Ce livre, consacré aux symboles sculptés dans les églises romanes, n’est pas un énième dictionnaire de symboles, compilation de toutes les interprétations circulant depuis des lustres. Il se diférencie parce qu’il ne s’intéresse qu’aux symboles romans, en explicitant leur origine et les raisons de leur signification. Il s’inscrit dans le droit fil de travaux d’autres chercheurs pour qui les symbolismes chrétien et roman ne sont pas des sujets de libre interprétation mais reposent sur la tradition catholique.
Depuis le second concile de Nicée, en 787, l’image placée dans les églises est soumise à l’autorité des ecclésiastiques en fonction de la doctrine catholique et de la tradition. Derrière le sculpteur d’un chapiteau, l’imagier, il y a obligatoirement un moine qui lui en dicte le contenu. Cette obligation a prévalu jusqu’au concile Vatican Il.
Dans un précédent travail, j’ai pu établir l’origine bénédictine du symbolisme roman, et plus particulièrement la responsabilité des bénédictins de Cluny. Ces moines avaient une mission, apporter l’Évangile aux hommes pour qu’ils se convertissent. D’où le contenu du message du symbolisme roman : le combat spirituel.
Le symbolisme roman présente une approche radicalement différente de celle des autres symbolismes. Ceux-ci se sont élaborés point par point, au fil des siècles et du développement des cultures, sous forme de mono-symboles, sans intention autre que d’exprimer des notions intellectuelles.
Le symbolisme roman relève, lui, d’une intention globale. Il s’est construit en quelques années (25 ans), sur le socle du symbolisme chrétien né des Pères de l’Église*, dans le but de répandre un enseignement, celui du combat spirituel. C’est une construction intellectuelle, ce qui est confirmé par la juxtaposition, sur un même chapiteau, de plusieurs symboles sous la forme d’un rébus. Le message est délivré non seulement par les symboles mais surtout par leur mise en scène. Contrairement aux autres, le symbolisme roman est un véritable langage global religieux, achevé dans sa conception lorsqu’il a commencé à se répandre. Ainsi, chercher à expliquer certains symboles en les séparant du contexte et de cette globalité n’a pas de sens.
Nous verrons qu’un paradigme* à part entière a été créé avec le symbolisme roman. Pour le comprendre, il faut penser religieux et surtout il faut souvent penser autrement. Un exemple nous permet d’approcher cette notion, celui des chapiteaux où les personnages tirent la langue. Si l’on se réfère aux textes bibliques, les personnages ne tirent pas la langue, ils la montrent.
Les symboles utilisés dans l’art roman proviennent d’abord de la Bible par les symbolismes juif et chrétien. Pour les symboles purement romans, ils sont soit créés de toute pièce par les moines bénédictins, soit repris par eux à d’autres civilisations non chrétiennes. Dans ce cas, leur signification n’a plus rien à voir avec celle de leurs origines ; à l’instar de symboles païens christianisés les Pères de l’Église, les bénédictins les ont intégrés au paradigme roman.
Prenons l’exemple du lion ailé. Chez les Assyriens de Nimroud, le lion ailé était un génie protecteur. Suite aux visions d’Ézéchiel, puis de saint Jean, le lion ailé est devenu le symbole de l’évangéliste saint Marc. Personne n’aurait l’idée de se référer aux Assyriens pour expliquer ce lion. Pourtant, c’est ainsi que l’on tente d’expliquer sirène, centaure et autre griffon. Cette conception réductrice s’appuie sur des schémas tout faits, des idées reçues qui confondent tous les symbolismes en un seul comme si le génie humain n’avait pas été capable de diversité.

Ces chercheurs ne tiennent pas compte du phénomène de la révélation du Christ et de la signification propre et unique qu’aucune culture antérieure ne pouvait connaître puisque liée à cette révélation. Ainsi, les Pères de l’Église ont non seulement créé leurs propres symboles mais ont reconduit des symboles juifs en les explicitant avec une vision chrétienne. On constate que les moines romans ont procédé de la même manière vis-à-vis du symbolisme chrétien, générant un symbolisme en partie distinct de celui-ci, alors que tous deux sont bel et bien catholiques. Les chercheurs ne tiennent pas compte dans leurs travaux des aspects religieux de la sculpture romane. Tous répètent pourtant que les symboles sont dans des églises mais sans prendre en compte les affirmations de l’Église concernant justement son contrôle de l’image dans les églises.
