et sa vision du monde, rend d’une part le texte inintelligible et trahit les intentions de l’auteur. Récrire c’est prendre le risque d’effacer ce qui a été et qui reste un témoignage sur la pensée de l’époque : “Éliminer ce qui gêne aujourd’hui au motif que cela nous offense, c’est priver les opprimés de leur oppression.” En éliminant ce qui gêne, la récriture falsifie l’Histoire pour la rendre plus acceptable, ce qui pourrait s’apparenter à une censure. Pour replacer le texte dans la période, Laure Murat propose de le contextualiser à l’aide d’une préface ou postface de l’éditeur afin de le restituer dans l’époque et le rendre accessible, un travail d’historien littéraire en sorte. Attention cependant aux intentions de l’éditeur qui derrière la notion nécessaire de pédagogie, cache bien évidemment une nécessité tout autre, celle de la rentabilité économique. Une initiative qui fait couler beaucoup d’encre, est celle du Sensitivity Reader, pratique qui consiste à retoucher le texte en amont par des juristes par exemple, afin d’évacuer toute source de polémique. On se souvient de la virulence d’un débat entre deux écrivains à ce sujet (Nicolas Mathieu-Kev Lambert) : l’un défendait le droit à la création et à l’imperfection tandis que l’autre, plaidait pour le droit à la précision. La solution est une lecture éclairée des œuvres dites “litigieuses” qu’on souhaite lire, le lecteur a le droit aussi de ne pas lire ces œuvres qui dérangent. L’avantage des œuvres réécrites est celle d’avoir le choix de lire encore les œuvres originales qui pourront toujours témoigner de ce qui a été. Le wokisme n’est finalement que la feuille de vigne qui recouvrait les sexes sur les tableaux de la renaissance, un acte de pudibonderie qui n’a jamais empêché la curiosité. Christian Dorsan [RADIOFRANCE.FR/FRANCECULTURE, 5 juin 2025] Dans un essai paru chez Verdier, l’écrivaine Laure Murat entend poser calmement des termes clairs au débat sur la réécriture des classiques. Intitulé Toutes les époques sont dégueulasses, citation d’Antonin Artaud, l’essai de Laure Murat, écrivaine et professeur aux États-Unis, entend faire le bilan provisoire et dépassionné d’un grand débat de notre temps : la question de la réécriture des œuvres classiques. Un débat dans lequel volent en escadrille des tas de mots pièges, souvent anglais : la Cancel culture, le wokisme, les sensibility readers, la pensée décoloniale, l’intersectionnalité, le totalitarisme d’atmosphère, bref des tas de termes minés et passionnels, que Laure Murat dispose avec sang-froid et pragmatisme, non sans, peut-être, les simplifier un peu trop. Elle commence par expliquer que ce livre est une pause dans l’embrouillamini contemporain, et pour ce faire, elle s’applique à opérer une première distinction : entre la réécriture — processus artistique qui consiste à tirer d’une œuvre une autre œuvre, exemple Carmen de Bizet réécrit à partir du roman de Mérimée ; et la récriture, un processus pratique qui consiste à amender ou corriger une œuvre pour des raisons stratégiques, par exemple le remplacement de termes jugés blessants pour les personnes grosses dans Charlie et la chocolaterie de Roald Dahl. Une mise au point théorique simple, qui lui permet rapidement de s’attarder sur le deuxième processus qu’elle juge un problème, voire une bêtise : il ne suffit pas de changer le titre de Dix petits nègres pour altérer véritablement l’esprit profondément réactionnaire et possiblement raciste du livre d’Agatha Christie. Une bêtise qui est aussi, “une affaire de gros sous”, puisque ses diverses “récritures” servent moins le progrès intellectuel et politique que l’industrie qui les conduit. Et Laure Murat de pointer l’opportunisme marchand de cette “pasteurisation des livres.” Qu’est-ce qu’une œuvre ? Une pasteurisation qu’elle sépare de la “lecture sensible”, qui a fait si peur il y a quelque temps à Nicolas Mathieu et au sein duquel elle fait une autre bonne