Dans un livre écrit en 1286, le Rational, l’évêque de Mende, Mgr Guillaume Durand, décrit et commente le symbolisme des rites et des bâtiments de l’Église catholique, affirmant que le symbolisme chrétien provient de l’Écriture sainte et qu’il ne peut être expliqué que dans le sens de la tradition de l’Église et qu’elle seule possède les clefs des symboles.
En 1867, monseigneur de la Bouillerie, en introduction à son livre Études sur le symbolisme de la nature, rappelle quelques points essentiels : “Le symbolisme n’est pas un caprice de poésie ou d’imagination ; il s’appuie sur une tradition vénérable qui est demeurée constante dans l’Église ; et cette tradition, à son tour, prend sa source dans la parole de Dieu. […] Toutefois, la science des symboles est, je le répète, essentiellement traditionnelle. Ce n’est point à son propre sentiment, mais à celui de l’Église que le symboliste doit demander ses interprétations ; les textes sacrés ne lui appartiennent pas ; ils sont le bien propre de l’Église et l’Église seule peut en fixer le sens. [ … ] Les Pères ont été les plus sûrs et les plus éloquents symbolistes de l’Église. Leur œuvre principale a été de révéler aux fidèles le sens caché de nos saints livres…”
L’évêque Durand de Mende explicite la symbolique des colonnes et des chapiteaux et la raison pour laquelle seuls les chapiteaux sont sculptés jusqu’aux environs de l’an 1100 : “Et les colonnes de l’église, ce sont les évêques et les docteurs qui soutiennent le temple de Dieu par la doctrine catholique, comme les évangélistes soutiennent spirituellement le trône de Dieu… Les bases des colonnes figurent les évêques successeurs des apôtres, qui supportent tout le poids de l’église. Le sommet des colonnes, c’est l’esprit des évêques et des docteurs. Car de même que les membres sont conduits par la tête, ainsi nos paroles sont dirigées par notre esprit et par nos œuvres. Les chapiteaux sont les paroles de la Sainte Écriture que l’Église nous fait un devoir de méditer, et auxquelles nous sommes obligés de conformer nos actions en les observant.”
MgrDurand a raison, c’est bien dans l’Écriture inspirée qu’il faut aller chercher l’explication des sculptures des chapiteaux. En 1025, les chapiteaux historiés font leur apparition sur la tour-porche du monastère bénédictin de Saint-Benoît-sur-Loire. Ils racontent une histoire, accueillant personnages, animaux et végétaux se détachant sur la corbeille.
Les chapiteaux se partagent deux thématiques. La première concerne essentiellement la vie de saint Benoît. Mais le second groupe appartient à la sculpture symbolique. La qualité et l’aboutissement du symbolisme de ces premiers chapiteaux historiés sont remarquables. Tout est dit, l’essentiel est déjà là de ce qui va se développer en quelques dizaines d’années, au point de recouvrir toute l’Europe occidentale des mêmes symboles, pour enseigner le même message. Toute la base du symbolisme y figure déjà : la bourse, les animaux qui pèsent sur la tête, les animaux qui mangent leur queue, les feuillages comme vertus, l’acrobate, les serpents qui parlent aux oreilles, la corde, etc. Cela démontre non seulement la motivation qui présida à l’élaboration de ce message mais aussi son caractère non spontané. Tout était pesé, calculé, prévu, conçu dans une globalité qui correspond au message à enseigner.
Le onzième siècle, s’en tenant aux textes, ne sculpta que des chapiteaux. Mais après 1100, liberté fut prise de sculpter des arcatures, des tympans, des absides ou des murs, tout en respectant les thèmes récurrents qui nous permettent d’établir un catalogue les classifiant par ordre thématique spirituel. Néanmoins il est possible de les présenter par ordre alphabétique. C’est à cela que nous allons consacrer les pages suivantes.
Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait qu’un même symbole va se trouver sur de nombreux chapiteaux, associe à des symboles différents. Dans l’actualité de notre recherche, nous avons rencontré la sirène associée de trente-huit manières différentes à d’autres symboles. La méthode du recoupement est celle qui prévaut pour tenter de définir les symboles qui n’existaient pas à l’époque des Pères de l’Église ou qui ont été empruntés à d’autres cultures.

La règle appliquée est de rester dans le droit fil de la tradition de l’Église comme cela a été rappelé par plusieurs papes et conciles, et dans l’état d’esprit de l’enseignement des bénédictins. Pour cela, il fut nécessaire de se conformer aux quatre règles de lecture et d’interprétation des Écritures : littérale, allégorique, anagogique* et tropologique*, comme l’ont enseigné les papes jusqu’en 1943 avec l’encyclique Divino afflante Spiritu de Pie Il. Il est dès lors difficile d’établir un classement simple des symboles. On constate que les symboles présents dans l’art roman correspondent à une dizaine de catégories :
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- animaux réels : serpent, lion, aigle, agneau, etc. ;
- animaux mythologiques : centaure, sirène, sagittaire, dragon ;
- animaux fantastiques à caractères humains ;
- parties du corps humain : barbe, genoux, jambes, seins, langue, main, oeil, etc. ;
- hommes : hommes nus, enfants nus, orants, acrobates, etc. ;
- animaux fantastiques composites ;
- parties d’animaux : corne, queue, etc. ;
- symboles graphiques : rouelle, cercle, spirale, etc. ;
- objets divers : perle, corde, armes, couronne, pierre, cloche, instruments de musique, etc. ;
- végétaux : palmettes, feuillages, arbres, etc.
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Références bibliques
De nombreux symboles traités dans ce livre doivent leur existence à des versets bibliques. Pour permettre au lecteur de se faire une opinion sur la pertinence de notre analyse et éventuellement replacer dans le contexte les textes utilisés, la référence est systématiquement placée entre parenthèses en fin de citation. Un index des livres de la Bible (commune à toutes les religions chrétiennes) permet de se reporter aux bons textes. Ainsi, (1 Sam : 12/15) correspond au 1er livre de Samuel, chapitre 12, verset 15 ; (Ps 128 : 118-27) signifie psaume 128, chapitre 118, verset 27. Pour le Nouveau Testament, le principe est le même : (Matt. : 24/35) correspond à l’évangile de Matthieu au chapitre 24, Verset 35 ; (2 Pi : 3/9) désigne la seconde épître de Pierre, chapitre 3, verset 9.
Lire un chapiteau
La partie supérieure d’un chapiteau, qui reçoit souvent des décors ou des éléments simples comme des créneaux est le tailloir ; la partie centrale, sculptée de scènes, est la corbeille ; la partie inférieure est l’astragale. Les chapiteaux sont dits historiés lorsque les sculptures racontent une histoire qui peut être la vie d’un saint mais aussi un événement spirituel.

Sur de nombreux chapiteaux, plusieurs personnages occupent la corbeille sur trois ou quatre faces. Il s’agit la plupart du temps du même individu représenté dans des actions différentes et complémentaires, de façon à exposer, les tenants et les aboutissants d’une action. La plupart du temps, l’action se déroule de droite à gauche.
Sur la corbeille, du chapiteau d’Anzy-le-Duc, quatre scènes se succèdent. À l’extrême droite le personnage est un acrobate, il effectue un retournement spirituel : il se convertit. Dans l’angle, le même personnage tient ses genoux : il contrôle sa démarche de conversion. Au centre, il renaît de lui-même, accouchant symboliquement de l’homme nouveau de saint Paul. Ainsi, le démon de gauche joue du pipeau, affirmant son impuissance dans cette conversion.