distinction : d’une part la lecture sensible des classiques, qui consistent à contextualiser un canon qu’il est bon de redéfinir constamment pour qu’il vive, avec, par exemple de bonnes préfaces critiques : d’autre part une forme de lecture/censure qui s’appliquerait aux livres contemporains, dont les auteurs seraient forcés de conformer leurs récits à une soi-disant doxa “wokiste“, jusqu’à parfois s’autocensurer eux-mêmes. Danger qu’elle minimise toutefois, en rappelant que si censure il existe aujourd’hui sur les livres aux États-Unis notamment, elle s’exerce sur tout un corpus de romans écrits par ou sur des personnes LGBT dans les bibliothèques et les établissements scolaires. Il est difficile de ne pas être d’accord avec Laure Murat, tant ses arguments sont simples et nets, et ses exemples bons — mais je me suis demandée si c’était aussi simple que ça. J’ai repensé en fermant le livre à cette manière de dire en introduction : “j’écris ce livre pour faire une pause“, manière apparemment de refroidir le débat, mais aussi quelque chose d’un peu professoral, un léger surplomb qui exigerait sans doute plus de volume, plus d’arguments, et plus d’exemples. Si le débat est aussi compliqué, aussi déchirant, ce n’est pas parce que ceux qui le pratiquent sont tous des poulets sans tête qui courent en tous sens, c’est parce que les subtilités qui le régissent sont redoutables. Et cette distinction par exemple entre “réécriture” et “récriture” n’est pas si évidente si on y réfléchit bien. Cela m’est apparu au cours du livre, quand elle évoque l’infléchissement de certains contes pour des raisons morales ou de protection de l’enfance : faut-il considérer que les films Disney sont des réécritures ou des récritures des classiques ? Probablement les deux… En bref, Laure Murat ne se situe probablement pas hors de la mêlée, mais dedans, et c’est très bien, car cette mêlée ne produit à mon avis pas que de vaines controverses, elle donne à penser continuellement à ce que c’est qu’une œuvre, un classique, et qu’est-ce que c’est que la pensée critique. Lucile Commeaux statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : actualitte.com ; radiofrance.fr/franceculture | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Philippe Matsas ; © lemonde.fr ; © Le fils de bulle. Plus de presse en Wallonie… [...] Lire la suite…
La banalité du mal : ce que dit la recherche en psychologie socialeLa banalité du mal : ce que dit la recherche en psychologie sociale
[THECONVERSATION.COM, 1er juin 2025] La recherche en psychologie sociale réfute la thèse de la banalité du mal. La violence dans les hiérarchies sociales est exercée par des individus qui se distinguent par un élément : leur orientation autoritaire – et ainsi par un comportement particulièrement coercitif, inégalitaire et intolérant. Le chercheur en psychologie sociale Stanley Milgram publie en 1964 la première recherche expérimentale sur la soumission à l’autorité. Son protocole consiste à demander à des personnes volontaires d’infliger des décharges électriques à un autre participant (en réalité un compère de Milgram) dans le cadre d’une recherche prétendument sur les effets de la punition sur l’apprentissage. Un échantillon de psychiatres prédit une désobéissance quasi unanime, à l’exception de quelques cas pathologiques qui pourraient aller jusqu’à infliger un choc de 450 volts. Les résultats provoquent un coup de tonnerre : 62,5 % des participants obéissent, allant jusqu’à administrer plusieurs chocs de 450 volts à une victime ayant sombré dans le silence après avoir poussé d’intenses cris de douleur. Ce résultat est répliqué dans plus d’une dizaine de pays auprès de plus de 3 000 personnes. Ces données illustrent la forte propension à l’obéissance au sein de la population générale. Elles montrent également des différences individuelles importantes puisqu’environ un tiers des participants désobéit. Les caractéristiques socio-démographiques