Vrais et faux chapiteaux
Certains refusent de considérer dans le symbolisme les chapiteaux des XIXe et XXe siècles. Deux cas se présentent. À Autun ou à Saint-Germain-des-Prés, à Paris, des chapiteaux sont des copies à l’identique. Les originaux sont visibles au lapidaire d’Autun ou au musée du Moyen Âge de Paris, il n’y a donc pas de difficultés à utiliser les copies. En revanche, dans la nef de l’abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire, berceau du symbolisme, des chapiteaux sont sculptés ‘à la manière’ du Moyen Âge. Dans ce cas, il est d’abord nécessaire de savoir ce qui les a inspirés.
Un peu de vocabulaire
ANAGOGIE. L’anagogie fait partie des quatre modes traditionnels d’interprétation de l’Écriture Sainte avec les modes littéral ou historique, allégorique et tropologique. L’anagogie est l’interprétation figurée d’un texte des saintes Écritures qui permet le passage du sens littéral à un sens spirituel et mystique, l’élévation de l’esprit aux choses célestes et éternelles. Chiffré par des symboles, c’est le sens le plus élevé mais le moins évident des Écritures.
TROPOLOGIE. La tropologie est l’emploi du sens figuré des Écritures pour mettre en avant le sens moral, pour comprendre ce que nous devons faire. Exemple, le vocable Jérusalem qui, selon le mode de lecture, va acquérir quatre acceptions différentes. Au sens littéral et historique, c’est la capitale d’Israël, la cité terrestre ; au sens allégorique il s’agit de l’Église militante ; au sens tropologique, elle symbolise l’âme humaine fidèle ; et au sens anagogique, c’est la patrie céleste, l’objectif spirituel à atteindre des chapiteaux romans. De ce fait, on comprend la revendication ecclésiale d’interprétation des écritures sous le crible de la Tradition et des Pères afin d’éviter les interprétations hétérodoxes. De nombreux symboles romans proviennent d’une interprétation anagogique des textes de la Bible.
PARADIGME. Le mot paradigme vient du grec ancien paradeïgma qui signifie modèle ou exemple. Selon les sciences qui l’utilisent, on sens n’est pas toujours le même. Dans cet ouvrage, il est employé pour définir la façon dont le système du symbolisme roman a été conçu et pensé dans ses grandes lignes, de manière à en faire un mode global de pensée. Les concepteurs du symbolisme ont détaché les symboles qui le composent de leur provenance initiale et les ont intégrés au système fermé qu’ils élaboraient en fonction du christianisme. Pour exprimer certains concepts, ils ont également créé des symboles nouveaux qui venaient s’intégrer au paradigme et poursuivaient son enrichissement. Il s’agit d’une vision différente, d’un univers intellectuel différent qui, même s’il récupère des éléments d’autres paradigmes, ne tient pas compte de la définition de leurs symboles. En pénétrant dans le paradigme du symbolisme roman, il faut apprendre à penser autrement, uniquement en fonction de la notion chrétienne de combat spirituel qui sous-tend et justifie ce symbolisme. Du point de vue épistémologique, l’unité du symbolisme roman est remarquable. D’un bout à l’autre de l’Europe des moines du XIe siècle, le concept de combat spirituel, son expression par un vocabulaire symbolique, l’approche humaine de la notion de péché dénotent une conception monastique toute en retenue et en intelligence.
PERES DE L’EGLISE. Cette expression désigne les grands théologiens de l’Église ancienne (avant le VIIIe siècle) qui, par leur travail théologique et historique basé sur la Révélation, ont contribué à l’élaboration ou à la défense de la doctrine catholique. Outre leur vie sainte, leur œuvre doit être exempte d’erreurs doctrinales et doit avoir bénéficié de l’approbation de l’Église. Grâce à leur travail clairement défini pour la défense de la foi, ils sont devenus des références doctrinales, des fondements de la tradition. Parmi eux, on peut citer Athanase d’Alexandrie, Grégoire de Naziance, Grégoire de Nysse, Cyril d’Alexandrie, Ambroise de Milan, Irénée de Lyon, Augustin, etc. Ils sont à l’origine d’un symbolisme chrétien, basé sur les qualités du Christ, qui sera un des éléments constitutifs du symbolisme roman. Dix-sept d’entre eux sont également Docteurs de l’Église. Ce titre, défini canoniquement, proclame l’importance exceptionnelle de leur œuvre pour la doctrine de l’Église catholique.
Bibliographie sommaire

Les sculptures des églises romanes portent un message, celui du combat spirituel de l’homme. Une vingtaine de thématiques constituent ce langage propre à l’art roman. Symboles sculptés des églises romanes est un guide qui permet de comprendre la signification des sculptures qui composent un chapiteau roman. Sous forme alphabétique, il recense 170 des principaux symboles qui écrivent le message des pierres. Les nombreuses photographies permettent le recoupement des symboles mis en scène différemment d’une église à l’autre. Les références accompagnant le texte sont la clef essentielle de leur compréhension. Avec 25 ans de recherche et des milliers de chapiteaux photographiés et analysés, Gérald Gambier est le spécialiste du symbolisme roman. On lui doit, entre autres, l’explication de symboles comme la sirène, la bourse, l’atlante, la roue ou les animaux musiciens.
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- BOUILLERIE (Mgr Alexandre-François-Marie Roullet de la -), Etude sur le symbolisme de la nature interprété d’après l’Écriture Sainte et les Pères (1866) ;
- BOUILLERIE (Mgr Alexandre-François-Marie Roullet de la -), Étude sur le symbolisme de la nature interprété d’après l’Écriture Sainte et les Pères (1867) ;
- DURAND DE MENDE (Mgr Guillaume), Manuel pour comprendre la signification symbolique des cathédrales et des églises, extrait du Manuel des divins offices ou Rational (2005) ;
- GAMBIER (Gérald), Le Rébus du symbolisme roman (2016).
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Arbre
L’arbre est un symbole ambivalent, il peut être l’arbre de vie ou l’homme. Deux arbres sont plantés au Jardin d’Eden, l’arbre de vie et celui de la connaissance. Pour Origène, comme pour saint Cyrille de Jérusalem : “Le Christ, qui est la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, est aussi l’arbre de vie, sur lequel nous devons être entés…” Ce postulat est toujours la base de l’art roman.

Selon saint Jérôme, l’arbre est le symbole de l’homme qui porte de bons ou de mauvais fruits. Pour lui, chaque homme a une analogie avec un type d’arbre selon le genre de vertu dont il est orné. “Déjà la cognée est à la racine des arbres. Tout arbre donc qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu.” (Luc : 3/9). Le même Père voit aussi dans l’arbre le symbole de “l’homme juste et ferme dans la vertu, et que les vents conjurés des tribulations de la vie ne sont pas capables de déraciner” (Epit. VI et Comment. ln Osée). La tendance des Pères de l’Église est de dire que, dans l’autre vie, on reconnaîtra les justes, arbres vivants et vigoureux, parés du feuillage et des fruits de leurs œuvres, tandis que les impies paraîtront secs et arides.
L’Apocalypse attribue aux feuilles de l’arbre de vie le pouvoir de guérir les nations de leur paganisme : “Puis l’ange me montra le fleuve de Vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de la place, de part et d’autre du fleuve, il y a des arbres de vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois ; et leurs feuilles peuvent guérir les nations. » (Apo : 22/1-2).
Jusqu’ici les vertus proviennent de l’arbre de vie, mais un glissement de sens permet d’établir avec d’autres versets une relation entre le feuillage et l’homme juste, celui qui cultive les vertus : “Heureux l’homme qui ne suit pas le conseil des impies… JI est comme un arbre planté près des ruisseaux ; qui donne son fruit en la saison et jamais son feuillage ne se flétrit.” (Ps : 1/1-3).
POISSON
À l’origine, le Christ compare les hommes aux poissons et la pêche est l’une des images par lesquelles il a figuré l’œuvre du salut des hommes. Les eaux sont le symbole du baptême, or le poisson ne peut vivre que dans l’eau, le poisson devient tout naturellement le symbole du chrétien.