des individus et le contexte culturel semblent n’avoir aucune influence sur le comportement dans le protocole de Milgram. Comment expliquer alors les différences individuelles observées ? Nous avons conduit une nouvelle série d’expériences dans les années 2010. Nos résultats montrent un taux d’obéissance similaire ainsi qu’une influence notable de l’autoritarisme de droite : plus les participants ont un score élevé à l’échelle d’autoritarisme de droite, plus le nombre de chocs électriques administrés est important. Recherche sur l’autoritarisme La psychologie sociale traite la question de l’autoritarisme depuis plusieurs décennies. Cette branche de la psychologie expérimentale a notamment fait émerger dès les années 1930 une notion importante : celle d’attitude. Une attitude désigne un ensemble d’émotions, de croyances, et d’intentions d’action à l’égard d’un objet particulier : un groupe, une catégorie sociale, un système politique, etc. Le racisme, le sexisme sont des exemples d’attitudes composées d’émotions négatives (peur, dégoût), de croyances stéréotypées (“les Noirs sont dangereux“, “les femmes sont irrationnelles“), et d’intentions d’action hostile (discrimination, agression). Les attitudes sont mesurées à l’aide d’instruments psychométriques appelés échelles d’attitude. De nombreux travaux montrent que plus les personnes ont des attitudes politiques conservatrices, plus elles ont également des attitudes intergroupes négatives (e.g., racisme, sexisme, homophobie), et plus elles adoptent des comportements hostiles (discrimination, agression motivée par l’intolérance notamment). À l’inverse, plus les personnes ont des attitudes politiques progressistes, plus elles ont également des attitudes intergroupes positives, et plus elles adoptent des comportements prosociaux (soutien aux personnes défavorisées notamment). Les attitudes politiques et les attitudes intergroupes sont donc corrélées. Une manière d’analyser une corrélation entre deux variables est de postuler l’existence d’une source de variation commune, c’est-à-dire d’une variable plus générale dont les changements s’accompagnent systématiquement d’un changement sur les autres variables. Dit autrement, si deux variables sont corrélées, c’est parce qu’elles dépendent d’une troisième variable. La recherche en psychologie sociale suggère que cette troisième variable puisse être les attitudes autoritaires. Cette notion regroupe des attitudes exprimant des orientations hiérarchiques complémentaires : l’orientation à la dominance sociale, une attitude orientée vers l’établissement de relations hiérarchiques, inégalitaires entre les groupes humains ; l’autoritarisme de droite, une attitude orientée vers l’appui conservateur aux individus dominants. La recherche en psychologie expérimentale, en génétique comportementale et en neurosciences montre invariablement que ce sont les attitudes autoritaires, plus que toute autre variable (personnalité, éducation, culture notamment), qui déterminent les attitudes intergroupes, les attitudes politiques, et ainsi le comportement plus ou moins coercitif, inégalitaire, et intolérant des personnes. Autoritarisme dans la police Étudions le cas d’un groupe : la police. Plusieurs études montrent que les policiers nouvellement recrutés ont des scores significativement plus élevés à l’échelle d’autoritarisme de droite que la population générale. Ce résultat important suggère que les personnes autoritaires sont plus susceptibles de choisir une carrière dans la police (autosélection) et/ou que la police a tendance à privilégier les personnes autoritaires pour le recrutement (sélection). Les personnes autoritaires et l’institution policière semblent réciproquement attirées, ce qui entraîne un biais de sélection orienté vers l’autoritarisme de droite qui, on l’a vu, est responsable d’attitudes politiques conservatrices et d’attitudes intergroupes négatives. À des fins de recherche, des