Avec l’art roman, les choses se compliquent. La mer est l’image du monde avec les flots des sollicitudes, les tempêtes des passions, les écueils des échecs. Elle figure le milieu où s’agitent les convoitises et les turpitudes humaines. Les poissons deviennent alors les hommes plongés dans les abîmes de leurs appétits charnels et de la flamme de leur orgueil. Que cherchent ainsi les poissons au fond des eaux ? Leur nourriture ! Formidable symbole où il est facile “de reconnaître les hommes qui vivent de la vie du monde. Leurs intérêts et leurs passions s’entrecroisent et se combattent ; c’est une lutte incessante où les puissants triomphent, où les faibles succombent”, ils se dévorent entre eux (Mgr de la Bouillerie).
Le poisson, qui représentait l’homme pêcheur parce que vivant dans les eaux troubles de ses passions, devient le symbole du péché de cet homme. C’est l’acception romane, qui explique que l’on trouve tant de poissons au portail des églises. C’est une manière d’avertir l’individu qu’il doit laisser son péché à la porte avant d’entrer. De nombreux chapiteaux représentent un homme portant un poisson gigantesque pour lui. Cela correspond au pécheur accablé par le poids de sa faute.
Une scène est fréquente, celle d’un personnage qui chevauche un poisson en signe de maîtrise de son péché. À Andlau, la femme qui chevauche le poisson en crache un ; non seulement elle domine son péché mais elle le recrache.
SIRENE
Pour aborder la sirène, lire d’abord l’article Poisson. La sirène à deux queues est une création de l’art roman au XIe siècle. Aucun texte ne l’évoque dans la Bible. Elle n’a aucun rapport avec la sirène oiseau tentatrice de l’Odyssée. Des centaines de sirènes peuplent les murs de nos églises parce que ce concept était une nécessité du message délivré par les bénédictins, le combat spirituel. C’est en recoupant les actions des sirènes mises en scène qu’il devient possible de proposer une explication en harmonie avec la doctrine catholique qui sous-tend le symbolisme roman.
Les cent vingt sirènes examinées dans trente-neuf mises en scène différentes montrent toujours des actions positives. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment admettre qu’un symbole du mal puisse trôner au tympan des églises à côté du l’agneau crucifère ? La sirène est la conscience de l’homme. Cette nécessité correspond au poisson-péché. C’est pour cela que les sirènes capturent autant de poissons sur les chapiteaux.
C’est aussi la raison des sirènes qui soufflent dans un cor. Elles appellent à la vigilance, première recommandation faite à un nouveau converti pour éviter qu’il ne retombe dans les turpitudes de sa vie ordinaire.

À Chauvigny, une sirène tient par le cou un oiseau dans chaque main. Symboliquement, elle s’attribue le message qui vient des envoyés du ciel. La sirène de Saint-Chef frappe de sa lance le mal qui sort de la bouche de l’homme sous forme de serpents, tandis que des poissons entrent par les oreilles (à gauche, ill.). Celle de Châtel-Montagne distribue la communion. D’autres sont couronnées, munies d’une auréole ou ceintes d’une corde. Certaines possèdent une raie dans les cheveux, tressent leurs cheveux ou les montrent, se mettent un voile sur la tête, tirent la langue, nourrissent leur petit ou sont placées dans un ouroboros. Celle de Souvigny arrête une flèche du sagittaire qui désignait sa bouche, donc ses paroles, comme digne d’intérêt, tout en peignant sa longue chevelure, et les centaures de Bessuéjouls tiennent les queues de la sirène. Sur l’archivolte de Vouvant, deux sirènes croisent leur queues. L’une tient un oiseau et un poisson et l’autre soulève ses cheveux et le cercle de l’éternité. Ces cinq symboles sont un magnifique résumé de l’enseignement du symbolisme roman…
Gérald Gambier
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : GAMBIER Gérard, Symboles sculptés des églises romanes (2018) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © tourisme-aveyron.com ; © balconsdudauphine-tourisme.com ; © Guy Lerdung ; © Hunza ; © vogage-roman-art.blogspot.com ; © ekladata.com | Nous partageons ce texte avec réserve : l’analyse des symboles s’y inscrit ouvertement dans une lecture confessionnelle. Ce qui ne diminue pas son intérêt mais appelle une lecture éclairée. A ce titre, le scrupuleux respect du discours catholique dont fait preuve l’auteur l’amène à des contradictions dans les interprétations symboliques. Cliquons curieux et… critiques
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