universitaires ont développé un jeu vidéo simulant la situation d’un policier confronté à une cible ambiguë et devant décider de tirer ou non. Des personnes noires ou blanches apparaissent sur un écran de manière inattendue, dans divers contextes (parc, rue, etc.) Elles tiennent soit un pistolet, soit un objet inoffensif comme un portefeuille. Dans une étude menée aux États-Unis, les chercheurs ont comparé la vitesse à laquelle les policiers décident de tirer, ou de ne pas tirer, dans quatre conditions : cible noire armée, cible blanche armée, cible noire non armée, cible blanche non armée. Les résultats montrent que les policiers décidaient plus rapidement de tirer sur une cible noire armée, et de ne pas tirer sur une cible blanche non armée. Ils décidaient plus lentement de ne pas tirer sur une cible noire non armée, et de tirer sur une cible blanche armée. Ces résultats montrent un biais raciste dans la prise de décision des policiers. Ils réfutent l’hypothèse d’une violence policière exercée par seulement “quelques mauvaises pommes.“ On observe dans toutes les régions du monde une sur-représentation des groupes subordonnés parmi les victimes de la police (e.g., minorités ethniques, personnes pauvres). Les chercheurs en psychologie sociale Jim Sidanius et Felicia Pratto proposent la notion de terreur systémique (systematic terror) pour désigner l’usage disproportionné de la violence contre les groupes subordonnés dans une stratégie de maintien de la hiérarchie sociale. Soutien des personnes subordonnées au statu quo On peut s’interroger sur la présence dans la police de membres de groupes subordonnés (e.g., minorités ethniques, femmes). Une explication est l’importance des coalitions dans les hiérarchies sociales tant chez les humains que chez les primates non humains, comme les chimpanzés, une espèce étroitement apparentée à la nôtre. On reconnaît typiquement une coalition quand des individus menacent ou attaquent de manière coordonnée d’autres individus. Le primatologue Bernard Chapais a identifié plusieurs types de coalition, notamment : les coalitions conservatrices (des individus dominants s’appuient mutuellement contre des individus subordonnés qui pourraient les renverser) ; l’appui conservateur aux individus dominants (des individus subordonnés apportent un appui aux individus dominants contre d’autres individus subordonnés) ; les coalitions xénophobes (des membres d’un groupe attaquent des membres d’un autre groupe pour la défense ou l’expansion du territoire). La police regroupe des individus subordonnés motivés par l’appui conservateur aux individus dominants (tel que mesuré par l’échelle d’autoritarisme de droite) et la xénophobie (telle que mesurée par les échelles de racisme). Dans son ensemble, la recherche en psychologie sociale réfute la thèse de la banalité du mal. La violence dans les hiérarchies sociales est exercée par des individus qui se distinguent par leur orientation autoritaire, et ainsi par un comportement particulièrement coercitif, inégalitaire, et intolérant. Le mauvais état de la démocratie dans le monde suggère une prévalence importante des traits autoritaires. Lutter contre l’actuelle récession démocratique implique, selon nous, la compréhension de ces traits. Johan Lepage, Psychologie sociale UGA (FR) statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © odysee.com. Plus de conventions sociales en Wallonie… [...] Lire la suite…
PICHAULT : Chili con carne (Le bon appétit, 2002)PICHAULT : Chili con carne (Le bon appétit, 2002)
[C4, supplément au n° 101-102, novembre-décembre 2002] Le soleil s’est levé depuis belle lurette et je suis toujours couché. à côté de Lise, dans de beaux draps, je la regarde dormir sans me lasser, mais sans l’enlacer pour ne pas la réveiller, quoi que la tentation soit forte. Je dois me lever et écrire ma recette pour le C4. J’ai promis que je me reconcentrerais sur mon sujet et que j’arrêterais de vous parler de Lise. Ce ne sera pas simple car elle occupe toutes les cases de mon cerveau, petit cervelet et hypothalamus compris. Chose prolise, chose dure… décidément je m’embrouille, elle m’ embrouille. Chose promise, chose due. Voyons… “Sans chichi, pas conne du tout, notez-la dans un petit carnet, voici la recette du chili con carne.” Ca commencera comme ça… je vais me lever… ding-dong… on sonne à la porte. Un coup d’oeil par la fenêtre… le facteur. Pas timbré. Je m’enveloppe dans mon vieux peignoir car le facteur est une facteuse et on n’est jamais trop prude ni trop prudent. Bonjour Monsieur. Bonjour Madame. J’ai un petit colis pour vous, ça vient de Suisse… Merci. Au revoir et bonne journée… Et de fait la journée commence bien, j’adore recevoir des petits colis, c’est tellement gai de couper la ficelle et de déballer lentement le paquet, très lentement, pour jouir pleinement de ce temps suspendu, ces quelques secondes presque angoissantes qui précèdent la découverte. Un colis de Suisse ? C’est sans doute de ma soeur Janine qui habite à Sion ; c’est trop petit pour être du chocolat ; dommage car je raffole du chocolat extra noir fait là, à Sion. J’ouvre… un flacon de Viagra, douze petits losanges bleus de 50 milligrammes. Et c’est bien ma soeur qui me l’envoie, elle a joint un petit mot. C’est pourtant pas son genre, qu’est-ce qui lui prend : Mon cher frère, je n’ai pas l’habitude de te confier mes petits problèmes, -heureusement pour moi ! – mais en matière sexuelle – oh, ma soeur ! –(excuse mon écriture tremblotante mais j’ai l’impression de commettre un péché en écrivant ce mot, Dieu me pardonnera sans doute) – sans nul doute ! – tu es plus ferré que moi sur le sujet. – c’est pas difficile, Janine a toujours été un peu tarte – Mon Marcel m’honorait tous les trois mois et je m’en contentais (l’excès nuit en tout) mais depuis qu’il est branché sur Internet, voilà maintenant deux ans, il passe ses nuits à surfer sur le Net, pendant que je pleure sur ma couette. Sa souris. oui… ma chatte, non ! J’ai donc pensé, puisque le Viagra est ici en vente libre, lui en donner à son insu, mais avant je désirais connaitre ton avis d’expert – là , elle exagère ! – sur les effets du Viagra. J’attends ton rapport sexuel. Merci d’avance. Bises. Janine. Ben ça alors, elle me prend pour un cobaye et pour un étalon. Si elle croit que je vais bouffer ses pilules, elle se fourre le doigt dans… l’oeil. Pour moi l’amour, c’est nature, c’est le trapèze sans filet, non mais ! Je vais lui répondre que ça marche bien pour ne pas la peiner et qu’elle se débrouille avec son Marcel viagré. Revenons à notre chili : Faites tremper vos haricots rouges (500gr) la veille. Le lendemain, égouttez-les, rincez-les et renoyez-les dans une casserole. Faites bouillir et écumez. Ajoutez un gros oignon piqué de clous de girofle, quelques carottes, une branche de céleri, thym, laurier et une étamine contenant quelques piments rouges (chilis). Faites mijoter deux heures et ne salez qu’une demie heure avant la fin de la cuisson. Dans une poêle, faites revenir du hachis (500gr) de boeuf, de veau ou d’agneau (carne), ajoutez sel, cannelle et cumin et mélangez aux haricots. C’est prêt. Ca pique un peu et c’est bien meilleur que la saloperie de Viagra de ma soeur Janine. Lise s’est réveillée, elle s’approche de moi et m’embrasse tendrement. Dis, tu ne trouves pas que les poissons rouges ont un comportement bizarre ce matin. Ah, oui ? Etienne Pichault statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : Etienne Pichault | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © amourmaracasetsalami.com. Passer à table en Wallonie… [...] Lire la suite…
ARTIPS : Un vrai labyrinthe, où l’on découvre une œuvre d’art qui doit beaucoup à la scienceARTIPS : Un vrai labyrinthe, où l’on découvre une œuvre d’art qui doit beaucoup à la science
[NEWSLETTERS.ARTIPS.FR, 26 mai 2025] Années 2020, Louvain (Leuven en version originale), en Flandre. Les architectes Pieterjan Gijs et Arnout Van Vaerenbergh vont toquer à la porte de l’Institut des plantes de KU Leuven, l’université où ils ont eux-mêmes étudié. Ils ont besoin d’un coup de main de ces botanistes. Que sont-ils donc en train de préparer ? Le duo a reçu une importante commande de KU Leuven, qui fête en 2025 ses 600 ans d’existence. Pour l’occasion, la vénérable université a prévu d’inaugurer une route des arts et des sciences à travers la ville. Comme son nom l’indique, ce projet a la particularité d’inviter des artistes locaux et internationaux à réfléchir avec des scientifiques de toutes les facultés de l’université, pour imaginer ensemble des œuvres qui resteront dans l’espace public. L’idée de Pieterjan et Arnout ? Créer un labyrinthe végétal, inspiré de ceux qui agrémentaient autrefois les jardins des nobles demeures. Mais dans ce Wandering Garden, qu’on pourrait traduire par “Jardin d’errance” en français, point de haies rectilignes taillées au cordeau. Au contraire, sur la structure tout en courbes conçue par le studio Gijs Van Vaerenbergh, mille et une espèces de plantes grimpantes, soigneusement sélectionnées avec les spécialistes de KU Leuven, vont pouvoir s’épanouir librement au fil du temps. Formant ainsi un véritable répertoire botanique… immersif ! Car bien sûr, les visiteurs sont les bienvenus : ils peuvent dès à présent déambuler au cœur du Wandering Garden, prendre leur temps pour explorer et contempler, rebrousser chemin… Un labyrinthe n’est pas une impasse, un cul-de-sac, un piège. Mais un chemin qui ouvre sur d’autres chemins… Stéphane Michaka Comme l’expliquent les deux créateurs, la promenade à l’intérieur de cette œuvre est un parallèle avec le cheminement de la recherche scientifique. On y entre, on tâtonne, on s’interroge, on se confronte à l’inconnu…. et on finit par découvrir quelque chose ! Leuven vous attend… Et si vous profitiez de ce 600e anniversaire pour découvrir l’une des plus belles villes universitaires d’Europe ? Le Wandering Garden de Gijs Van Vaerenbergh vient d’y être inauguré, tout comme les autres œuvres qui ponctuent la route des arts et des sciences. Et si vous voulez en savoir plus, jetez un coup d’oeil sur VISITLEUVEN.BE… Tout comme son M Museum qui… …est un musée et une plateforme d’arts plastiques établissant à travers les siècles des rapports pertinents entre l’art et la société, ainsi qu’entre différentes disciplines artistiques. M réalise ses ambitions internationales depuis Louvain, capitale européenne de l’innovation. M, installé au cœur historique de Louvain, se distingue par l’association de l’art ancien et de l’art contemporain. Le grand architecte Stéphane Beel a conçu un complexe muséal aux lignes épurées autour de l’ancien musée municipal Vander Kelen-Mertens. Le musée, doté d’un jardin intérieur central et d’une terrasse sur le toit offrant un panorama à couper le souffle, est également un point de rencontre idéal pour les visiteurs de tous âges. M dispose aussi d’un second lieu, la collégiale Saint-Pierre historique, où nous présentons à un large public une série exceptionnelle d’œuvres d’art, dont le célèbre triptyque La Cène de Dieric Bouts. M gère une collection de plus de 53 000 objets, s’articulant d’une part autour de la production artistique historique à Louvain et dans le Brabant, et d’autre part autour de l’art belge depuis 1945. Nous présentons aussi bien des pièces majeures que les nouvelles œuvres d’artistes contemporains. Des expositions temporaires invitent les visiteurs à découvrir des pièces moins connues de la collection, souvent présentées en dialogue avec des objets prêtés par des collègues de la communauté muséale internationale. Plus d’infos sur MLEUVEN.BE/FR… statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : newsletters.artips.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © © kuleuven.be. Plus d’arts visuels en Wallonie… [...] Lire la suite…